ROCK BELGE / ALBUM SOUVENIRS
LES BABS ET LES BABETTES ( fin 1963 - 1964)
(biographie officielle réalisée par Jean Jième avec le concours de José Heymbeeck)
Jacky Timmermans, Harry Copper, Ralph Benatar, José Heymbeeck,
Garcia Morales et les deux Babettes.
Après la dissolution des Croque-morts, nous avons cherché une autre formule. On s'est demandé pourquoi on n'introduirait pas des filles dans la formation. Des filles, jolies naturellement, à la fois capables de chanter et de danser et qui apporterait un zeste de glamour à l'ensemble. Restaient à dégotter les deux perles rares. On s'est tous mis à chercher, mais ce n'était pas facile. A l'époque des filles capables de chanter et d'oser affronter la scène ça ne courrait pas les rues.
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LES BABETTES
Nous connaissions une fille qui s'appelait Elizabeth Evrard. Tout le monde l'appelait Babette. C'est elle qui nous a inspirés pour le futur nom Les Babs et les Babettes. La seconde fille, Mireille Lefevre, n'était autre que ma propre petite amie. Cerise sur le gâteau, Babette et Mireille se ressemblaient physiquement. Ca s'annonçait bien. Les répétitions ont aussitôt démarré.
L'ambiance était à l'euphorie. Nous nous sentions très excités, surtout par la présence de Ralph Benatar, excellent guitariste, pianiste et saxophoniste, doublé d'un véritable don d'arrangeur. Et puis, il y avait Garcia qui, avec le temps, s'était bonifié et était devenu un brillant batteur.
Quand on s'est sentis prêts à renouer avec le public, on a décidé de lancer la campagne de promotion, photos et affichettes. On s'est réuni tous les sept pour une séance de prise de vues autour d'une Porsche décapotable qu'un concessionnaire nous avait permis d'utiliser.
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Mais ce jour-là, Babette n'a pas pu se rendre libre. Elle a été remplacée par Micheline, la petite amie de Garcia. Par la suite, on a refait d'autres photos avec la « bonne » Babette.
(photo avec les deux premières Babettes)
Peter Plum, directeur artistique des disques Barclay, nous a offert l'opportunité d'enregistrer un 45 tours. On a demandé à Ralph s'il n'avait pas une idée de chanson originale.
Or, il se fait qu'à la même époque, notre chanteur Jacky vivait une difficile rupture. Marina, sa petite amie, venait de le quitter. Jacky était très triste, si bien qu'il a été noyer son désespoir dans quelques verres lors d'une mémorable sortie avec Ralph.
Cette nuit-là, ce dernier a su rester sobre et sans doute à force de consoler Jacky a fini par accoucher d'une mélodie. Quelques jours plus tard, ils nous ont fait écouter leur composition. Les paroles étaient de Jacky et la musique de Ralph. Ils ont intitulé la chanson Sanglots.
Issue d'un vrai chagrin d'amour, Sanglots a donné naissance dans la foulée à un second morceau qui a figuré sur la face B : N´approchez pas.
Une fois de plus, Ralph su prouver ses grandes qualités d'arrangeur, lorsque dans Sanglots, il a dirigé ma partie guitare solo de A à Z. J'en reste encore très fier aujourd'hui.
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Les Babs et les Babettes : Jon Sluzny, Ralph Benatar, Garcia Morales, Jacky Timmermans,
Gégé Heymbeeck et les deux Babettes.
Je ne me rappelle plus dans quelles circonstances Harry Copper nous a quittés, ni comment Jon Sluzny est entré dans les Babs et les Babettes. Mais Jon était également un super musicien, il était le fils de Naum Sluzny, un grand pianiste classique. Avec Jon, Ralph et Garcia nous étions musicalement au top. Sur le plan sentimental, Babette est rapidement devenue la petite amie de Jon, nous formions de plus en plus une véritable famille.
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ÉCOUTE CET AIR LÀ
Comme le premier 45 tours ne s'est pas trop mal vendu, Peter Plum nous a demandé d'enregistrer un second single. Cette fois, il nous a fourni la musique et les paroles d' un air qui s'appelait Ecoute cet air là. Il désirait que Garcia le chante. Il trouvait qu'en tant que batteur, cette chanson avait un swing particulier qui lui irait comme un gant. La face B s'appelait Faut que ca boum un « classique » de gospel.
L'enregistrement d' Ecoute cet air là reste marqué dans ma mémoire, tant on s'est pris des crises de fous rires. Linda Kirby, une chanteuse populaire de l'époque, faisait partie des choristes. Elle présentait, dirions-nous, un physique plutôt avantageux. Et comme elle était de dos aux musiciens et qu'elle se trémoussait au rythme du morceau, Ralph derrière son clavier paraissait assez troublé. Il a donc parfois perdu un peu de sa concentration. Ce qui, ma foi, était bien compréhensible. Cet après-midi-là, on a mis un peu plus de temps que d'habitude pour boucler les deux titres.
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Si Ecoute cet air là a bel et bien connu une jolie carrière, ce ne fut pas sous le nom des Babs et des Babettes.
A l'insu de Peter Plum, Barclay France l'avait également fait enregistrer par un groupe venu de Madagascar et à grands renforts de pub. Ce groupe s'appelait les Surfs. Voilà comment on passe à côté d'un hit. Ca nous a fichu un coup de blues, je dois bien l'avouer.
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Article paru dans Salut les copains - juin 1964 - N° 23.
C'est Gégé Heymbeeck qui s'est fait, pour S.L.C., l'historiographe de la formation. Il précise : Il faut distinguer deux périodes. Avant d'être « les Bab's et les Babettes », nous, les garçons, nous jouions sous un autre nom.
La création de ce groupe, qui s'appelait « les Croque-morts », remonte à décembre 1961. Nous avions déjà adopté la formule vocale - instrumentale, mais, l'an dernier, on a décidé de chercher deux filles pour renouveler le « sound ». La première, Mireille, était toute trouvée, puisque j'étais déjà fiancé avec elle. Quant à la seconde, Babette, nous l'avons découverte pendant les vacances, au mois d'août dernier, à Westende. Elle chantait sur la plage avec une guitare. Alors on l'a kidnappée. Maintenant, nous sommes sept... et nous sommes devenus « les Bab's et les Babettes ..
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Trois répétitions par semaine,: quinze gags.
C'est plus gai que « Croque-morts », enchaîne John Sluzny (frisé, châtain, dix-huit ans, guitare soliste), en faisant une mimique particulièrement simiesque. J'ai oublié de te dire, m'annonce Gégé avec un clin d'œil complice, que John est, avec Garcia, le clown de la bande. Ces deux-là, en répétition, ils n'arrêtent pas de faire des gags. Et comme on répète trois fois par semaine, ajoute Garcia Moralès (grand, brun, décontracté, désinvolte, dix-neuf ans, batteur) en riant, à raison d'une moyenne de cinq gags par séance, sur une année, ça doit faire... heu, attends que je compte: Bref, l'interrompt Babette (très brune, yeux verts, dix-neuf ans, sympa) en se tournant vers moi, tu peux constater que l'ambiance n'est pas trop "snob" et que le rire est notre règle.
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-Au fait, vous jouez tous les sept d'un instrument ? leur demandai-je en entendant s'échapper d'un juke-box le son de leur dernier disque « Faut que ça boume ».
Ralph prend la parole pour m'expliquer, en prenant son air le plus technique : Nous sommes seulement quatre instrumentistes. Les deux filles sont choristes et Jacky, lui, se contente de chanter en solo. Nuance, rétorque Jacky, tu oublies de dire que je sais parfaitement me servir d'une guitare (enfin, quand je dis parfaitement...) et que c'est même mon passe-temps préféré. Quand je prends ma Gibson.. .Peuh ! Une Gibson ! Moi je te dis que la Fender...
J'avais oublié de vous dire que, comme chaque groupe de rock digne de ce nom, « les Bab's et les Babettes » ont leurs sujets de discussion spécifiques. En l'occurrence, ils s'interrogent depuis deux ans (mais ça ne les empêche de dormir ni de travailler) sur les vertus respectives de la Gibson et Fender... Peu soucieux d'interrompre les garçons sur un sujet aussi important, c'est à Mireille que je demande : Quand sortira votre prochain microsillon ?
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Pas avant octobre, je pense. On a déjà composé une plage nous-mêmes, qui s'appelle « Le Beat », mais nous allons déserter Bruxelles pendant l'été, comme chaque année, pour aller passer tous ensemble quatre mois (si possible ensoleillés) à Corfou. De parfaites vacances, en somme ? Dans un sens, oui, précise Gégé, mais pas inactives. On va quand même jouer et chanter chaque soir pendant deux heures et demie.
À cet instant, Jacky compte sur ses doigts des cachets hypothétiques. Ce n'est pas gratuitement (si j'ose dire) : il est le comptable (agréé) de l'équipe, et c'est à lui qu'incombe la tâche ingrate de partager les recettes...
Je parie d'ailleurs, minaude John sur un ton de fausset et en essayant de ne pas rire, qu'il nous truande pour pouvoir se payer tous les disques des Beatles et des Gladiators...
Car, complète Babette (et les autres acquiescent), nous sommes tous des superfans des groupes anglais et des groupes américains, surtout de ceux qui ont la couleur et le style «rhythmand-blues.
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-Avez-vous des projets pour les mois à venir... après les vacances?
Il est question d'un contrat de six mois au casino de Knokke, mais rien de sûr encore... et puis, nous allons travailler notre style, évoluer peut-être...
Bons pour la danse
Dans la course au succès, « les Bab's et les Babettes » sont déjà des outsiders. Vous avez certainement dansé au son de leurs disques et, donc, remarqué la technique sûre, la mise en place parfaite, le « sound » personnel qui les caractérise. Mais ils ne veulent pas s'endormir sur leurs jeunes lauriers et lorsqu'ils parlent d'évoluer, l'esprit général du groupe est mis à nu de façon radicale : ils estiment que le travail et la recherche d'harmonies nouvelles peuvent seuls apporter toute satisfaction à leur appétit musical. C'est pourquoi, si vous pouviez vous transformer un instant en passe-murailles pour les surprendre chacun et chacune dans leur «home » familial, vous constateriez que leur seul véritable hobby est la guitare. A ce propos, il faut que je vous fasse une confidence : ils possèdent tous chez eux une Gibson et une Fender... E. V.
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CORFOU FOLLE AMBIANCE - ÉTÉ 1964
Par l'intermédiaire d'un musicien de studio, nous avons été engagés pour la saison de début mai à fin septembre au Club Méditerranée. Lieu de destination : Corfou en Grèce. Je précise bien Club Méditerranée et non pas Club Med, car à l'époque, le club était cent pour cent belge et appartenait à monsieur Blitz, un anversois, ancien champion de natation.
Au début des années soixante, le voyage s'effectuait en deux jours à partir de Paris jusque Brindisi. Ensuite, il fallait se taper une nuit en bateau jusqu'à Corfou. Inutile de préciser que nous n'étions pas très frais à l'arrivée.
Le logement était des plus sommaires et l'ameublement des plus rustiques. Nous dormions sur des lits de fortune, reposant sur un sol de terre battue. Seul avantage, nous étions seuls par cabanon. Notre arrivée reste gravée dans ma mémoire. En effet, à peine débarqués, nous nous sommes précipités vers le bar (gratuit pour nous) pour étancher notre soif. Comme la plupart des plaisanciers buvaient de l'ouzo, sorte de pastis à la grecque, on les a suivis. Pour ma part, j'ignorais totalement qu'il se consommait avec de l'eau. Moi je l'ai bu sec. Si bien que je me suis retrouvé à l´infirmerie, soigné par la doctoresse du Club, une ancienne capitaine de l'armée française qui avait servi à Dien Bien Phu). A la suite de cet incident, le groupe a toujours soigneusement évité d'avoir recours à ses services.
Notre contrat présentait deux clauses : celle de prester trois heures par soirée, à titre de musiciens. De prévoir une demi-heure par jour pour accueillir les vacanciers à leur arrivée et organiser des jeux de bienvenue. Il faut bien avouer que la plupart du temps, nous essayions de nous défiler de cette corvée.
Mais lorsque nous tentions de remplir notre mission, nous en profitions pour déclencher des blagues pas toujours de très bon goût, ce qui nous valait de solides engueulades avec la chef de village.
Un jour, nous avons fait annoncer par haut-parleur que dès leur accostage, les vacanciers devaient se rendre à la Bergerie, un bâtiment situé à plus ou moins deux kilomètres de l'embarcadère par un chemin escarpé et en plein soleil. |
Et lorsqu'ils y arrivaient péniblement et sans doute aussi « frais » que nous lors de notre propre arrivée, nous leur souhaitions hypocritement la bienvenue. Une autre fois, alors qu'ils venaient de débarquer du caïque qui établissait la liaison entre le port de Corfou et le Club, nous leur avons tendu la main pour les aider. Mais en réalité nous les tirions dans l'eau tout habillés.
En journée, ce n'était pas triste non plus ! Il faut savoir que nous disposions d'un équipement complet de costumes et d'accessoires de théâtre, et notamment d'un canon à farine. Et comme aucune case ne disposait d'une serrure ! Pauvres vacanciers qui ont retrouvé leur lit en portefeuille, saupoudré d'une poudre blanche extrêmement tenace.
José Heymbeeck avec Christian et Coco
Nos deux road managers, respectivement Christian Scholle et Marc dit Coco étaient restés en Belgique. Ils n'avaient évidemment pas été inclus dans le contrat et la séparation s'était faite les larmes aux yeux, au propre, pas au figuré.
Or à peu près deux semaines après notre arrivée, voilà que nous les voyons débarquer tous les deux. Ils avaient tout bonnement décidé de nous venir nous rejoindre sans savoir ce que l'avenir leur réserverait. Ils avaient fait du stop et dormi sur le bord des routes.
A cette époque bénie, le Club Med engageait des gens au pair. A défaut de les payer, il leur fournissait le gîte et le couvert. Nous avons donc rapporté leur histoire à la chef, qui les a sympathiquement recueillis.
Scholle est ainsi devenu maitre-nageur et Coco accompagnateur d'excursion. Coco s'est tellement plu dans ce job qu'il est resté au Club jusqu'à sa retraite devenant même pendant plusieurs années chef de village.
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Les Babs et les Babettes avec l'équipe du Club Med de Corfou : Christian Scholle -
Roland Vallade -José Heymbeeck - Jacky Timmermans - Ralph Benatar -
Mireille - Coco (assis par terre) - Didi, chef de village et la fille de Blitz, propriétaire du Club.
Le 14 juillet fut une date mémorable. A l'époque, Corfou disposait de deux fanfares qui se faisaient une redoutable concurrence. Pour animer la fête nationale au Club, nous les avons engagées toutes les deux sans rien dire ni à l'une ni à l'autre. Nous les avons amenées à chaque extrémité du village, puis les avons envoyées rejoindre le centre. Lorsqu'elles se sont croisées c'était à laquelle jouerait le plus fort. Assister à un match de fanfares, on n'avait jamais vu ça. Désopilant !
Pour la petite histoire, nous avons fait la connaissance de Robert Cogoi et de sa femme Mireille. Nous avons reçu la visite de la ravissante Marina Vlady, fraichement débarquée de son yacht. Nous avons copiné plusieurs semaines avec Roland Vallade, le parolier de Sheila. A l'heure du départ, il nous a proposé de venir à Paris pour nous la présenter. Elle cherchait un orchestre pour l'accompagner. Après notre retour, nous avons répondu à son invitation. Mais, c'est elle qui a reculé. Elle ne se sentait pas encore prête pour des prestations en live.
Le tout dernier jour, ce fut l'orgie romaine. Le barman en chef a mis gratuitement à la disposition de tous ceux qui étaient encore sur place des dizaines de bouteilles. Des tonneaux de vin furent même mis en perce au pied des arbres. Je préfère ne rien commenter de plus. Le lendemain à l'aube, nous avions tous le teint vert-pâle. Ce fut le lent retour en Belgique et la séparation effective d'avec Mireille et Babette.
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LES SIX BABS (NOV 1964 -SEPTEMBRE 1965)
Les Six Babs : les cinq mêmes avec en plus Sylvain Vanholme
Nous connaissions Sylvain Vanholme de réputation. Nous avons décidé d'aller le voir à Mariakerke, où il vivait avec sa mère. Lorsque nous avons débarqué chez lui, nous lui avons proposé de rejoindre le groupe. Il nous a dit textuellement : je prends mon matériel, je préviens ma mère et j'arrive.
A Bruxelles, mes parents et moi l'avons hébergé. Ensuite, il a loué une mansarde au dessus du Noeud, un bar de la rue Jules Vanpraet
Et nous avons alors continué à jouer sous le nom des Six Babs. Avec Ralph, Jon, Garcia et Sylvain, ce groupe était devenu musicalement sensationnel. C'est lors de cette restructuration que je suis passé de la guitare solo à la basse. En effet, face à Jon, Ralph et Sylvain, je me sentais complètement dépassé. Je ne l'ai jamais regretté. Au contraire ! J'aurais dû prendre cette décision bien plus tôt. Avec la basse, j'ai vraiment trouvé mon instrument de prédilection.
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Les Six Babs sont réstés ensemble jusqu'au début 1965. Puis en mai, le Club Med nous a redemandés pour un nouvelle saison à Corfou. Mais Sylvain avait envie de fonder son propre groupe et ne désirait pas partir aussi loin pour une aussi longue période. Je l'ai suivi dans cette voie. Harry Copper a alors repris du service et m'a remplacé.
Un mois plus tard, en juin, Sylvain se lançait dans l'aventure du Sylvester's Team. Mais cela est une autre histoire.
Dossier achevé le 26 octobre 2009 et réadapté en juillet 2016
Lire la suite : Le Sylvester's Team
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