LE TROISIÈME POP HOT SHOW
7 MAI 1970 - MOUSTIER-SUR-SAMBRE
(raconté par Jean Jième)

LES FORMATIONS BELGES A L'HONNEUR AVEC
BURNING PLAGUE, KLEPTOMANIA, CARRIAGE COMPANY,
TENDERFOOT KIDS
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Le troisième Pop Hot Show se déroule le 7 mai 1970, jour de l'Ascension, à Moustier-sur-Sambre, entre Namur et Charleroi.
C'est le jeune Christian Héricks et la jeune Monique Leonard, membres de la section Pop Hot Club - Hainaut de Télé-Moustique, (baptisée Space Electronic), qui prennent la courageuse initiative de se lancer dans l'aventure.
Il faut savoir que, s'il était déjà fort risqué d'organiser des concerts à Bruxelles, les jeunes des villes de Wallonie et surtout de la région de Charleroi, avaient la réputation de bouder la pop music anglaise et de lui préférer les chanteurs français.
Le lieu de rencontre de la section de Christian Héricks s'effectue toujours au Café de l'Industrie, en face de la gare. Presque chaque week-end, un groupe vient jouer dans la grande salle.
Héricks décide donc de louer un chapiteau, qu'il fait installer au beau milieu d'une prairie verdoyante. Ensuite, il engage le groupe le plus apprécié du public de la région, les Tenderfoot Kids. Ceux-ci sont susceptibles de lui drainer un public acquis d'avance. Enfin, il lance le principe d'un grand concours pour groupes amateurs... ce qui rameute généralement pas mal de monde également.
Bien que cette idée ne nous fasse pas sauter au plafond, il faut bien admettre qu'elle a le mérite de limiter les risques financiers.
On finit par se mettre d'accord. Nous lui amènerons plusieurs groupes belges, déterminés à se faire connaître dans cette Wallonie si en retard sur le plan musical.
Feront partie de la fête, outre les Tenderfoot Kids, trois groupes de Bruxelles : Kleptomania, Burning Plague et Carriage Company... plus un ou deux groupes anglais.
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"On continue les Pop Hot Shows et mon but est atteint : c'est le responsable d'une section du Pop Hot Club, Christian Hericks, un moins de vingt ans qui, avec l'aide de Paul André et de Jean Jième et leur agence Century , met le troisième sur pieds. Le 7 mai, sous chapiteau, à Moustier-sur-Sambre, entre Namur et Charleroi. C'est une première pour la Wallonie. On s'interroge sur la réaction du public wallon encore très inféodé à la variété française. Au programme, après l'habituel concours de groupes amateurs, (assez consternant car la plupart des groupes wallons en sont encore à se prendre pour les Shadows), il y a les maintenant habituels aussi : Tenderfoot Kids, Carriage Company, Kleptomania et Burning Plague."
(Extrait de : Coeur de Rock - Piero Kenroll) |
DÉCOUVERTE DE : MAN ET DE EAST OF EDEN
En ce qui concerne le plateau anglais, les moyens à disposition sont plutôt limités. Et trouver une tête d'affiche relève du parcours du combattant. Après une kyrielle de coups de fil aux différentes agences à Londres, Paul André parvient à obtenir l'assentiment de East of Eden pour trois cent livres... à la condition de lui trouver une télé. Un coup de fil à Pierre Meyer à la RTBF et le tour est joué. Le groupe britannique passera bien dans son émission mensuelle.
Le groupe s'était créé une notoriété en sortant leur album Mercator Projected, suivi par Snafu. Groupe jazz-rock, il combinait flûte et violons avec les guitares et drums habituels. D'autres le considéraient comme un groupe psychédélique. Mais le jeu du violoniste Joe O Donnell valait à lui seul le déplacement.
Et comme cela se passait souvent avec les Anglais, l'agence nous a proposé, à la dernière minutes, le groupe gallois Man à titre de promotion. Cent livres tout compris.

East of Eden (1970)
East of Eden, un groupe anglais qui mélange agréablement rock, free-jazz et gigues (il y a un violoniste) passe en vedette, mais ce sont les Gallois de Man qui sont les plus mémorables. Leur dernier morceau « The Storm » est un instrumental où ils recréent une ambiance maritime avec cris de mouettes, grincement des cordages d'un voilier, bruits du vent et des vagues, rien qu'avec leurs guitares. Fascinant ! Je ferme les yeux et je « vois » la musique. Un moment inoubliable. Ce troisième Pop Hot Show est une réussite sur toute la ligne et on se réjouit de la réponse du public wallon. (Extrait de : Coeur de Rock - Piero Kenroll)
COMPTE-RENDU DE LA JOURNÉE
(extrait de Télé Moustique - Piero Kenroll)



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Le 7 mai, jour de l’Ascension, le soleil était de la partie. « Si on avait pu prévoir » me dit Christian, on aurait fait le show en plein air.
Avant le Pop Hot Show proprement dit il y avait un concours d’amateurs. Cela permettait à ceux qui arrivaient tôt de passer le temps. Bien que certains groupes étaient tellement mauvais que nombreux étaient les spectateurs qui préféraient s’étendre dans l’herbe en dehors du chapiteau.
J’ai assisté à de nombreux concerts de ce genre, et c’est toujours désespérant.
D’abord les groupes : il y en a qui donnent l’impression d’avoir vécu dix ans au fond d’un gouffre, sans radio, sans disques, sans… Télé Moustique.
Vêtus en garçons de café avec pour toute originalité une cravate twist, ils jouent le répertoire des Shadows ou pire encore celui des Chats Sauvages.
Au début, c’était marrant mais après un certain temps, le public commençait à en avoir ras le bol.
L’herbe du pré sur lequel était bâti le chapiteau fut arrachée par paquets et se retrouva en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire propulsée avec rage vers les costumes bien repassés des guignols qui étaient sur scène. Il y eut bien un ou deux groupes qui étaient sur la bonne voie. Ils jouaient Hendrix ou Ten Years After. Mais le tout baignait dans un manque total d’originalité.
Point de vue jury, je serai toujours opposé à ces concours tant qu’il y aura dans le jury des gens qui n’ont rien à y faire. En général des plus de vingt-cinq ans qui ne savent même pas ce que pop veut dire, et qui sont là parce qu’ils sont échevins communaux ou propriétaires du terrain. Bref la tasse… |

Burning Plague.
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C’est avec un certain soulagement qu’on a vu débuter le Pop Hot Show vers six heures. Burning Plague, qui était sans doute le moins connu des quatre groupes belges, s’est tout de suite taillé la part du lion.
Pour ce qui est du « rentrez-dedans », les deux solistes sont un peu là. Ce fut une surprise de taille. La réponse enthousiaste du public ne fit que confirmer ce que beaucoup pensent déjà : ce groupe ira très loin.
Michael Heslop, noir et barbu, est fin, subtil, ordonné, précis. Non seulement, il joue bien, mais il a une sacrée voix. Alex Capelle, blond et pâle, vit chaque note à tel point qu’on craint qu’il ne meure en même temps que la dernière note de chaque morceau. Roger Carlier et Willy Stassen forment une base rythmique sans défaillance.
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Pour suivre un pareil déploiement de virtuosité, il fallait avoir du ventre pour ne pas paraître fade. Kleptomania vint et Kleptomania fut à la hauteur. Sans doute est ce dû pour une bonne part à Dany Lademacher qui n’a rien à envier point de vue guitare à ses deux collègues du groupe précédent.
Le groupe présentait son nouveau chanteur hollandais. Le gars a de la présence en scène, mais d’après Dany, il n s’intègre pas au groupe comme il le faudrait et il est fort possible que le groupe reste à quatre. Comme il ne doit plus se concentrer sur le chant, Wim Hombergen se penche sur la guitare et ça lui réussit particulièrement bien. D’ici quelques semaines, s’il continue comme ça, il faudra compter sérieusement avec lui. Il s’entend très bien ave Dany. Je suis anxieux d’écouter le deuxième disque du Klepto.
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Kleptomania |

Carriage Company
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Le Carriage Company est décidément un groupe incroyable. Je ne sais pas comment il fait, mais il est bonifié à chaque prestation. Et pas un peu !
Il y a une différence sensible. Phil Greenslade et Wawa Philips dont sans doute les deux voix les plus étonnantes de Belgique pour le moment. Ange Antioco est éblouissant de présence sur scène ; lui aussi fait des progrès manifestes à la guitare.
Quant au bassiste Jan D'Haese, il est d’une discrétion efficace. Le répertoire du groupe était sans doute le plus original pour les Belges et les arrangements sont tout simplement merveilleux. Un rival très sérieux pour les Wallace Collection et les Pebbles. |
On ne peut pas dire que c’est l’originalité des morceaux qui fait le charme des Tenderfoot Kids. Ils furent les seuls à reproduire note pour note des morceaux d’autres groupes.
Heureusement, ils font ça très bien ce qui n’est pas donné à tout le monde. Toutefois, j’aurais préféré entendre des trucs qu’ils ont enregistrés. Ils se limitèrent à Time is up, leur premier hit, c’est bien dommage.
Incontestablement, les Tenderfoot Kids règnent en maîtres en Wallonie et William Tay, leur chanteur soliste, a beaucoup de gueule, mais de grâce qu’ils jouent leurs propres morceaux ! |

Tenderfoot Kids.
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Man
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MAN
L'imprévisible, la grosse surprise, la grande révélation de ce Pop Hot Show 3. Comment font les Anglais pour ignorer des groupes géniaux comme celui-là ? Car chez lui, Man n'est pas fort connu.
L'année passée, nous avions eu le même cas avec les Blossom Toes. Presque ignorés chez eux, adorés chez nous. Peut-être est-ce une question de tempérament. En. tout cas, je ne peux que conseiller à ceux qui n'étaient pas là d'écouter leur deuxième album : Two onces of plastic with in the middle. A en juger par les extraits qu'ils ont joués, c'est « le » truc. Le dernier morceau particulièrement imposait tout un tableau à l'imagination : la mer, les mouettes, un grand voilier, le soleil. Ce n'était que de la musique, mais je l'ai "vu ". Extraordinaire.
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EAST OF EDEN.
EAST OF EDEN est aussi un de ces groupes qui a la cote d'amour sur le continent. Particulièrement en France. Et ça se comprend, les Français ont toujours été amateurs de "free". Il y a beaucoup de "free" dans le répertoire du groupe; mais il est bien réparti.
La musique du groupe n'en demeure pas moins très compliquée. Mais comme cela semble être une tradition aux Pop Hot Shows, le public était constitué d'une majorité de connaisseurs, qui fit un triomphe au groupe vedette. L'ambiance étant excellente, celui-ci termina sa prestation en interprétant quelques "square-dances", à la cow-boy, qui fit taper des mains en cadence tout le public.
En deux mots :
Constitué début 1967, le groupe signe avec la firme Decca deux ans plus tard. Le groupe se compose de Dave Arbus (violon électrique, flûte et saxophone), de Ron Caines ( sax alto ), de Geoff Nicholson (guitare et voix), de Steve York (basse) et de Dave Dufont (percussions). Leur style musical s'oriente vers une sorte de fusion entre le jazz et diverses influences orientales.
Album : Mercator Projected
01. Northern Hemisphere (5:03)
02. Isadora (4:19)
03. Waterways (7:00)
04. Centaur Woman (7:09)
05. Bathers (4:57)
06. Communion (4:02)
07. Moth (4:03)
08. In The Stable Of The Sphinx (8:20)
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