JOHNNY HALLYDAY : JOHNNY SIXTIES
Jean-Pierre Leloir - Éditions Fetjaine
Et voici celui par qui le scandale peut arriver: Johnny Hallyday ! Quoi, un yé-yé sur le site de J.Jieme ? Ce livre ne présente que des documents des années soixante, sa plus belle décennie d'après moi. L'auteur étant le très réputé photographe vétéran Jean-Pierre Leloir, qui fêtera bientôt ses soixante ans de pratique ! Sans oublier le directeur de collection, notre compatriote Gilles Verlant. Celui-ci (Leloir !) a suivi régulièrement le jeune chanteur turbulent et controversé, depuis ses fameux débuts parisiens, en tant que professionnel s'entend, à l'Alhambra, en première partie de Raymond Devos en septembre 1960.
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YÉ-YÉ OU ROCK ?
Leloir est un fou de jazz depuis toujours, et un grand ami de Brel notamment. Même si le rock and roll n'est pas sa culture d'élection, il est séduit dès le début par le côté rebelle, indompté du jeune fauve élancé qu'est alors Johnny Hallyday. Ce qui est curieux, c'est que Leloir évoque les paroles «yé-yé», dès cette époque. Il s'agit d'un anachronisme très répandu dans les médias. Il n'y avait pas de yé-yé durant les premiers triomphes de Johnny, ou des Chaussettes Noires, Chats Sauvages, Pirates, Danny Boy et autres.
Ce terme n'existait pas. Il date exactement du week-end du 7 et 8 juillet 1963, dans l'article en deux parties que consacre alors le sociologue Edgard Morin à la jeunesse, dans les colonnes du Monde. Le distingué chroniqueur de l'époque (ni pédant ni à côté de la plaque, il faut le préciser) crée alors le vocable «yé-yé»pour caractériser cette tranche de la population qui vient de se trouver une identité propre. Sur un plan musical, il est convenu de considérer comme «yé yés» des spécialistes de la reprise française qui se situent tout à fait en dehors d'une mouvance rock and roll et rhythm and blues. Étaient de purs yé yés les Claude François, Sheila, Frank Alamo, Michel Paje et autres. Ne l'étaient pas les Johnny, Eddy, Dick, Ronnie Bird et autres... |
L'IDOLE DES JEUNES
Après cette mise au point sans doute utile, on ne peut que recommander chaudement de profiter de ces images d'Épinal de l'idole dans toute sa jeune et souriante splendeur, avec parfois un côté sauvage qui ressort nettement.
De l'Alhambra 1960 à l'Olympia 1964 (son magnifique chant du cygne de pur rock and roll avec son meilleur groupe, Joey and the Showmen) au Palais des Sports frénétique, voire paroxystique de 1969, Leloir a su saisir, en noir et blanc et en couleur, le chanteur en live et sur le vif. Et quand j'écris «vif»... Ses souvenirs illustrent les photos (et non le contraire), et des repères succincts font le point sur chaque année, ou parfois chaque période de l'année correspondant à ses passages devant l'objectif de Leloir.
Comme grands moments scéniques, ne manquent que l'Olympia 1962 et la Nuit de la Nation du 22 juin 1963. Une seule visite de la star dans les studios proprement dits: le 4 août 1961, pour une série de clichés commandés par Barclay, qui croyait encore avoir arraché Johnny à Vogue. Las ! Philips a emporté le (gros) morceau, ce que Barclay ne sut que juste après.
La plupart de ces photos (jamais payées par Barclay) n'ont jamais été vues. Curieusement, Jean-Pierre Leloir déplore la perte de quelques photos couleur de cette séance, données à Barclay et jamais récupérées: le livre en présente pourtant trois superbes !
Les photos (noir et blanc) de la prestation huée avec violence, de décembre 1960 à la salle Wagram, sont émouvantes dans leur innocence. Johnny a drainé autant d'adulation que d'opposition, pendant plus d'un an au moins à ses débuts, avant de devenir, très lentement et petit à petit, un peu plus consensuel.
Celles à Offenburg, champêtres et ensoleillées pendant son service militaire en 1965, sont pour la plupart inédites et apparaissent comme un répit avant les fulgurances et les tribulations et tourments de l'année 1966.
Celle de La Génération Perdue (un original magnifique), et de Noir C'est Noir (adaptation exceptionnellement
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réussie du Black Is Black de Los Bravos, convaincante, intense, riche musicalement grâce à Micky et Tommy, et la section cuivres irréprochable avec le compagnon des sixties: Jean Tosan).
Un choc de découvrir ces images d'un Johnny encore frénétique en 1968 dans Télé Dimanche ... Eh oui, le dimanche après-midi, on échappait parfois par le haut au ronron obligé... Je me souviens de l'avoir vu terminer deux ans plus tôt un autre numéro de la même émission, avec un Noir C'est Noir frénétique.
Autres temps, électriques et spontanés ! Les plus belles furent sans doute prises le 15 mars 1964, le dernier jour de sa fameuse et fabuleuse série de shows incandescents à l'Olympia, avec Joey et les Showmen. Un cri d'amour au pur rock and roll, contre l'avis de son manager Stark, avec un orchestre au diapason. On aime ou pas Johnny, mais il ne faut pas tout confondre.
Entre Johnny et Les Guitares Jouent , et la piaillante Sheila qui n'oubliera jamais ses copains, il y a un monde, une galaxie de différence. L'essence du magnétisme de Johnny Hallyday apparaît de façon aveuglante dans ces images d'une idole dans tous ses états. Un témoignage aussi de l'immense talent de Monsieur Jean-Pierre Leloir.
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LE COIN DU SPÉCIALISTE
P.11 Sa première télé s'appelle en réalité À l'école des vedettes (non L'école des vedettes), sur la RTF pas encore ORTF. Claude Sarraute était chroniqueuse au Monde, non à France Soir.
P.12 Ce «flandrin rose» dont parle Leloir est le surnom donné à Johnny par Sarraute justement, dans sa critique de l'Alhambra 1960.
P.20 Son premier 25cm Hello Johnny ne sort pas en février 1961, mais en novembre 1960. Deux shows, non un, au Palais des Sports, le 24 février 1961.
P.23 Premier Olympia: sans doute une répétition le 19 septembre 1961, puisqu'il est censé avoir commencé le 20 !
P.29 Trois erreurs concernant ce premier Olympia: pas d'Hugues Aufray en première partie (c'était en 1964), et «Los Brutos»: en réalité Les Brutos, avec Aldo Maccione mais aussi le vocaliste Jacques Guérini, qui tenta en vain de se lancer dans une carrière de chanteur solo en 1963. Pas encore de Golden Stars pour l'accompagner, mais les Golden Strings, qui changeront bientôt de nom.
Leur première dénomination est pourtant bien visible sur la batterie du regretté Louis Belloni ! On peut ajouter aussi Gillian Hills en première partie.
P.34 Paul Carrière chroniqueur au Figaro , non à France-Soir.
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P.35 Dans D'Où Viens-Tu Johnny, il ne chante pas À Plein Coeur (un titre original) en duo avec Sylvie, mais devant elle.
P.43 Le premier show avec Joey and the Showmen: le 14 novembre 1963 à Brest, un mois après leur rencontre au Trudi Hiller club new-yorkais.
P.53 Le Pénitencier adapté par Aufray mais avec Vline Buggy !
P.60 La Royal Command Performance avec Sylvie le 8 novembre 1965; son apparition à Ready Steady Go le 12 novembre. Avec aussi:Wilson Pickett, les Small Faces, les Sorrows, les Nashville Teens et un Marc Bolan débutant !
P.84 Participe au Rallye Monte-Carlo, non au Rallye «de» Monte-Carlo. Je Crois Qu'il Me Rend Fou adapté de Such A Fool For You d'Ike and Tina Turner.
P.101 «Mai 68 ce n'est pas sa scène»...mais du 2 au 15 mai 1968, il se produit en Afrique ! Ouagadougou, Abidjan, Kinshasa etc.
P.105 Accident en Afrique du Sud, se casse le pied en tombant de scène: à Johannesburg, le 23 ou 24 octobre 1968.
P.111 Jo Leb pas Joe Lebb, très grand showman lui aussi, et leader des Variations.
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CHRISTIAN NAUWELAERS
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