" Je réalise la chance que j'ai eue".
J.M. : Comment étais-tu perçu par les organisateurs de spectacle en Belgique dans ces années où la carte de presse pour les journalistes ou les photographes de rock n'existait pas ?
Paul Coerten : Sans carton d'invitation, ni carte de presse, j'ai toujours été le bienvenu partout où j'ai promené mon objectif. Que ce soit à Bilzen, Châtelet, Ciney, Forest National, Werchter et j'en passe. Lorsqu'ils me voyaient arriver, les promoteurs de shows ou de festivals m'accueillaient à bras ouverts car ils savaient que j'allais contribuer à donner de l'éclat à leur événement.
Je bénéficiais également de leur sympathie grâce à ma collaboration avec Piero Kenroll. Quelques semaines avant le spectacle, Piero annonçait largement le spectacle dans les colonnes de Télé Moustique. Il donnait le prix des places, la meilleure manière de se rendre sur les lieux. Il commentait le plateau des artistes et diffusait déjà la photo de chaque groupe avant leur venue. Dans un premier temps ces photos émanaient des maisons de disques ou des bureaux de management anglais.
Le jour du spectacle, je finalisais le tout en réalisant un reportage de tous ces groupes en live. Et à nouveau Télé Moustique reparlait de l'événement mais cette fois avec des photos exclusives prises sur le terrain. La boucle était bouclée, tout le monde y trouvait son compte. Et surtout les Anglais.
Très vite, les agences et firmes de disques anglaises ont réalisé que la Belgique constituait la plaque tournante entre trois cultures bien distinctes. De par sa position géographique, notre petit pays occupe une position stratégique de premier plan avec ses frontières avec l'Allemagne, la Hollande, la France et le Luxembourg.
Les agences britanniques ont prouvé leur intérêt pour notre pays en nous envoyant en primeur la plupart de leurs groupes. Nous avons donc servi de test à une flopée de groupes méconnus sur le continent. Je pense notamment à Soft Machine, Yes, Genesis, Rory Gallagher, Uriah Heep, Atomic Rooster, Pete Brown and Piblokto, Savoy Brown, Van der Graaf Generator et tant d'autres.
En tant que photographe, j'ai donc pu compter sur un maximum de latitude de la part des professionnels qui attendaient que je réalise des photos fortes, qui ensuite seraient diffusées dans les médias étrangers. Comparé avec ce qui se passe aujourd'hui, je réalise la chance que j'ai eue. J'ai vraiment fait partie d'une époque bénie où contraintes, contrôles de sécurité, accréditations délivrées au compte-gouttes n'existaient pas.
Boomtown Rats © Paul Coerten |