COCORIPOP
PREMIER FESTIVAL POP À CHARLEROI
SAMEDI 26 JUIN 1971
commenté par Jean Jième
EN VEDETTE : SAVOY BROWN
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En accord avec Chrysalis, la plus grosse agence anglaise d'Oxford Street, Paul André et Jean Jième concluent un accord pour engager un groupe de blues-rock qui cartonne en Angleterre et aux Etats-Unis : Savoy Brown.
Le contrat est signé le 26 mai 1971 avec leur agent Harry Simmonds, le frère de Kim, fondateur du groupe. Quatre dates sont retenues, respectivement le vendredi 25 juin à Hasselt, le samedi 26 à Charleroi et à Grimbergen et le dimanche 27 à Villerupt dans la province du Grand-Duché de Luxembourg.
Savoy Brown jouera donc deux fois au cours de la journée du samedi. L'après-midi à Grimbergen et le soir à Charleroi. C'est la Maison des Jeunes, associée aux Red Sox, qui patronne l'événement. Car il s'agit bien d'un événement. Le but avoué des responsables est clair : ils voudraient se substituer au défunt Festival de Châtelet qui s'est arrêté définitivement en 68. Vaste tâche, plus qu'ambitieuse !
Hélas, cette journée du 26 juin 1971 ne va pas servir les intérêts des organisateurs. La pluie va sournoisement et durablement s'associer au spectacle pour mieux le perturber.
Au même programme : Kleptomania, Arkham, Jenghiz Khan, Recréation, Lagger Blues Machine, Vacations, ainsi que Derroll Adams et Tucker Zimmerman.
(Jean Jième)
Sur le parking du Palais des Expositions à Charleroi - 26 juin 1971 |
VRAIS HIPPIES ET FAUSSES GITANES ONT BRAVÉ
LA PLUIE POUR ASSISTER AU COCORIPOP N°1
Compte-rendu de presse de J.J.Huber
Kleptomania
Arkham
Jenghiz Khan
Brainbox |
Charleroi heure pop a débuté par la grande question à Monsieur Météo : pleuvra ou pleuvra pas ? Bien sûr, il ne faisait aucun doute que l'on ne pataugerait pas dans la boue puisque le parking 3A du Palais des Expositions est fait de béton et d’asphalte, mais tout de même ...
On savait aussi que les festivaliers ne reculent devant aucune intempérie et que, parfois, une ondée a son charme. Mais, les organisateurs «paniquaient» quelque peu en ce début d'après-midi de samedi qui allait assister aux premiers pas du festival pop de Charleroi nouveau-né.
Un Cocoripop qui n'avait d'ailleurs pas lésiné sur les moyens pour prendre, avec quelques années de retard, à la lourde succession du festival de Châtelet qui, s'il avait survécu, aurait indubitablement pu rivaliser d'importance avec les plus, grands rassemblements « pop » internationaux comme Wight et Woodtsock..
Il fallait donc tout recommencer à zéro pour offrir aux jeunes de l’agglomération de Charleroi quelque chose de valable. Et c’est le pari que se sont engagés à tenir la Maison des Jeunes et le Red Sox, organisateurs de ce festival.
LES TROIS COUPS : KLEPTOMANIA
Dès midi, Heure H, ils commencèrent à affluer sur le parking entouré pour la circonstance de barrières Nadar. «Ils» c’était, on n’en doute pas lorsque l’on fréquente ce genre de réunion, cette foule haute en couleurs, ce défilé de mode d’une excentricité qui passe maintenant quasi inaperçue.
Du pantalon fabriqué dans la bannière étoilée des Etats-Unis en passant par le minishort sexy jusqu’au sombrero du Far-West et à la robe gitane, les faux et les vrais «hippies» installèrent avec ravissement leurs pénates sur ce coin de Charleroi métamorphosé pour la circonstance.
Et, le premier podium s’anima. Le Kleptomania ouvrit le feu. Rôle ingrat que de débuter, mais l’excellent groupe belge eut tôt fait de mettre tout le monde au diapason. "Pop cent pour cent"…. telle était la consigne. Ils se lancèrent dans de démentielles improvisations et il ne se passa guère de temps que l’ambiance ne se crée.
Elle ne fit que s’amplifier avec Arkham, lauréats du Festival de la Guitare d’Or de Ciney qui, lui, mit en branle un important appareillage électronique destiné à faire monter la température. De son orgue, J.L Manderlier brossa cette fresque musico-mécanique qui, à première vue, pouvait paraitre désordonnée. Grâce à une technique de douche écossaise mixant le romantisme et l’hallucinant, Arkham sut se faire apprécier à sa juste valeur.
ET VINT LA PLUIE
Troisième team avec Jenghiz Khan (qui comme son nom l’indique est aussi belge que les deux premiers…). D’emblée, un petit relent de rock pas désagréable du tout, mais aussi une petite pluie de derrière les fagots. Alors fleurirent les parapluies… Sous l’averse, les « cocoricopiens » demeurèrent néanmoins stoïques. Un haut de toile en plastique ou une retraite précipitée vers le bas et tout était réglé, le cocoripop pouvait continuer de plus belle.
Lorsqu’une heure plus tard, il tombait toujours des cordes, on compara Charleroi à Comblain-la-Tour, tout en pestant contre ce temps de chien qui menaçait de trop durer. C’est hélas ce qui s’est passé.
Brainbox l’un des groupes hollandais, joua donc devant un parterre réduit de courageux que le déluge de faisait pas reculer. Les autres avaient trouvé refuge dans le bodega ou même sous une tente plantée dans l’herbe ou encore dans une cabane improvisée construite avec des panneaux publicitaires.
Et pour se réchauffer un sachet de frites ou un hot dog, rien de tel. Très peu renoncèrent au spectacle mais malheureusement on ne pu guère apprécier comme il se devait les « têtes d’affiche ».
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Lagger Blues Machine
Recréation |
LES TROIS TRICOLORES
Recréation, le moins connu du trio, a démontré que les Belges pouvaient être comparés, sans danger, aux ensembles étrangers et notamment au Pink Floyd.
Comme nul n’est prophète en son pays, Recréation cherche fortune au-delà de nos frontières… Tant pis pour nous!
Grosse ambiance pour les deux autres mousquetaires : Vacations et Lagger Blues Machine. Le premier, qui a d’ailleurs vu le jour à Charleroi, s’améliore de jour en jour à un tel point que beaucoup ont trouvé et ce, sans chauvinisme, que les Vacations fut l’une des vedettes incontestables de ce premier Cocoripop.
Il doit sa notoriété au talent du soliste Luigi dont la technique irréprochable s’inspire de celles de maîtres en la matière sans pour cela rester impersonnelle.
Vacation apprécie un rythme très soutenu, une mélodie homogène et présente de ce fait une musique très valable.
Lagger Blues Machine, lui, se tourne vers le classique pour trouver l’inspiration. Ce n’est ni le premier ni le dernier groupe qui choisit une fugue de Bach pour l’assaisonner à la sauce du jour. En ce qui concerne le L.B.M, la critique n’ est guère aisée car le style peut plaire un jour et déplaire le lendemain. Pourquoi ? Difficile à expliquer, si ce n’est la position de passage de l’ensemble.
On doit entendre L.B.M. dans une ambiance particulière et éviter que l’orchestre qui le précède creuse un trop grand fossé entre deux formes d’expression. |
L’HOMME DU FAR-WEST
Mi-Buffalo Bill, mi-Oncle Sam, Derroll Adams, s’installe devant le micro et comme autour d’un feu de camp dans la grande prairie, il gratte son banjo en chantant comme au temps de la conquête de l’Ouest. Ceux qui sont habitués aux improvisations échevelées apprécient cependant un petit côté western. Même à Wight on réserva un accueil tout particulier au cow-boy contestataire : Country Joe McDonald.
Ce succès n’empêcha pas que le show de Derroll Adams fut réduit à sa plus simple expression ( trois chansons) en raison de notre drache toujours bien de chez nous. L’organisation espéra un moment que l’Américain puisse dans le courant de la soirée passer une seconde fois. D’accord pour Derroll Adams, mais le banjo lui n’avait pas résisté aux intempéries.
Et quand le soir tomba sur l’esplanade, il pleuvait toujours sans décourager pour autant les fans de la pop-music, mais aussi sans amener la foule. Il y avait parmi ces acharnés les supporters inconditionnels des groupes belges qui, ma foi, ne se sont pas mal comportés du tout.
TUCKER ZIMMERMAN - SAVOY BROWN
Second folk singer de la journée : Tucker Zimmerman, un petit gars bougrement sympa qui, dans son coin avec sa guitare sèche, a fait des prodiges. Dégoulinants, trempés jusqu’aux os, ils lui ont réservé une ovation formidable, à un point tel qu’il est revenu sur scène. Pas à dire, le « country and western » reprend du poil de la bête.
On attendait beaucoup de Savoy Brown et nombreux étaient ceux qui étaient restés jusqu’au bout pour l’applaudir. Certains avaient même trouvé refuge … sous le podium.
Les espoirs furent un peu déçus car le groupe anglais présenta un show convenable sans plus. Avec une telle auréole, Savoy Brown aurait dû planer bien au-dessus des autres participants : n’est-il pas le plus prestigieux des groupes anglais ? Au lieu de cela, il se cantonna dans une prestation sans véritable relief. Du boulot propre, mais rien d'exceptionnel. |
Derroll Adams
Tucker Zimmerman |
Savoy Brown
Savoy Brown Blues Band naît en 1966 à Battersea, dans le sud ouest de Londres, à l’initiative du guitariste-pianiste Kim Simmonds. Ce dernier s’entoure de Bob Hall à l’orgue, de Martin Stone, à la guitare, de Ray Chappell à la basse, de John O'Leary à l'harmonica et de Leo Manning à la batterie. Mais l’originalité du groupe réside dans le choix de s’adjoindre un chanteur de blues noir, Bryce Portius. |
Si le groupe tarde à percer dans son pays, il se voit par contre vivement apprécié aux Etats-Unis à l’occasion d’une première tournée. Kim décide alors de changer le nom du groupe en Savoy Brown ainsi que la composition de ses membres. Dans le futur, le plus gros problème du groupe résidera en ses changements permanents de musiciens. Ce qui le déstabilisera et le minera peu à peu.
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En 1969, ils sortent le simple : Train to Nowhere avec un nouveau chanteur, Chris Youlden. Retour aux States où I'm Tired, tiré de leur album A Step Further, conforte leur réputation. Mais il leur faudra en réaliser plusieurs encore avant que le groupe ne décolle véritablement. Parmi eux, on retiendra surtout : Looking In et Raw Sienna.
Au début des années 70, après de nouveaux changements de musiciens, Savoy Brown se composera de Kim Simmonds (guitare et piano), de Lonesome Dave (guitare et chant), de Roger Earl (batterie) et de Tone Stevens (basse). Il faudra attendre 1972 pour que leur LP Hellbound Train atteigne enfin une quarantième place dans le billboard U.S.
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BILAN POSITIF (suite et fin)
Le premier festival pop de Charleroi a vécu. Ce fut un succès mais la pluie a joué son mauvais rôle. Sans cela, le plateau pouvait attirer des milliers de jeunes et peupler en un clin d’œil le parking 3A du Palais des Expositions. Mais hélas comme dans tous les festivals en plein air, le point d’interrogation demeure le temps.
Du côté organisation, il y avait bien sûr quelques failles, c’est normal lors d’une prise de contact mais, d’autre part, le service d’ordre assuré par des jeunes permit d’éviter incidents ou accidents. Peut-être craignait-on dans les milieux officiels de se trouver une fois de plus en présence de « casseurs ». Rien de tout cela. Les jeunes de Charleroi ont obtenu ce qu’ils réclamaient et comme ce festival était le leur, ils ont tout mis en œuvre pour qu’il se déroule le plus normalement du monde.
« Peace and love and music : le slogan qui sera aussi d’application pour le Cocoripop 1972. (J.JHuber)
LE MOT DE LA FIN
Le moins que l'on puisse dire c'est que Paul André et moi n'avons pas beaucoup dormi en cette dernière semaine du mois de juin 1971. Après avoir accompagné Savoy Brown durant leur mini tournée en Belgique-Luxembourg, il nous restait à veiller au bon déroulement du premier Free Show au Wolu-Shopping Center. Golden Earrings et ses dix mille spectateurs nous attendaient pour un évènement mémorable. ( Jean Jième).
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Dossier achevé le 21 février 2010
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