ROCK BELGE / ALBUM SOUVENIRS
RAXOLA (1976)
Biographie rédigée par Yves Kengen
Louis Louis (guitare) - Snikkey (batterie) et Yke (chant et guitare) © Paul Coerten
À l'Ancienne Belgique en avant-premièrede The Jam
Raxola est né d’un double péché originel : avoir un passé musical au temps du punk et provenir de la classe moyenne. Rédhibitoire pour les censeurs de l’époque. Les quelques journalistes musicaux belges faisaient la pluie ou le beau temps, au gré de leurs humeurs et de leurs préjugés. C’était avant l’Internet. Pourtant, Raxola venait de sortir, en janvier 1978, un album qui serait considéré vingt ans plus tard comme un monument et qui allait devenir le collector belge le plus cher à l’argus du vinyle (450 $).
Les trois membres de Raxola provenaient tous de groupes de pub rock sévissant dans les bistrots et les clubs enfumés. Evergreen pour Yke, Royal Flash pour Louis et Nicotine pour Snikkey. Entre les deux, Yke avait tenu la basse dans Bastard, le groupe proto punk qui allait donner naissance aux Damned et à Elton Motello.
|
Yves Kengen (Yke) - 1974 dans Evergreen
En 1976, Yke zone à Londres. Son groupe Evergreen s’épuise dans le circuit des clubs et peine à se renouveler. Yke cherche l’inspiration ailleurs.
Éphémère chanteur de Vacation, il hante les clubs et les pubs londoniens où il voit jouer Thin Lizzy, Motorhead, UFO, Dr Feelgood, Eddie and the Hot Rods et le tout jeune Elvis Costello.
Le pub rock cède graduellement le pas à un rock frustre, rudimentaire, brutal dans lequel une certaine jeunesse laissée pour compte du thatchérisme trouve un exutoire facile.
Trois accords, un blouson de skaï, les cheveux en épi, une guitare à trois sous et one two three four, c’est parti.
Lors de ses retours à Bruxelles, il fait la connaissance de Brian James, future icône punk qui a, lui aussi, un passé dans la musique. Il n’y a pas de hasard. Bastard écrase les oreilles bruxelloises incrédules : aucun groupe n’a jamais joué aussi fort.
Un répertoire inspiré des Stooges, du MC5 et des New York Dolls. Les titres « Doctor Gong » et « Comfort » préfigurent l’album que The Damned enregistrera l’année suivante.
Lorsque Brian James repart en Angleterre former les London SS, Yves Kengen (Yke) recrute le bassiste Louis Hubeau et le batteur Guy Van Snick (Snikkey) ; le trio va répéter plusieurs mois sur des compos.
Un soir de beuverie, avec leur roadie Charlie, ils accouchent de ce nom stupide, Raxola. La faute à la Newcastle Brown Ale. Après, depuis qu’on cherche les groupes sur Google, s’appeler Raxola c’est bien pratique : ce mot n’existe dans aucune langue, sinon dans un patois espagnol pour désigner des carrelages.
Le hasard les met sur le chemin de l’équipe qui produit The Kids, (Firmin Michiels qui les place chez Philips et Alain Ragheno qui assure leur management).
|
Ceux-là sont vraiment parfaits : jeunes, émergents et dockers à Anvers. Un rêve marketing. Mais les businessmen veulent du bon et Raxola leur plaît. Les chansons ont un petit quelque chose en plus que la masse des « one two three four ».
En avant pour le studio Swan, habituellement dévolu à Will Tura. L’album est enregistré en trois jours. Certes, le son est dégueulasse. Les ingés n’ont jamais enregistré de guitares saturées de leur vie.
Yke chante en jouant. C’est du live. Seuls quelques rares solos seront pris en re-recording. L’album est démoli par la presse, comme il se doit.
Sorti chez Philips - 1978
|
Raxola assure la première partie de la tournée de The Jam en février 1978 puis tourne en package avec The Kids. Pendant quelques mois, ça roule bien.
Yke retourne à Londres où The Damned marche à fond. Il les accompagne sur quelques concerts, conduit leur camion et assure les premières parties avec les roadies. Il erre chez Stiff Records, où il rencontre Jake Riviera mais surtout, Ian Dury. Un Ian Dury qui n’hésite pas à mettre du funk dans son punk. Pour Yke, c’est une révélation. Il compose quelques nouveaux titres dans cet esprit et les propose à la firme de disques. Pas de chance : ça ne plaît pas. On ne demande pas à Raxola d’être novateur, mais de faire bouillir la marmite. Virés.
Le groupe ne survivra pas à cette désillusion. Louis va vendre des bagnoles en France et Snikkey retourne à ses premières amours : le pub rock. Quant à Yke, il relance brièvement Evergreen dans un nouveau line up, fait le sideman pour un guitariste belge, joue au rocker de variétés avec un rockabilly, « Snack bar », qui va quand même vendre 30.000 exemplaires.
Puis il disparaît des radars. On le croise à La Nouvelle Orléans, à Paris, à Cape Town et Johannesburg. Il devient journaliste.
|
|
Pendant ce temps, des compilations paraissent qui reprennent quelques extraits de l’album de Raxola : « Bloodstains across Belgium » et « Bloody Belgium ». Ces disques font un malheur au Japon.
Un matin de 1999, le téléphone sonne. Yke décroche. C’est un collectionneur et historien du punk belge, Ronny Wijnant. « On vous cherche partout ! Les Japonais sont fous de Raxola, le meilleur groupe punk belge ! ».
Incrédule, Yke cherche des preuves… et les trouve. Une série de petits disquaires spécialisés veulent vendre l’album de 1978. Yke décide de récupérer les droits auprès de l’éditeur de l’époque.
Il veut récupérer les bandes : Philips les a jetées. Au départ de 3 vinyles, Yke refait un master et produit 500 CD. Ils partiront en deux mois. La demande s’accroît. Les disques partent par la poste, par paquets de 30, pour des adresses improbables. Le paiement arrive en deux jours dans des enveloppes de CD, en dollars américains. Il n’y aura pas un seul impayé.
Finalement, le distributeur Disk Union rachète tout le stock. À l’arrivée, ce sont 4000 albums qui seront vendus au Japon.
A New York, les mecs de Radio Heartbeat veulent, eux, ressortir un vinyl. Ils le font à l’identique de l’original. Les 500 exemplaires seront rapidement vendus. Une interview de Yke paraît dans le légendaire magazine Maximum R’n’R.
|
|
Les membres originaux se retrouvent en France, chez Louis, pour reformer le groupe et rejouer, voire enregistrer un nouvel album. Cela ne marche pas très bien. La cohésion n’y est plus ; Louis est dans un trip 100% numérique, tandis que Yke veut rester fidèle au live analogique.
Un concert est organisé à Bruxelles dans le cadre d’un festival punk au VK à Molenbeek en 2004, avec Raxola, The Damned et bien d’autres à l’affiche. Quelques jours avant le gig, Louis annonce qu’il ne viendra pas. La rupture est consommée.
Yke part à Brighton enregistrer un single sous la direction de Brian James. Puis il relance le groupe avec de jeunes musiciens et repart sur la route. Le projet collectif « Punks against Blair » les amène à effectuer leur première tournée en Angleterre. Ils y enregistrent un album live.
Après quelques changements de personnel, Yke décide d’entrer en studio avec les musiciens qu’il côtoie en 2007 et 2008. De nouvelles compos voient le jour, toujours dans l’esprit militant qui est sa marque de fabrique. Le monde ouvrier, le sort des économiquement faibles, la réalisation de soi, le pacifisme sont les sujets récurrents, traités avec cynisme mais non sans émotion.
Remarque : LIVE IN O'FIVE est un album de six titres. |
|
De g. à d. : Phil Bertrand, Yke, Fabrice Gacinto et Mario Zola 2018
Il faudra encore de longs mois avant que sa rencontre avec Thierry Plas ne permette de figer cela dans un album cohérent de 10 titres, qui reçoit le nom de Guts Out. On ne saurait mieux dire !
Thierry Plas s’est beaucoup investi dans le projet en tant que producteur, ingénieur du son et musicien. Auparavant, le groupe avait enregistré la batterie et la basse au studio Magnet, de Jean-Pol Van Hamme (fils de Manitas, bassiste de Blue Rock), à Herent.
Les fans de la première heure risquent d’être surpris. Mais l’évolution et le changement sont dans l’ADN de Raxola. Nous ne sommes plus en 1978 et il est grand temps que le rock’n’roll retrouve son lustre brut, direct et social. Le slogan de Raxola est toujours d’actualité : take it or beat it !
|
DISCOGRAPHIE
https://www.discogs.com/fr/artist/278632-Raxola
ALBUMS
Raxola (LP, Album) |
Philips |
6320 045 |
1978 |
|
|
|
|
Raxola (LP, Album, RE, Unofficial, W/Lbl) |
Not On Label (Raxola) |
none |
1998 |
|
|
|
|
Raxola (CD, Album, RE, RM) |
Not On Label |
RAX001 |
2002 |
|
|
|
|
Raxola (CD, Album, RE) |
Disk Union |
PKCL-001 |
2006 |
|
|
|
|
Raxola (LP, Tes) |
Radio Heartbeat |
RHB104 |
2007 |
|
|
|
|
Raxola (LP, Album, Ltd, RE) |
Radio Heartbeat |
RH-104 |
2007 |
|
|
Guts Out (CD, Album) |
Raxola |
RAX 005 |
2017 |
Guts Out (LP, Album) |
Raxola |
RAX 005 |
2017 |
SINGLES
I Wanna Be An Angel (CD, Single) |
Disk Union |
PNK0404-179 |
2004 |
|
Live In O'five (CD, EP) |
Disk Union |
PNK0702-049 |
2007 |
|
|
Come Back Shoes (CD, Single) |
Rax |
RAX 004 |
2017 |
|