JAZZ-BILZEN FESTIVAL 18-19-20 AOÛT 1972
HUITIÈME ÉDITION
Jazz Bilzen Festival - août 1972
Textes repris de l'ouvrage Jazz Bilzen de Koenraad Nijssen
traduits du neerlandais par Emeric Rezsöhazy
Rewrités par Jean Jième
AMÉLIORER À TOUT PRIX L'IMAGE DE MARQUE.
La préparation de la huitième édition du Festival prévu pour août 1972 débuta par une réorganisation en profondeur ainsi que le rajeunissement de l'équipe de l'asbl Jazz Bilzen. Ainsi trois groupes de travail distincts furent ainsi créés : un pour la gestion administrative, un pour la production et la programmation et un pour les contacts avec le public.
Après avoir pris connaissance des critiques, souvent virulentes, parues dans la presse lors de l'édition 1971, Maurice Paul, le nouveau responsable des relations publiques, lança une grande enquête à travers tout le pays auprès des lecteurs de plusieurs journaux et magazines.
REFERENDUM : MAINTENIR OU NON LE FESTIVAL ?
Plusieurs questions furent mises à l'ordre du jour : le festival avait-il encore sa raison d'être ? Quels étaient les groupes les plus plébiscités par le public ? Comment améliorer l'accueil, la présentation et le service d'ordre ? Était-il judicieux de maintenir un concours pour les groupes amateurs ? Comment était perçue la présence des sponsors ainsi que leurs stands publicitaires ? Et enfin, si ce qu'avait rapporté la presse reflétait bien la réalité ?
Les réponses arrivèrent en masse dans les diverses rédactions. Et, phénomène étonnant, une bonne moitié des réactions provinrent de Wallonie.
LES FESTIVALIERS DONNENT LEUR AVIS.
Certains avis étaient éminemment prévisibles : oui, un grand festival belge comme celui de Jazz Bilzen doit se maintenir. Mais au prix d'une meilleure présentation, d'un service d'ordre plus discret, d'un droit d'entrée plus démocratique, d'un meilleur accès au camping et de la suppression des barbelés.
Si la majorité des éléments sondés ne réclamaient nullement la gratuité du Festival, ils exigeaient par contre que des mesures fermes soient prises à l'encontre des resquilleurs et des fauteurs de troubles. Un droit d'entrée de quatre cent francs pour les trois jours apparut comme raisonnable et la présence de panneaux publicitaires et de stands comme un mal nécessaire.
Dans leur immense majorité les participants au referendum demandèrent que les artistes prévus sur les affiches soient bel et bien présents sur le podium et que leur temps de passage soit respecté.
Côté pratique, le nombre de toilettes et de poubelles fut augmenté et les feux de camp autorisés.
Contrairement à ce qu'avaient pensé initialement les organisateurs, la plupart des fans s'accordèrent sur le principe d'un festival réparti sur trois jours, avec un maximum de quatre à cinq groupes par jour. |
LES GROUPES LES PLUS PLÉBISCITÉS.
Parmi les noms de groupes les plus largement cités et donc les plus attendus à Bilzen, on retiendra : les Rolling Stones, Who, Led Zeppelin (« avant qu'ils ne deviennent trop vieux »). Mais aussi ELP, T.Rex, Jefferson Airplane, Pink Floyd, Canned Heat, Grateful Dead, The Byrds, Jethro Tull, Sly and the Family Stone, Eric Burdon, Santana, Zappa, Alice Cooper, MC5, John B. Sebastian. Un groupe débutant et prometteur : Genesis.
Et enfin Humble Pie, Ossibisa, Mountain, Patto, Yes, Amon Duul II, Poco…
GROS PROBLÈMES AVEC LES ASSUREURS.
Pendant que l'équipe dévolue à la programmation du Festival s'affairait à réunir les artistes british et US, celle en charge de l'administration se trouvait en butte avec les autorités communales de Bilzen qui, une nouvelle fois, tentèrent d'empêcher la tenue de l'événement.
En cause : le refus des assureurs de prendre en charge les frais d'hospitalisation des cinq pompiers légèrement blessés, l'année précédente ainsi que la couverture des dégâts occasionnés au matériel technique, aux chaises brisées, à des bicyclettes volées et à des roulottes-WC détériorées.
En réponse, les organisateurs entreprirent aussitôt un recours en justice contre les auteurs des faits délictueux et qui, à l'époque, avaient échappé à toute poursuite malgré leur identification.
Ce n'est qu'à la mi-juillet qu'un accord fut enfin conclu avec le Conseil Communal. Les organisateurs s'engagèrent à souscrire une RC à large couverture. Ils promirent de s'acquitter de toutes les sommes dues à la Commune dès que des nouvelles recettes seraient engrangées en août.
CHANGEMENT DE LOOK POUR LES VIGILES : WE HELP YOU.
Pour faire bonne figure auprès de l'administration et en même temps s'attirer les bonnes grâces des medias Maurice Paul organisa une conférence de presse afin de présenter son équipe (forte de quarante-quatre membres), elle-même épaulée par plus de deux cent volontaires.
Parmi les grandes innovations : une meilleure présélection des groupes amateurs, la multiplication des activités annexes, l'augmentation du nombre des caisses à l'entrée, la création d'une crèche, des repas à petits prix, des hôtesses multilingues, le remplacement des vigiles par des jeunes arborant « We help you » sur leur T-shirt orange.
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PROGRAMME DU FESTIVAL
VENDREDI 18 - FOLK AND BLUES
Rob Labots (seconde place : catégorie groupe acoustique)
The Dino's (B) (vainqueurs du Nieuw-Talentwedstrijd à Londerzeel)
Pigsty Hill Light Orchestra (GB)
Curved Air (GB)
Johnny Dover Big Band (B)
CCC (Hol)
Holy Modal Rounders (USA)
Lindisfarne (GB)
Michael Chapman (GB)
Matching Mole (GB)
Edgar Broughton Band (GB)
Une double raison explique que la journée du vendredi ne laissa pas un souvenir impérissable aux spectateurs présents. En cause, une météo exécrable qui transforma la prairie en un immense bourbier ; ensuite l'annonce en dernière minute de la défection de Weather Report.
Cette année-là, la place du Marché au Bétail, rendue momentanément inaccessible par la construction d'un immeuble en chantier, ne permit pas d'accueillir le concours des groupes amateurs. Toutefois, grâce aux présélections qui s'étaient déroulées précédemment à Valkenburg, Londerzeel, Bilzen, Gand et Charleroi, quatre des meilleures formations se produisirent sur la scène principale du Festival tout au long du week-end.
Pour l'anecdote, signalons que l'imposante roulotte W-C de location, sans doute mal arrimée lors de son installation sur un promontoire, dévala la pente, sans crier gare. Heureusement sans faire de blessés.
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MICHAEL CHAPMAN
(Extrait de Télé Moustique N° 2431)
Compte-rendu de Piero Kenroll
Certes, cette année, ce n'était pas encore rose. C'était même plutôt boueux. Mais par rapport à l'année précédente, il y avait tout de même quelques améliorations qui méritent d'être signalées. Les affreux barbelés avaient été dissimulés sous des toiles de jute, le contrôle était moins sévère, les gendarmes plus discrets.
Les prix dans les nombreux petits stands qui jalonnaient le terrain tout à fait raisonnables. Il y avait même de fort bonnes choses pour pas cher. Miam !
Et tenez-vous bien : la plupart des groupes annoncés sont réellement venus. Que le ciel nous soit tombé sur la tête le vendredi, ne peut pas être reproché aux organisateurs. Donc je serais plutôt tenté de leur dire : vous êtes sur la bon ne voie, continuez comme ça, et vous arriverez peut-être un jour à avoir un festival aussi chouette que celui de Jemelle.
Remarquez qu'il y a tout de même quelques reproches à faire : tout au long du festival, les techniciens chargés de l'amplification ont fait preuve d'une incompétence totale. Cela devait occasionner des retards incroyables. Le samedi, tout s'est terminé le ... dimanche à cinq heures du matin. Plusieurs fois, j'ai espéré qu'on allait lyncher le bricoleur-de-micros-en-chef, mais manque de pot, Bilzen a été très calme cette année.
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Les meilleurs moments musicaux furent aussi les plus
marrants. PIGSTY HILL LIGHT ORCHESTRA, le vendredi, et BREWERS DROOP le samedi, surent réchauffer l'atmosphère, qui en avait bien besoin.
PIGSTY joue plutôt des trucs style 1920 mais a un contact phénoménal avec le public.
MICHAEL CHAPMAN, chanteur folk et fameux guitariste, donna un « one-man show » de qualité.
Michael Chapman Photo Jazz Bilzen |
LINDISFARNE
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Lindisfarne, très populaire à cette époque en Angleterre, dut se produire sur une sono tellement médiocre que sa prestation en fut cruellement affectée.
Lindisfarne
Photo Jazz Bilzen |
CURVED AIR
Curved Air (Photo Jazz Bilzen)
Curved Air fut le premier groupe important de la journée du vendredi. Malgré Sonja Krishna, leur chanteuse, plutôt agréable à regarder, le groupe ne provoqua guère d'étincelles. La finale avec force solos de violons et de moog ne sauva pas le show.
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MATCHING MOLE
Matching Mole ( Photo Jazz Bilzen)
Malgré quelques progrès depuis son passage au «Théâtre 140», la prestation de Matching Mole ne laissa pas un souvenir impérissable sur la plaine de Bilzen.
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EDGAR BROUGHTON BAND
Edgar Broughton Band
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EDGAR BROUGHTON BAND fut rajouté au programme à la toute dernière minute.
Visiblement de mauvaise humeur et passablement excédés par les longues heures d'attente, les musiciens, exigèrent que leur cachet leur soit versé avant de monter sur scène. Face aux réticences des organisateurs, le ton monta rapidement. Le groupe finit par obtenir gain de cause… sous la menace d'un revolver… sorti d'on ne sait d'où ?
Sur scène, comme la sono déconnait à plein tube, le chanteur voulu y mettre le feu! Une prestation musclée ! |
SAMEDI 19 - POP AND ROCK
Capability Brown (GB)
Brian Auger's Oblivion Express (GB)
Etcetera (B)
Circle Game (B)
(vainqueurs dans la catégorie groupes électriques)
Bond & Brown (GB)
Stray (GB)
Streak / Magma (prévus au programme. N'ont pas joué.
Brewers Droop (GB)
Roy Wood & Wizzard (GB)
MC 5 (USA)
CAPABILITY BROWN
Capability Brown (photo Jazz Bilzen)
La journée de samedi débuta sous de meilleurs augures « grâce à la célébration d'une messe » à 13H, qui eut pour résultat inattendu l'arrêt de la pluie.
Belle performance pour CAPABILITY BROWN, qui se fit rappeler alors qu'il passait en début de programme Il fut sans doute un des meilleurs groupes du festival.
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BRIAN AUGER AND OBLIVION EXPRESS
Brian Auger (photo Jazz Bilzen)
BRIAN AUGER et son OBLIVION EXPRESS furent techniquement impeccable sur les plans de la cohésion et de la puissance. Du très beau travail, mais rien de vraiment neuf.
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BOND AND BROWN
Graham Bond (photo Jazz Bilzen)
Bond and Brown (photo Jazz Bilzen)
Gros succès pour BOND and BROWN (Graham Bond et Pete Brown) dû sans doute à leur formidable entrain et à leur bonne humeur plutôt contagieuse. Il est vrai que ce sont de vieux routiers. On les dirait plus en train de se payer une bonne « jam » que de présenter un véritable spectacle original. Pete Brown et Graham Bond galvanisèrent donc un public acquis et charmé par la voix et les trémoussements de la belle Dianne Stewart, la petite amie de ce dernier.
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STRAY
Stray (photo Jazz Bilzen)
Le groupe STRAY, malgré ses médiocres prouesses musicales, est parvenu à impressionner le public grâce à un show de première force.
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MAGMA et STREAK N'ONT PAS JOUÉ
Magma
LE SEUL INCIDENT DU FESTIVAL
Sur le podium, les retards dans le passage des groupes s'accumulent et atteignent leur paroxysme vers vingt-deux heures, avec le groupe français Magma. Initialement prévu à dix-sept heures, celui-ci constate que trois autres groupes doivent encore passer avant lui. Leur manager, Giorgio Gomelski, adresse un ultimatum aux organisateurs : On passe maintenant, ou on s'en va !
Le groupe américain Streak qui vient à peine de monter son matériel sur scène se voit sommé de le démonter pour laisser la place à Magma. Les roadies de Streak ne l'entendent pas de cette oreille et refusent. Ceux de Magma répliquent en décidant d'en venir aux mains.
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Christian Vander, le batteur français, se joint à la mêlée et en ressort avec un oeil poché.
Conséquences : Streak se voit interdit de passage.
Finalement ni Streak ni Magma ne joueront à Bilzen.
Piero Kenroll : En bon manager, Georgio Gomelski joua les martyrs en venant crier à la persécution sur scène. On ne m'ôtera pas de l'idée que demander d'un ton tragique s'il n'y a pas un médecin dans le public, alors qu'une énorme tente de Croix-Rouge est bien visible sur le terrain, est un peu chercher la petite bête.
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BREWERS DROOP
Brewers Droop (photo Jazz Bilzen)
Ensuite le Brewers Droop entonna au violon et à l'accordéon son répertoire sous la conduite de son corpulent leader qui ne se priva pas d'illustrer ses textes scabreux par des gestes obscènes. On pourrait qualifier sa musique de «beer rock». On dirait une bande de matafs en virée, c'est très breughélien.
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WIZZARD
Wizzard (photo Jazz Bilzen)
WIZZARD, bien qu'il semble regorger d'idées, n'était pas en grande forme cette nuit-là. Ou alors n'était pas encore tout à fait au point.
Le moins qu'on puisse dire c'est qu'il n'a guère convaincu. Son accueil a été glacial. |
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MC 5
MC 5 (photo Jazz Bilzen)
La deuxième journée du festival s'acheva au moment où se levait le soleil, sous les accords de « Let the sun shine » interprétés par le groupe américain MC5. Théâtral dans sa gestuelle, le chanteur ne convainct pas. En cause, une musique qui, bien que d'inspiration rock, manque résolument de punch ou d'un brin de folie.
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DIMANCHE 20 - JAZZ
Ars & Replica (B)
(troisième place dans la catégorie groupes électriques) Recreation (B)
Lagger Blues Machine (B)
Happie & Artie Traum (USA)
Tony Bauwens Trio (B)
Niemen (Pol)
Horace Parian (USA), Al Jones, Roger van Haverbeke
Richard Williams (USA)
Chick Corea (USA)
Charles Mingus Sextet (USA)
Sonny Rollins (USA)
NIEMEN
Niemen (photo Jazz Bilzen)
La journée de dimanche consacrée au jazz vit défiler sur le podium une cohorte de légendes vivantes. Parmi celles-ci : Charles Mingus, Sonny Rollins et Chick Corea.
Soudain, en cours de journée, des disciples d'Hare Krishna envahirent la scène pour se lancer dans une interminable et monotone mélopée ; ce qui finit par agacer le public. Les organisateurs durent user de tout leur tact pour les inviter à arrêter.
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Sonny Rollins (photo Marcel Uytdenhouwen
La cuvée Bilzen 72 s'acheva sur un bilan critique nettement plus positif que celui de l'année précédente. Ainsi la presse du lendemain titrait « Swinging in the rain », « Boue et bonne musique », « Bilzen époussette sa réputation », « Une fête pop avec de la bonne musique » « Modder ( boue en néerlandais ) and child reunion », « meilleure que l'année dernière, mais ce n'était pas difficile ».
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Réalisation et mise en page : Jean Jième
avec la collaboration de Jazz Bilzen et Bilisium
Extraits du livre Jazz Bilzen traduits par
Emeric Rezsöhazy
1965- 1981 (420 bladzijden)
Het boek over Jazz Bilzen is momenteel nog te koop bij de dienst Toerisme van de stad Bilzen in Alden Biesen, in het Stadhuis op de Markt in Bilzen en in cultuurcentrum de kimpel, eikenlaan 25 in Bilzen. De verkoopprijs is 39.50 euros. Het boek kan ook verstuurd worden.
Rekeningnummer 001-4574210-57
IBAN: BE 09 00145742 1057
T. 089 51 95 33 - 0478 57 21 10 - jeanpierre.poesen@bilzen.be |
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