BIBLIO ROCK

 

Retour sur la page BIENVENUE

Chapitre 1 : Cravate

 

Chapitre 2 : "Un individu malfaisant"

 

Chapitre 3 : Summer 69

 

Chapitre 4 : 1969, l'année du siècle

 

Chapitre 5 : Dawn of the seventies

 

Chapitre 6 : Wight 70

 

Chapitre 7 : La Ferme!

 

Chapitre 8 : fin 1970 L'explosion

 

Chapitre 9 : Déglingue du rock belge

 

Chapitre 10 : Monstres Sacrés

 

Chapitre 11: Charisme

 

Chapitre 12: Glam Rock - Le Schisme.

 

Chapitre 13: Rock 73

Genesis-Jemelle-Bilzen

 

Chapitre 14: Rock 74

Stones - Rapsat.

 

Chapitre 15: Les grands concerts de 1974

 

Chapitre 16 : Rock et Journalisme

 

Chapitre 17 : Épilogue

 

 

 

LIVRES-ARTISTES

 

Machiavel 40 ans de musique

 

La France et les Beatles (Hocquet-Krasker)

 

Beatles Jours de vie Richard Havers

 

1969 - Année Rolling Stones - Let It Bleed

(Ethan Russell)

 

Qu'en pense Keith Richards ?

(Mark Blake)

 

Cliffhistory

(Robert Morgan)

 

The Man Who Led Zeppelin

Chris Welch

 

Elvis - Last train to Memphis-Careless Love

P.Guralnik

 

Elvis en devenir Alfred Wertheimer

 

Chuck Berry - Long distance information (Fred Rothwell)

 

Jacques Dutronc

(Michel Leydier)

 

Johnny et Nous : 50 ans de rock

J.Q. Gérard

 

Johnny Sixties

(J.P. Leloir)

 

Hallyday-Derniers secrets

Przybylski

 

Rock'n'Romance Nanette Workman

 

 

LIVRES-AUTEURS ROCK

 

Autant en emporte le rock

(J.N.Coghe)

 

Amougies 24/28 octobre 1969

(J.N. Coghe)

 

Coeur de Rock

(Piero Kenroll).

 

L'école de Canterbury

(Aymeric Leroy)

 

Ancienne Belgique, salle de légende

Johan Ral

 

Golden Years

(Paul Coerten).

 

Smalls (Small Faces)

(J.N.Coghe)

 

Nos années Salut les Copains

Christophe Quillien

 

The Big Beat Scene

Royston Ellis

 

Jésus prend la mer

(James L.Burke)

 

Rock Critics

Feel like going home (P.Guralnik)

 

Antibes Juan-les-Pins-50 ans de jazz 

 

American Rock'n roll UK Tours 1956-72 (Ian Wallis)

 

Rock and Roll duo Kenroll-Guyaut

 

50s Today

Charles Chojnacki

 

 

CONCERTS

 

James Burton au Spirit 26/04/2010

 

Paul Anka Forest National 21/11/2009

 

Cliff Richard Forest National 8/11/2009

 

DVD

 

Dusty Springfield

 

Paul Anka Rock Swings - 2009

 

Cliff Richard Final Reunion - 2009

 

Marty Wilde : 50th Anniversary Concert 2007

 

FILMS

 

Vince Taylor -Chemin de la mauvaise route

 

Cliff Richard - Filmo

 

ÉMISSIONS TÉLÉS

 

Pop TV Hollande 1960-1975

 

CHRONIQUE 1960-1965 CHRONIQUE 1966-1972 CHRONIQUE 1973-1980 LES PIONNIERS DU ROCK GROUPES BELGES
BIBLIO ROCK CINÉS DU CENTRE VILLE CINÉS DE QUARTIER PROGRAMMATION TOUT BRUXELLES CINÉ DOCS
 

GRAVÉ DANS LE ROCK

Intégral inédit du second ouvrage de © Piero Kenroll

CHAPITRE HUIT

L'EXPLOSION

Deux ans après mon entrée à Télé Moustique, Pop Hot atteint sa vitesse de croisière. Le succès continue.

 

Chaque semaine j’ai la responsabilité de sept ou huit pages. Pour pouvoir aller à tous les concerts, tenir à jour leur calendrier rebaptisé Kan-Ki-Où ?, en donner un petit compte-rendu dans la colonne Papote, écouter tous les nouveaux disques et les présenter dans Disques à Gogo, rencontrer tous les groupes de passage, synthétiser les nouvelles du New Musical Express et du Melody Maker,  glaner les infos concernant les groupes belges, assister Ghislaine pour les contacts avec les membres du Pop Hot Club, choisir les textes de chansons à publier, discuter avec Humo de la page « poster », répondre au courrier et au téléphone et dormir un peu malgré Raepsaet, je suis forcé de déléguer.

 

J’ai, bien sûr, le droit de reprendre des grands articles intéressants dans les magazines anglais avec lesquels nous avons des contrats mais cela prend aussi du temps pour la traduction. Alors je me souviens d’une vieille connaissance, Jean-Noël Coghe, ce journaliste français rencontré du temps des Aigles (10).

 

JN Coghe et les Doors

Jean-Noël Coghe et Krieger des Doors

photo Erik©Machielsen

Il nous fournit quelques papiers sur des événements qui se passent en France, comme, par exemple, la présentation à Cannes du film Jimi Hendrix Plays At Berkeley .

 

Marc Moulin n’en reste pas à son article sur James Brown, il nous en écrit aussi un sur Buddy Miles à l’occasion de la venue de ce batteur dont l’association avec Jimi Hendrix a fait la célébrité. Et puis il y a ce lecteur, Jean-Luc Crucifix, qui continue à me bombarder de lettres trop kilométriques pour que je puisse y répondre. Impressionné par son style, je lui propose une collaboration, il commence par un reportage au Grand-duché sur les disc-jockeys de Radio Luxemburg anglais. Il habite Liège. Loger à Bruxelles ? T’inquiète. On a de la place au 19 avenue Van Becelaere.

 

Mais la rage d’écrire m’habite toujours. À côté des nouvelles, des présentations de groupes, etc., qu’est-ce qui donne du caractère à la rubrique ? Je crois que c’est le fait que j’aime aussi y aller d’infos pratiques et d’un peu de… philosophie. Ainsi, côté pratique, j’explique aux lecteurs comment se conçoit la rubrique ; je profite de mes visites au Reward pour détailler le fonctionnement d’un studio d’enregistrement ; j’y vais d’un reportage sur Pop Shop , l’émission télé du jeudi, avec interviews du programmateur Pierre Meyer et du réalisateur Michel Rochat ; atterré par la naïveté de beaucoup de gens qui se voudraient « organisateurs de festival pop » je détaille tout ce qu’ils devraient savoir quant à la programmation, l’horaire, les prix, l’intendance etc.


Mais c’est bien sûr la façon d’aborder la musique que j’adore qui me passionne le plus. Ma « philosophie » c’est que le rock est devenu un langage universel, le trait d’union d’une génération, une source de plaisir  et de créativité artistique, un outil de subversion. Alors réactionnaires, récupérateurs et pervertisseurs de tout poil, faites gaffe ! Si vous merdez, je n’ai pas l’intention de fermer ma gueu… euh…ma plume…euh… enfin, cette fichue machine à écrire.

 

On monte « Hair », une comédie musicale hippie, à Bruxelles et ce sont des artistes de variété qui la jouent en français. Ridicule ! Autant demander à Adamo d’interpréter le répertoire de Deep Purple. Je réclame la version originale interprétée par des musiciens rock.

Certains intellos commencent à analyser la pop-music un peu trop sérieusement, pour présenter un groupe ; certains vont jusqu’à écrire que son répertoire est « …l’expression vivante du rêve freudien, transposition des obsessions trépidantes de la vie moderne à travers des sons surréalistes ». Au secours ! 

 

En plus, ces mêmes grosses têtes vont jusqu’à reprocher à des gens comme Keith Emerson, Pete Townshend ou Ian Anderson leur « pitreries » sur scène. Connards ! J’y vais d’une page pour rappeler  que le rock est avant tout sensualité et fun, en précisant que le jour où la musique pop sera uniquement sérieuse j’irai cultiver des poireaux (11).

 

Cela dit, il ne faut pas tomber dans l’excès contraire. Haro sur les snobards de la pop ! Je m’en prends aussi  à ceux qui ne jugent un groupe que par le tape-à-l’œil,  la puissance de ses amplis ou la virtuosité du guitariste soliste. Et à propos, faudrait pas croire que je vais être indulgent pour les grands noms pour ne pas déplaire au grand nombre…

 

«  Comme environ six mille personnes,  j’ai pointé mon nez dans ce grandiose palais des qu’est Forest-National. Comme environ deux mille personnes, je me suis rendu compte que, de ma place je ne voyais rien, étant donné les énormes baffles qu’il y avait des deux côtés de la scène. J’ai donc été m’installer ailleurs, sur des marches, ce qui m’a permit de me rendre compte que le service d’ordre était tolérant. Il n’était pas le seul. Focus (12) s’est même fait rappeler. Il n’y avait pas de quoi. Sa musique est du sous-Soft Machine de bas étage : une débauche d’effets faciles. Je ne roupillais pas encore tout à fait que voilà que s’amènent les trois quarts du Ten Years After. Chick Churchill, l’organiste, est souffrant paraît-il.

Il doit être opéré des reins. Remarquez que ce n’est pas tellement grave, vu qu’on ne l’entend presque jamais. Immédiatement le public réagit comme si le Messie était arrivé. Alvin Lee : « Hello ! » La foule : « Waaah ! ». Alvin Lee sourit. La foule : « Waaah ! ». Alvin Lee s’accorde. La foule « Waaah ! ». Alvin Lee pince une corde. La foule : « Waaah ! ». Alvin Lee se gratte la tête. La foule « Waaah ! »… C’est ce qu’on appelle un public acquis au départ. Alors c’est « Love Like A Man » et tous les refrains connus du T.Y.A.. Du neuf ? On en attendait, vu que le groupe avait annoncé un changement de style. On a eut droit à un morceau. Paraît que cette histoire de changement est une mauvaise interprétation de ce que le groupe avait déclaré. Alors il a joué la même chose qu’à Wight l’année passée…Ce  qui était la même chose  qu’à  Sunbury il y a trois ans. … …Ceux qui voyaient Ten Years After pour la première fois auront peut-être pris leur pied, mais pour ma part, après avoir vu et entendu six fois le même répertoire, je trouve qu’il est temps qu’il se renouvelle… »
Bon. Je me calme maintenant.

 

Kesskis’passe ?

 

  Comme dans leurs interviews les membres des groupes « heavy » insistent pour clamer que leur musique est du rock, on commence tout doucement à faire la distinction entre rock et pop. L’un étant encore souvent l’autre, mais plus toujours.

 

Emerson, Lake and Palmer sont pour deux soirées au « 140 ». Comme il n’y a quasiment pas moyen d’acheter des places à l’avance, dès que le salle est pleine, on frôle l’émeute vu le nombre de ceux qui se voient refuser l’entrée. Cela dit Emerson, qui semble toujours livrer un combat contre ses instruments, à trouvé un adversaire à sa taille. Ça s’appelle le « Moog synthesiser ».  Le premier synthétiseur. A la grande joie du public, il se sert d’une des commandes comme une mitraillette et bondit dans la salle.

 

C’est la pagaille complète dans le Wallace Collection où après de continuels changements de personnel, le batteur-chanteur Freddy Nieuland est le seul survivant de la formation originale. Sylvain Vanholme, son « créateur », se contentant du rôle de compositeur-producteur.

 

Le film que Zappa m’avait annoncé comme Uncle Meat  s’intitulera finalement 200 Motels  et est en cours de tournage à Londres  avec, entre autres, Keith Moon dans le rôle d’une religieuse et Ringo Starr dans le rôle de …Zappa.

 

Comme le deuxième programme de la RTB radio propose maintenant une émission pop, Pop-Ecoute  le dimanche de 22 à 23 heures, je me mets en tête d’interviewer sa présentatrice, Michèle Wathelet. Je manque de perdre la boule lorsqu’elle fait le déplacement de Liège et se présente dans mon bureau : tellement elle est jolie, futée et sexy.

 

Le Kleptomania s’adjoint un organiste-chanteur, Patrick Gyssen, et va enregistrer un album en Hollande.(13)

 

 

 

Le fan club d’ Elvis Presley reçoit confirmation des bureaux du Colonel Parker, son manager, que le King se produira en septembre en Europe. Villes prévues : Amsterdam, Francfort, Paris et… Bruxelles !

 

Alors que Paul McCartney gagne son procès contre les trois autres Beatles pour dissoudre officiellement son association avec eux, des rumeurs de plus en plus importantes circulent comme quoi il serait remplacé dans le groupe par Klaus Voorman. A tel point que John, George et Ringo doivent faire démentir la chose par leur attaché de presse.

 

C’est au tour des Pebbles d’être affectés par des changements de personnel. Ils perdent le chanteur-clavièriste Luc Smets qui va créer son propre groupe, Shampoo, et le batteur Cel De Cauwer qui va… faire du porte-à-porte avec les Témoins de Jéhovah.

 

Greg Lake révèle qu’Emerson, Lake & Palmer ont failli s’appeler Hendrix, Emerson, Lake &  Mitchell. À la dissolution du Nice, Emerson et lui avaient contacté Jimi Hendrix qui s’est déclaré intéressé par une association,  reprenant aussi Mitch Michell son batteur dans l’Experience, mais lorsque que Jimi s’est pointé chez Keith accompagné d’un garde du corps armé d’un revolver, ils ont préféré laissé tomber l’idée.

 

A Luxembourg, les vibrations de la basse du Carriage Company déclenchent le système d’alarme de la banque située à côté de la salle où passe le groupe. Arrivée immédiate d’importantes forces de police qui encerclent tout le quartier, mitraillettes au point. Commentaire de Jan D’Haese, leader du Carriage : « M’enfin… »

 

Pour le passage de Buddy Miles dans un Forest-National au trois quarts vide, on découvre que le groupe de première partie est mené par l’organisateur du concert en personne, un certain Paul Ambach. Ça s’appelle Ambach Circus.

 

 

Van der graaf Ferme V

Van Der Graaf Generator

 

 

Evidemment, après le concert historique de Genesis à la Ferme V,  la rumeur qu’il s’y passe des choses exceptionnelles attire la grande foule pour la venue du Van der Graaf Generator qui nous a été recommandé par Peter Gabriel et Tony Stratton-Smith directeur de Charisma.

 

Or, le groupe est en retard, à cause du trafic sur l’autoroute venant d’Ostende. Pour accéder à la scène, il faut obligatoirement traverser la salle. En pareille circonstance, on demande au public de patienter à l’extérieur pour que l’installation du matériel puisse se faire plus vite quand il arrivera.Malheureusement, ce dimanche 4 avril, il pleut à torrent. Pour leur éviter la drache, nous décidons donc de laisser entrer ceux qui à partir de 16h (alors que le concert est annoncé pour 20h) ont formé une file qui atteint cinquante mètres devant les murs de la Ferme.

 

Celle-ci est donc remplie à craquer lorsque le V.D.G.G. se pointe enfin. Il pleut toujours très fort. Pas moyen d’évacuer.

 

 

Alors tout le matériel, orgue compris, passera, porté à bouts de bras, au-dessus des têtes des spectateurs. La prestation du groupe est une autre révélation : la voix passionnée de Peter Hammill, l’incroyable performance du squelettique David Jackson qui souffle dans deux énormes saxophones à la fois, les envolées d’orgue d’Hugh Banton et le subtil travail du batteur Guy Evans, font l’unanimité.

 

Peter Hammill Bruxelles

Peter Hammill (photo© Coerten)

 

Avec son magnifique « Refugees » Hammill fait passer une émotion intense. Cependant, bien que copieusement ovationné, le groupe n’est pas rappelé. Son retard, la pluie, l’attente, la fumée (14), l’infernale chaleur qui règne dans une salle surpeuplée, ont épuisé une grande partie du public, pressée de sortir de ce sauna  pour respirer à l’aise. Mais après le concert, comme avec Genesis, Marcel, Philippe et moi sympathisons avec les musiciens et leur manager, Gordion Troeller, un Anglais-Suisse qui parle français avec l’accent parisien.

 

 

Well Cut Jenghiz

 

Ca y est ! Avril 1971. L’album du Jenghiz Khan sort ! Il s’appelle « Well cut », ce qui est sensé souligner qu’il a été enregistré avec soin et c’est Jamic, le caricaturiste maison de Télé Moustique qui signe la pochette. Pour celle-ci, je râle. On nous l’avait promise double et Jamic avait réalisé un formidable dessin en fonction. Mais sans que nous soyons prévenus, elle est devenue simple. En plus il y a une faute d’orthographe dans le nom de Friswa qui est devenu Big Frisma. Décidément le professionnalisme n’est pas encore de mise à tous les niveaux dans les firmes de disques.

Enfin… Il y a trois compositions de Friswa et trois de Tim. Je signe toutes les paroles. Il y a aussi mon « The Lighter » dont j’ai aussi écrit - enfin « pensé » serait le terme plus exact – la musique. Pierre Raepsaet, qui n’était pas encore officiellement dans le groupe lors de l’enregistrement, n’a pas eu le temps d’achever une des compositions qu’il a commencées dès que ce fut le cas. J’ai eu l’idée du dessin de la pochette (voir ci-contre), j’ai participé à la production aux côtés de Vion, j’ai même chanté (enfin, crié est plus exact) dans les chœurs pour un morceau.  C’est dire à quel point cet album me tient à cœur.  Comme responsable d’une rubrique de présentation de disques,  comment être impartial ?  Peut-on à la fois être juge et partie ?  Hélas, il n’y a malheureusement toujours pas d’autres magazines que Télé Moustique qui ont une rubrique de présentation de disques rock en Belgique. Alors ?…  J’y vais à la franchise… Sans entourloupe. Je préviens les lecteurs que je suis partie prenante dans ce coup là, et que cette fois, c’est à eux de m’écrire ce qu’ils en pensent.  Ils font mieux. Début juin « Well Cut » est, grâce à leurs votes, en tête  de notre Hit-parade des jeunes, il ira jusqu’à la troisième place dans notre Hit-Parade des disquaires où il figurera jusqu’en novembre. Pas mal pour un début non ? (15)


Ça se veut Concours international de pop-music  et ça se passe le week–end des 22 et 23 mai sous un chapiteau, à Lillois, entre Nivelles et Waterloo. International ?

 

Il y a un groupe espagnol de Molenbeek, un groupe hollandais de pas top loin de la frontière, un groupe français plutôt yéyé et sept groupes belges dont la plupart ne jouent « ensemble » que depuis une semaine…

 

J’exagère à peine, c’est à nouveau très représentatif de cette obsession du festival  qui règne un peu partout depuis le succès du film Woodstock  et voit des gens se positionner « organisateurs » en s’imaginant qu’il suffit d’aligner quelques formations d’amateurs, qu’ils paient peu ou pas du tout, pour attirer le foule.

 

 

Vacation rock belge

Vacation

 

Je dénonce souvent cette pratique dans Pop Hot  mais, dans ce cas-ci, les responsables ont au moins fait l’effort de programmer quelques groupes convenables en « vedettes » : Kleptomania, Burning Plague, Lagger Blues Machine, Vacation et …Jenghiz Khan.

 

Allez… Il n’y a rien d’autre ce week-end : je vais faire un tour à la campagne.  Sous le chapiteau à moitié plein - ou à moitié vide, c’est selon -  l’ambiance n’est pas extraordinaire. 

 

Il y a des moments où je m’ennuie carrément. Je déambule derrière le public de quatre à cinq cent personnes. J’apprécie la diversité des spectateurs qui va du hippie local complètement harnaché pour survivre deux jours au milieu d’une foule d’au moins cent mille de ses semblables à la mère de famille qui est venu surveiller ses gamins en passant par les cultivateurs du coin qui épongeront le déficit financier de l’ « événement » en faisant le siège de la buvette installée dans un coin. 

 

Je suis morose aujourd’hui. Comme ce chapiteau, mon cœur est à moitié vide. L’intensité avec laquelle je me consacre jour et nuit à ma rubrique n’a pas arrangé ma vie privée. Je me suis éloigné de Michelle ma petite amie depuis les Aigles. J’ai eu ce flirt avec cette collègue de Bonne Soirée  qui s’occupe de la mode, mais j’ai eu l’impression qu’elle m’avait séduite parce que, justement, vu le succès grandissant de ma rubrique, j’étais, moi aussi, « à la mode ».

 

Je me suis peut-être trompé, mais en tous cas, ça n’a pas duré. Tiens, à propos : quel est mon statut exact ?

 

 

 

Burning Plague

 

Je suis « un peu connu » allez…. Suis-je célèbre ? Est-ce que cela a des avantages ?

 

Comme n’importe quel imbécile, j’ai un jour fantasmé sur le fait que ma renommée puisse me valoir l’intérêt général de la gent féminine et que je n’aurais qu’à sélectionner l’élue qui aurait droit à courir les concerts avec moi. On est loin du compte. Dès que je suis identifié comme « le gars qui écrit sur la pop dans Moustique » j’ai éventuellement droit à l’intérêt de mecs plus ou moins barbus et hirsutes qui s’imaginent qu’il n’y a que la musique au monde… Je ne leur en veux pas : je me suis  parfois imaginé ça aussi. Mais j’aimerais bien rencontrer une fille de temps en temps.

 

Et justement, tiens… Un peu à l’écart de la foule, il y a une jolie petite rousse en jupe longue, les épaules nues recouvertes d’un foulard qui ressemble à un filet. Quelle est mignonne !  Est-ce que j’ose l’aborder ?  Pour cela je suis encore fort timide. Marrant, non ?  Alors que je n’ai  aucune crainte lorsque je présente des groupes sur scène face à  des centaines de personnes.
Tiens… Je vais lui demander ce qu’elle pense du Jenghiz Khan.

 

- Pas mal, mais le guitariste a l’air méchant. J’aime bien le bassiste,  il a l’air sympa. Pourquoi ?

- Je m’occupe un peu de ce groupe. Je suis intéressé par les réactions qu’il suscite.

- Qu’est-ce que tu fais avec eux ?

-J’écris les paroles de leurs chansons.

- Tu es poète alors ?

- Euh… C’est peut-être un grand mot. Tu veux que je t’explique ? Allons dehors, c’est trop bruyant ici…

 

Très futé. Il est évident que ce n’est pas un morceau de toile qui empêche les décibels de passer. À côté d’un chapiteau où les amplis se déchaînent, il y a autant de bruit qu’à l’intérieur. Mais enfin, c’est plus intime.

Elle accepte. Elle s’appelle Corinne, tout ce qui se rapporte à l’art l’intéresse.

 

Que ce soit la musique, l’écriture ou le dessin. Elle dessine d’ailleurs. Elle me montrera. Elle n’a pas que l’allure hippie, elle s’intègre parfaitement dans cette mentalité qui s’est répandue dans le monde depuis 1967 : une autre façon de vivre, en paix avec les autres, en communion avec la nature, à l’écoute de philosophies orientales, à la recherche de ce qui enrichit l’esprit et le cœur.

 

J’étais partant pour tout cela moi aussi, mais l’appétit de beaucoup de hippies pour la fumette, si pas pour des drogues plus fortes, m’a fait prendre mes distances. Changez le monde d’accord. Mais avec l’esprit clair et lucide… Parce qu’elle a conservé toute la fraîcheur naïve de ceux qu’on appelait aussi « beautiful people » Corinne est  fascinante. Une vraie « flower child » (enfant fleur) comme on nommait aussi parfois les hippies à cause de leurs parures florales et vêtements bariolés. 

 

- Il faut se revoir. Tu me montreras tes dessins, je te lirai les textes que je prépare pour les nouvelles compositions de mon groupe.

 

Elle accepte. Je suis sur un nuage. Elle est si jolie… Quelques jours plus tard elle est dans ma chambre au 19 avenue Van Becelaere.  Je l’embrasse. Elle ne se dérobe pas.

 

- Tu veux me sauter ? dit-elle en se déshabillant.

 

Je rêve ? C’est incroyable. Est-ce que ceci est bien en train de se passer ?  La voici nue dans mes bras. C’est trop beau… Oui trop ! Parce que pour moi la soudaineté de sa façon de s’offrir, le charme de son corps, la douceur de sa peau, le goût de sa bouche m’émeuvent tellement… que ça me coupe tout mes moyens !


Déçue ?  Sans doute. Mais cela n’entamera pas sa gentillesse. J’essaierai de me reprendre, de continuer notre liaison, mais Corinne est comme le vent : on ne l’attrape pas.  Elle s’envolera vers d’autres cieux (16)…

 

 

Golden Earring- photo©Coerten

 

Les examens sont finis, les vacances pas encore commencées, le dernier week-end de juin est l’idéal pour rassembler les jeunes et ils sont gâtés. Trois évènements en deux jours : un festival à Grimbergen, près de Bruxelles, avec Savoy Brown en tête d’affiche, un autre avec à peu près le même programme à Charleroi pour le samedi.

Le dimanche : un free-show  au Woluwé Shopping Center, une galerie commerçante d’un faubourg bruxellois. La pluie arrose malheureusement un peu trop Grimbergen et Charleroi,  mais le free show de Woluwé, qui se passe à l’intérieur, est mémorable. 

 

La vedette : Golden Earring, le groupe hollandais qu’un différent au sujet du matériel d’amplification avait empêché de se produire à Bilzen l’année passée.Ce n’est pas un nouveau venu.  Il a débuté en 1964 sous le nom de Golden Earrings dans un

registre très pop s’inspirant directement de la vague Merseybeat anglaise. Avec ses singles ultra commerciaux, il a d’emblée été prophète dans son pays. Mais, en 1968, il s’est reconverti en formation hard rock et ses tournées lui ont même valu d’être acclamé aux USA et en Grande Bretagne. Bizarrement, on ne l’a jamais vu chez nous et on ne sait donc pas très bien à quoi s’attendre lorsque Barry Hay (chant, guitare, flûte et saxophone), George  Kooymans (guitare et chant), Marinus Gerritsen (basse et claviers) et Cesar Zuiderwijk (batterie) paraissent pour la première fois devant un public belge... Celui-ci va « ouvrir des yeux comme ça ». « Live », le Golden Earring est un monstre ! A part le Who, aucun groupe ne réunit un pareil brelan de bêtes de scène. Durant deux heures le groupe se révèle écrasant de versatilité, de virtuosité, d’originalité et de dynamisme. Hay, Kooymans et Gerritsen  font des bonds d’un côté à l’autre de la scène, culminant avec une sorte de chant incantatoire sur fond de percussions à l’africaine et un solo démentiel du bassiste, comme pris de folie devant ses amplis. Derrière le podium, les  musiciens des groupes belges de début de programme en ont la mâchoire sur les genoux. Pierre Raepsaet me glisse : « Misère, Pierilio, à côté de ça nous sommes tous des gamins ! ». Le public est en délire. Pour la toute première fois : il y a trois rappels. 

Avec Genesis à la Ferme V, Golden Earring est l’autre grande révélation de cette première moitié de l’année 1971. Le comble : ces deux groupes se retrouvent à l’affiche d’un même festival, à Jemelle, le 8 août.


Kesskis’passe ?

 

Comme la RTB annonce que durant l’été l’émission « Generation », animée par Francine Arnaud  chaque mercredi après-midi, sera remplacée par du théâtre classique,  Pop-Hot lance une pétition de protestation qui réunit 4145 signatures. Mais rien n’y fait…

 

  Marc Moulin met sur pied un nouveau groupe. Son nom : Placebo.

 

Parmi les autres nouveaux groupes belges qui semblent prometteurs Irish Coffee, Convention, Hiroshima et, surtout, Arkham,  un trio mené par le claviériste Jean-Luc Manderlier qui épate tout le monde par sa virtuosité. Mais sa musique, instrumentale, intellectuelle et relativement hermétique ne motive guère les firmes de disques. Ce qui scandalise les musiciens belges. Dany Lademacher de Kleptomania et Pierre Raepsaet en particulier, lors d’interviews, s’élèvent  haut et fort contre cette injustice. Dans le même esprit, toujours prêt à voler au secours des groupes belges qui valent la peine, j’y vais aussi d’une interview de trois pages de Manderlier. Il décrit bien les conditions précaires dans lesquelles travaillent nos musiciens rock, obligés d’avoir un autre boulot pour survivre. Comme exemple, il révèle que la seule chose qu’aie rapporté à Arkham sa victoire au concours de groupe du festival de la guitare d’or de Ciney, l’année passée, est un contrat de 10.000 francs (17) pour animer le Bal de la Fraise  à Wépion.

 

Grosse bagarre à Denver dans le Colorado pour le passage de Jethro Tull. Jeunes et policiers s’affrontent à coup de grenades lacrymogènes et d’autres objets qui ne font pas du bien lorsqu’on les prend sur la tête. Impassible devant le chaos Ian Anderson déclare : « Bienvenue à la troisième guerre mondiale »

 

  Marc Bolan ayant reconverti son duo folk Tyranosaurus Rex en T.Rex et ayant décidé de se mettre au boogie. C’est le début de la T.Rex-mania en Angleterre. Pour le nouveau single, « Get It On », le groupe a bénéficié de l’appui vocal d’Howard Kaylan et Mark Volman( les deux ex-Turtles des Mothers) et du saxo de Ian Mc Donald (ex-King Crimson).

 

 À force de courir les concerts, les festivals et de faire des interviews en dehors des « heures de bureau » j’ai droit à quelque chose comme 60 jours de récupération.

 

 

 

Alors je pars en vacances en laissant Pop-Hot aux mains de Jean-Luc Crucifix que j’ai drillé intensément. Je préviens les lecteurs qu’il n’a pas exactement les mêmes goûts que moi, mais que c’est tant mieux : comme ça ils auront un autre son de cloche. (Et qu’en fait de cloche je me pose un peu là !). C’est vers le Midi et le soleil que j’accompagne Marcel et Philippe (les gars de la Ferme V) mais je reviens spécialement pour le festival de Jemelle : Genesis et Golden Earring  au même programme, c’est trop formidable pour rater ça.

 

9 juillet 1971. Jim Morrison est enterré à Paris. Depuis le dernier festival de l’île de Wight, où il donnait sur scène l’impression d’en vouloir au monde entier, le chanteur des Doors, jusque là grand pourvoyeur de provocations et de scandales, était bien discret. Dans la page que je lui consacre, je remarque que, comme pour Jimi Hendrix, sa mort survient alors qu’il semblait avoir dit tout ce qu’il avait à dire.

 

 A côté de ceux déjà cités ; encore quelques disques pop/rock mémorables qui se sont bien vendus dans la première moitié de ’71 ….
Albums : « Pendulum » du Creedence Clearwater Revival, « That’s The Way It Is » d’Elvis Presley, « Plastic Ono Band » de John Lennon, le premier L.P. et « Tarkus » d’ Emerson, Lake & Palmer, « Tumbleweed Connection » d’Elton John, « Sticky Fingers » des Rolling Stones, « Working Together » d’Ike & Tina Turner,  « Woodstock II », « Ram » de Paul McCartney
Les singles : « My Sweet Lord » de George Harrison, « Cracklin’ Rosie » de Neil Diamond, « Rose Garden » de Lynn Anderson, « Chirpy Chirpy Cheep Cheep » de Middle of The Road, « Have You Ever Seen The Rain » de Creedence Clearwater Revival, « She’s A Llady » de Tom Jones, « Your Song » d’ Elton John, « Funny Funny »  du Sweet, « Hot Love » de T.Rex, « Here’s To You » de Joan Baez.

 

 Mes coups de cœurs ? Les albums « The Black-Man’s Burdon » par Eric Burdon and War,  « The Yes Album » de Yes, « H To He… Who Am The Only One » de Van Der Graaf Generator, « Red Hot n’ Rocking » des Wild Angels, le premier Marvin, Welch And Farrar, « Salisbury » d’Uriah Heep, « Aqualung » du Jethro Tull, « Rock On » d’Humble Pie, « 2 » de Bloodrock, « Edgar Winter’s White Trash » par le groupe du même nom (oui, c’est le frangin de Johnny) , « Live » du Colosseum…

 

 

Dix ans ! En 1971, c’est un exploit pour un festival. Et c’est celui du Festival de la Guitare d’Or de Ciney, que j’ai déjà souvent évoqué (18). Pour son dixième anniversaire, en ce début de juillet, en plus de l’habituel concours de groupes amateurs, de plus en plus critiqué, on ne peut pas dire que la tête d’affiche soit à la hauteur : les Tremeloes. Plus pop que rock, puisqu’on commence à faire la distinction, et pas mauvais, certes,  mais pas de quoi exciter les mouches ! Pour compléter sa programmation, Jean Martin n’a pas cherché loin : quasiment toutes les pointures actuelles du rock made in Belgium sont là : Kleptomania,  Lagger Blues Machine, Arkham, Pebbles, et Jenghiz Khan.

 

Arkham Ciney 1970

Arkham - Ciney 1970

 

FRiswa 1970

Friswa de Jenghiz Khan

 

The Tremeloes

The Tremeloes

 

 

Ce n’est plus un anniversaire, c’est la fête nationale ! Jean-Luc assure le reportage. Je suis déjà en vacances mais pas encore parti dans le Midi. Donc je suis présent, because mes potes du Jenghiz. J’ai droit à un avant goût de la Provence: c’est la canicule. Elle est telle que les organisateurs appellent les pompiers pour arroser et rafraîchir le chapiteau. Ça fait du bien. Mais la chaleur joue sur les réactions du public. La plupart des spectateurs sont gagnés par une douce torpeur et les complexités instrumentales  du Lagger et d’Arkham ne sont pas faites pour tenir éveillés les non-initiés. Coup de chance ? Parce que ces deux groupes qui le précèdent sont plutôt hermétiques … Parce que la soirée, légèrement moins chaude, commence au moment où le groupe monte sur scène …

 

Le Jenghiz Khan va avoir sur le public cinacien (19) l’effet d’une horde de guerriers mongols. Tim, Pierre, Friswa et Chris ont manifestement été marqués par la prestation du Golden Earring quelques jours plus tôt. Ils en veulent. Ils sont en pleine forme. Négligeant volontairement les morceaux calmes de leur répertoire, ils se déchaînent comme ils l’on rarement fait. Passé un moment de stupeur, durant lequel  certains doivent se demander si ces types sur scène sont dangereux et s’ils vont venir les attaquer personnellement, les spectateurs sont électrifiés. C’est le réveil. C’est l’allégresse. C’est l’émeute ! Des tables sont renversées, des chaises piétinées, le service d’ordre se met à danser le twist,  les mères de famille venues en curieuses mettent leurs moutards à l’abri, la pression monte dangereusement dans les pompes à bière, les pompiers sont en état d’alerte,  les édiles communaux prêts à déclencher le plan catastrophe, un  vieillard paralysé des jambes se dresse sur sa chaise roulante en criant « Miracle ! Je marche ! »… C’est du délire (20) je vous dis. Chaque fin de morceau est saluée par des hurlements de plaisir. Dans les coulisses je ne me tiens plus. Je fais de bonds de joie. Je suis, en esprit, à côté de « mes gars » comme l’entraîneur sur le terrain aux côtés de son équipe. Friswa aussi commence à sauter en l’air… Et il n’est pas léger. Ça fait « boum » quand il atterrit. Mais ce n’est pas fini : pour les rappels, le Jenghiz passe le turbo : une série de classiques du rock achève de mettre le public à genoux. Victoire totale ! Triomphe. Un moment précieux qui est la meilleure des récompenses pour tout ce que j’ai investi dans le groupe. On se tombe dans les bras à la descente de scène. Nous n’oublierons jamais Ciney.


Après ça, les Tremeloes ? Eh bien…Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’en effet, ils avaient l’air très molo.

 

 

 

 

 

 

Donc je reviens spécialement de Taulignan, un sympathique village de la Drôme, pour revoir Genesis et Golden Earring à Jemelle. Jenghiz Khan est aussi au programme et dès mon arrivée des spectateurs m’interpellent pour me signaler qu’ils étaient à Ciney et qu’ils espèrent bien que « ça va être aussi bon ».

C’est irréprochable, mais il faut croire que décidément, à la Guitare d’or mes copains et le public se sont rencontrés dans un moment de grâce exceptionnel. Genesis avec un Peter Gabriel barbu, une  jambe plâtrée, confirme tout ce qu’il avait révélé à la Ferme V. et Jean-Luc, qui assure le reportage y va d’une page dithyrambique sur sa prestation. Lui aussi est conquis. Par contre, contrairement au public en extase, il  reste insensible au déchaînement du Golden Earring. Il n’en décrit pas moins la prestation du groupe en une page qui tient plus de l’exercice de style que du compte-rendu.

J’apprécie le contraste avec ma manière simple et sans chichi de rédiger. J’espère que c’est aussi le cas des lecteurs. En attendant, je savoure l’ambiance sympathique du Festival de Jemelle.

Je suis toujours en vacances, c’est l’été, il fait bon, et quand tout est terminé, avec Michelle, qui est toujours ma petite amie malgré mes infidélités, nous retrouvons notre ami Serge Nagels, roadie du Fynn McCool, et son copain Louis. Ils doivent nous indiquer une prairie appartenant aux grands-parents de Serge où nous pourrons planter notre tente.

 

C’est dans le coin, près d’Eprave. Il est une heure du matin. Il n’y a pas d’éclairage en rase campagne. Je suis fatigué et il faut grimper au-dessus d’une grosse barrière métallique pour accéder à ce qui est en fait un pâturage  parsemé de bouses de vaches. Allez : un pied sur la barre transversale, je saute, et hop ! En retombant, je lève les bras. Ma manche gauche est retenue par une des pointes de la grille. Celle-ci me pénètre dans le creux du coude. Je reste accroché comme à un crochet de boucher. Hurlement. Michelle, Serge et Louis m’aident à  me dégager. Le sang coule abondamment. Un garrot. Il faut un médecin, vite ! On en trouve un de garde à Rochefort qui me recoud une plaie en v dont chaque branche à trois centimètres. C’est dire que j’ai perdu beaucoup de sang. Ajoutez le choc de la douleur, la fatigue de la journée : je suis épuisé.  Il faut me soutenir pour marcher. Plus question de camping. Il y a des hôtels à Han, ville touristique toute proche. Chance : il y a un veilleur à la réception de celui qui se trouve sur le coin de la place principale.  Que pensez-vous ? Il voit arriver une fille en larmes (Michelle est très émotive) et trois types chevelus, en jeans crottés, dont l’un est couvert de sang…

 

- Nous n’avons pas chambre pour des gens comme vous, foutez le camp !

 

Ah, si j’avais la force de protester. Mais je vais tomber dans les pommes, moi !
Finalement, ce sont les grands-parents de Serge qui m’hébergeront. Merci à eux. Mais en 1971, pour certains, si vous avez les cheveux longs, vous pouvez crever.

 

 

Golden Earring à Jemelle (photo Jamin)

 

JN.Coghe,Piero et Michelle

Bilzen 1971

 

Bilzen' 71. Comme de tradition  le festival  se déroule sur trois jours.  Pour couvrir l’événement j’ai intérêt à loger sur place. C’est prévu et payé par Dupuis. Bien. Mais, en plus de Jean-Luc, Gino et Mick (sa petite amie), Michelle  m’accompagne et je voudrais qu’elle loge avec moi. Là, la maison ne paie pas ; et d’ailleurs, le privilège d’un hôtel ne me plait qu’à moitié. Je préfère vivre ça comme un spectateur ordinaire. Je vais être servi ! Ce sera donc à nouveau du camping, et, c’est promis, je ne grimpe plus sur des barrières.  Les organisateurs du festival ont prévu un terrain où il est permis de planter sa tente.  Il n’y a aucune installation sanitaire, mais c’est indiqué « Camping » et il y a une réception…

 

- Vous êtes combien ?

- Cinq .

- Est-ce qu’il y a des filles parmi vous ?

- Ben oui, deux, pourquoi ?

- Vous êtes mariés ?

- Hein !? Non.

- Désolé dans ce cas vous ne pouvez pas camper ici.

- Mais c’est ridicule, nous sommes tous majeurs, nous avons chacun plus de vingt et un ans.

- Rien à faire : il faut être marié pour camper ensemble ici.

 

Finalement les deux filles, seules, seront autorisées à monter une tente. Il est trop tard pour l’hôtel. Je me contenterai de la voiture. Jean-Luc et Gino se  rabattant, avec une seconde tente, sur le camping sauvage.

La mesquinerie, hélas, ne s’arrête pas là. Au bureau de presse, on nous reproche d’être deux du même magazine pour couvrir le festival, un collègue se voit refuser le laissez-passer parce qu’on se souvient que  l’année précédente il a dragué une hôtesse…
 

Ce n’est qu’un avant goût de la catastrophe en laquelle se change un festival dont les organisateurs sont dépassés par le succès. Site et coulisses clôturés par des fils barbelés, pluie diluvienne, contrôles policiers intensifs, arrestations violentes de spectateurs dont les cigarettes ont une odeur suspecte, bagarres de la gendarmerie avec un groupe de Français qui, comme de tradition, veulent entrer sans payer, bombardement de la scène par des projectiles divers lorsqu’il est annoncé que ni Elton John, ni Jack Bruce, pourtant à l’affiche, ne seront présents,  retards incroyables sur l’horaire de passage prévu, prestation médiocre du Family (21), report du passage des Faces au dimanche habituellement réservé au jazz (ce qui confronte le groupe à un public des plus partagé)

 

Si les débuts du Placebo de Marc Moulin et les prestations du Colosseum,  d’Al Stewart,  de Larry Corryel et de Rory Gallagher vont du convenable au réjouissant, c’est finalement un bluesman du nom de Gary Davis qui se taille le plus gros succès. Il chante et joue comme 250.000 bluesmen avant lui . Mais il est vieux, noir et aveugle… Alors…. Pitoyable non ?  Comme Bilzen ’71.

 

 

(10) voir CŒUR DE ROCK

(11) J’ai tenu parole !

(12) groupe hollandais, principalement instrumental, qui passait en première partie

(13) Inachevé, il finira sur un double CD, reprenant l’intégrale de ce qu’a fait le groupe, paru en 1992

(14) On fumait encore beaucoup à l’époque.

(15) Ce qui me rappelle qu’à ce jour je n’ai toujours pas touché un rond sur les ventes de ce disque dont Barclay ne nous communiquera jamais le total. « Well Cut » n’a jamais été réédité en CD. (Bandes perdues ?) mais il existe une excellente édition pirate sur ce support.

(16) L’histoire n’est pas finie : suite dans le tome 2

(17) ± 250€

(18) Voir aussi CŒUR DE ROCK

(19) C’est le qualificatif (et le nom de habitants) pour Ciney. Je le sais car on a même failli me faire Cinacien d’honneur.

(20) Bon. D’accord , j’exagère. Mais à peine…

(21) Le groupe n’avait plus joué depuis longtemps et Roger Chapman reconnu qu’il aurait mieux fait de ne pas venir

 

 

 

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Mise en page : Jean Jième

 

Chapitre 7 : La Ferme !

Chapitre 9 : La déglingue du rock belge