LES PIONNIERS DU ROCK

 

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Paul André - J.Jième fondateurs de l'agence Century
Jean-Noël Coghe, reporter rock- bio
Piero Kenroll, le pionnier de la presse rock francophone
Ludo Debruyn - Lion Promotions - Mardeb.
Francine Arnaud, la maman du rock belge RTB
Paul Coerten, le photographe des années 60-80
Erik Machielsen - photos et chasseur d'autographe
Jean Martin, impresario
Jean-Hubert De Groot, album photo concerts et artistes des années 60
Genesis et la Belgique
Les cinq Pop Hot Shows
Onyx Club - Sibémol-Jack Say - Studio Des
Studios enregistrements années 50-60-70
CHRONIQUE 1960-1965 CHRONIQUE 1966-1972 CHRONIQUE 1973-1980 LES PIONNIERS DU ROCK GROUPES BELGES
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LES PIONNIERS DE L'HISTOIRE DU

ROCK EN BELGIQUE

JEAN-NOËL COGHE

LE REPORTER ROCK DES ANNÉES 60 ET 70

Dossier réalisé par Jean Jième

 

Coghe reporter

Interview de Roger Daltrey des Who par Jean-Noël Coghe -1972- © Erik Machielsen)

LA PRESSE TRADITIONNELLE N'AIMAIT PAS LE ROCK

 

Au début des années 60, les journalistes belges qui relayaient l'actualité nationale ou internationale étaient plus habitués à couvrir le mariage du Roi, à rendre compte des avancées du Marché Commun ou de la dernière grève syndicale, qu'à parler de rock'n roll. Soudain confronté à ce nouveau phénomène, ils se virent obligés de pondre des papiers sur le bouillant kid de Memphis ou plus près de chez nous sur la venue de Gene Vincent en Belgique.

 

Par la suite, les rédactions leur ont demandé d'informer le public sur cette surprenante vague déferlante anglaise baptisée pop music et qui mettait soudain à mal la bonne vieille chanson française. Bécaud, Distel, Béart ne faisaient plus vraiment recette. On parlait beaucoup plus des Beatles, des Kinks, des Floyd, des Animals, des Stones, des Hollies

 

Ces « grands professionnels » du monde journalistique étaient si peu concernés par cette nouvelle musique qu'ils évitaient soigneusement d'assister à des concerts. Une véritable corvée pour eux !

 

Aussi se contentaient-ils de reproduire le contenu des bios fournies par les firmes de disques. A cette époque, les articles sur les prestations de groupes qui venaient de l'étranger s'écrivaient avant leur passage sur scène dans le pays.

 

C'est ainsi que couacs et bévues sont devenus monnaie courante : erreur dans l'orthographe des noms, erreur sur la composition des membres d'un groupe, bios obsolètes etc...

 

Jean Noel Coghe Vince Taylor

De plus, un certain plaisir avéré pour le sensationnalisme était bel et bien de mise. Ainsi, lorsque Vince Taylor a débarqué en Belgique, les compte rendus de presse n'ont évoqué ni son timbre particulier de voix, ni son style musical, ni son fair-play légendaire, mais plutôt l'hystérie qu'il déclenchait lors de ses apparitions publiques, ses déhanchements un peu trop suggestifs, son blouson de cuir noir, bardé de chaines. Bref les articles de l'époque correspondaient davantage à la description de numéros de cirque qu'à un concert de rock. On peut dire qu'à quelques rares exceptions près, tout souci d'objectivité était quasiment absent des colonnes des quotidiens traditionnels en matière de rock.

 

 

 

De gauche à droite : Le futur grand organisateur de spectacle Jean-Claude Camus, le chanteur belge Jimmy Frey, le rocker Vince Taylor et le tout jeune Jean-Noël au Relais de la Poste - février 1964.

GIANONNE QUARTETTO - I COGONI - THE SUNLIGHTS

Dès ses 17 ans, Jean-Noël Coghe fait la rencontre des frères Cogoni, les futurs Sunlights.

Selon ses disponibilités, il les suit dans la majorité de leurs galas en tant qu'homme à tout faire :

secrétaire, chauffeur, technicien, garde du corps, roadie, confident et parfois même réconciliateur.

Il a même ses entrées dans la maison familiale où règne la Mamma Letizia qui l'accueille comme l'un de ses fils.

 

Coghe J Noel

Les frères Cogoni et le bassiste Tony Menteau chez Jean-Noël pour ses 18 ans.

 

Coghe J Noel

Jean-Noël s'essaie à la guitare avec Bruno Cogoni, l'un des frères

du groupe The Sunlights.

 

Quand il n'accompagne pas les Sunlights, il est de toutes les manifestations rock qui se déroulent dans sa région du Nord de la France. Comme il ne dispose pas de véhicule, il marche des heures pour se rendre aux concerts et ensuite pour rejoindre son bercail. Si Jean-Noël rentre rarement avant l'aube, c'est parce qu'il veut rester le plus longtemps possible auprès de ces artistes qu'il admire tant et dont il se sent si proche.

 

 

C'est ainsi que dès janvier 63, il parvient à côtoyer Gene Vincent, puis par la suite Vince Taylor, au point de les inviter chez lui à la maison.

 

Plus tard, il est l'un des premiers sur le front pour accueillir les groupes qui débarquent d'Angleterre. Son objectif : se rendre utile à leurs yeux. Déjà il pose plein de questions, se passionne pour leur carrière. Artistes et managers l'apprécient pour son enthousiasme, son dévouement et sa disponibilité.

 

Ceci dit, dans cet univers qui le fascine, Jean-Noël n'a pas encore défini le rôle qu'il compte jouer dans le futur. Mais il a déjà sa petite idée : il se verrait bien reporter... de rock.

 

 

REPORTER DE ROCK : UN MÉTIER À INVENTER

 

Jean-Noël est français d'origine. Il est né à Wattrelos, une petite localité à la frontière franco-belge, accolée à Mouscron. Il a coutume de répéter : Je suis à la fois un enfant du Sud de la Belgique et un enfant du Nord de la France. Il ne sait pas de quel côté se tourner. Vers Bruxelles ou vers Paris ? C'est le rédac en chef du journal Nord Éclair qui le premier lui accorde sa confiance en lui permettant de publier ses premiers articles. Au total, il produit une quarantaine de sujets sans pour autant être rémunéré. Mais qu'importe! Il se fait la main.

 

A l'école, c'est la cata. Parents et profs sont désespérés de le voir brosser, rater, doubler. Jean-Noël propose alors à son père de le retirer du collège et de le laisser tenter sa chance dans une école de cinéma. Ca fait plus sérieux que le rock ! De guerre lasse, son père finit par l'inscrire au Conservatoire Indépendant du Cinéma Français, rue du Delta, à Paris. Sans doute aurait-il préféré l'IDHEC, mais il n'a pas son bac. La première année, les cours sont dispensés uniquement par correspondance.

 

Pour la seconde, il se tape la capitale trois fois par semaine pour les travaux pratiques. De cette formation, Jean-Noël dit avoir surtout retenu les techniques du montage. Celles-ci lui seront fort utiles plus tard lorsqu'il deviendra radio reporter pour RTL. Son patron, Jacques Rigaud, n'hésitera pas à le qualifier de spécialiste de l'évocation de l'image par le son.

 

 

Coghe J Noel

Une des premières interviews de J.N.Coghe avec Ronnie Bird (un français

très british) pour le compte de Disco Revue dans les locaux du magazine,

rue Lafayette à Paris - © J.L.Rancurel

 

Jean-Noël se verrait bien travailler pour Disco Revue, le mensuel de Jean-Claude Berthon, sorte d'équivalent de Juke Box en Belgique. Surtout que ce dernier mène une véritable croisade pour préserver l'image des vrais rockers, notamment Gene Vincent.

 

Mais un nouveau venu vient lui couper l'herbe sous le pied. C'est Daniel Filipacchi qui s'inspirant largement de Disco Revue crée à son tour Salut les Copains... et le mouvement yéyé qui l'accompagne. Commerce, hit-parade de complaisance, vedettes créées de toutes pièces...

 

Les frères Cogoni entendent donner un coup de pouce à Jean-Noël. Depuis leur passage remarqué au Golf Drouot, ils connaissent bien Berthon. Ils organisent une rencontre. Le courant passe si bien que l'apprenti journaliste devient correspondant attitré du magazine. Au départ, son job consiste à comptabiliser le nombre de disques vendus dans la région afin d'établir un classement des meilleurs titres. Son premier article traite des ses amis les Sunlights. C'est le début d'une fructueuse collaboration.

 

Coghe garde de lui un souvenir épatant : C'était un type génial, un réel avant-gardiste. A l'époque, il avait tout compris avant les autres. Dans un de ses éditoriaux il avait écrit : Attention, chers lecteurs, voilà les Rolling Stones qui arrivent d'Angleterre. Ils vont tout révolutionner.

 

Jean-Noël Coghe va très vite faire partie des pionniers de la critique française. Le 23 juillet 1964, le tout jeune journaliste publie un article au ton lyrique dans le quotidien Nord Éclair « Les purs rockers sont des poètes.»

 

Puis tout va s'enchaîner. Impossible de citer tous les chanteurs ou groupes français ou british qui ont défilé devant le micro du jeune reporter. Il est de tous les festivals, de tous les concerts, de tous les rassemblements pop. Il devient peu à peu un des rares reporters tout terrain. Il se forge rapidement une réputation de gars sérieux et loyal sur lequel on peut compter. Sympa et discret, il parvient à pénétrer dans l'intimité des plus grands. Il collabore désormais au mensuel Rock and Folk (1966) , puis à Best et à Extra.

Jean-Noël en compagnie du groupe français Les Chaussettes

noires et de Sany, DJ du Twenty Club

 

 

Coghe J Noel

Interview du guitariste des Doors - Robby Krieger par Jean-Noël Coghe -1972 - © Erik Machielsen

 

Sur le plan belge, il est approché par Piero Kenroll, récemment promu journaliste à la rubrique rock de Télé Moustique. Ce dernier lui fait rejoindre son staff.

 

En 68, l'animateur de radio Claude Delacroix l'intègre dans son équipe en lui filant de temps en temps un Nagra afin qu'il puisse réaliser des reportages en direct. C'est ainsi que les auditeurs de Formule J ont eu la primeur d'être tenu au courant de l'évolution des concerts et festivals qui se déroulaient en Belgique ou à l'étranger durant les sixties et les seventies.

 

Devenu incontournable dans le monde de la pop, Jean-Noël Coghe collabore avec trois chaines françaises de radio : France 3, France Inter et RMC.

 

Parmi les titres de la presse de rock écrite, il ne manque plus que Pop à Music épingler à son CV. Dès 1972, c'est chose faite. Il intègre l'équipe de la rédaction du journal.

 

Malgré plus de dix années de journalisme, Jean-Noël ne dispose toujours pas de sa carte de presse. Ce n'est pas faute d'avoir essayé à de nombreuses reprises. Il sent que quelque chose bloque. A force d'insister, il est finalement convoqué par la chambre syndicale des journalistes qui invoque le fait que ses interviews avec des artistes de pop music ne sont pas considérés comme des actes journalistiques.

 

Incroyable ! Non sans mal, Jean-Noël arrive à leur faire admettre l'absurdité d'un tel argument. Il par leur faire admettre que lorsqu'il interviewait les Rolling Stones, Jimi Hendrix ou Chas Chandler, il faisait bel et bien de l'information. Le syndicat finit par se rendre à l'évidence et en 1976, Jean-Noël obtient enfin, le fameux sésame.

 

En 1979, une belle opportunité se présente. La rédaction d'RTL lui propose le poste d'envoyé spécial permanent sur le Nord-Pas-de-Calais. C'est l'occasion ou jamais de donner un coup de fouet à sa carrière journalistique.

 

LE BLUES DU CORRESPONDANT DE PRESSE

Devenu correspondant de presse, Jean-Noël durant deux décennies, de jour comme de nuit, poursuit sa carrière en sillonnant les divers départements du Nord de la France et en diffusant l'information en direct. De la visite de Jack Lang à Roubaix, à l'accession de Pierre Mauroy, maire de Lille, devenu premier Ministre sous Mitterrand, Coghe, de sa voix calme, douce et légèrement chantante, nous tiendra au courant des aléas de l'actualité quotidienne de sa région.

 

Coghe années 60

 

 

En 1996, RTL l'invite à se retirer sous le prétexte qu'il a besoin de prendre du repos. En réalité, le journaliste dérange, car il ne se plie pas aux nouvelles directives de la direction. Alors, pour prouver qu'il n'est nullement fatigué, Coghe va prendre la plume pour rédiger ses mémoires et nous faire vivre Le blues du reporter . Ensuite, il évoquera ses coups de cœur et ses rencontres avec Bill Wyman dans un livre intitulé Steady Rollin' Man; Rory Gallagher - Rock'n'Road Blues et Jimi Hendrix.

 

Est-il enviable d'être le premier témoin d'une catastrophe bien avant que notre société des médias n'en ait digéré, censuré et commercialisé les images et les cris ? Jean-Noël Coghe nous offre la possibilité unique d'être nu et innocent face à l'événement. Ce « roman d'actualité » nous ouvre les yeux sur une foule de faits nationaux et internationaux qui nous renvoient tous à notre conscience et à nos révoltes. (Editions Castor Astral)

« Des coulisses du pouvoir aux ennuis des plus pauvres, des cours de justice aux portes des prisons, Jean-Noël Coghe saisit et dénonce les drames humains, petits ou grands, qui peuplent le quotidien. » (Autrement dit) - « Vertige assuré pour le lecteur qui aura le cran de se jeter dans cette réalité à la fois terrible et passionnante. » (Télérama)

 

 

LES COUPS DE COEUR DE JEAN-NOËL COGHE

BILL WYMAN - RORY GALLAGHER - JIMI HENDRIX

Jimi Hendrix à Bruxelles

1998 - Portfolio avec Moebius (Stardom) - 1999 : Jimi Hendrix, Emotions électriques (Castor Astral)

 

 

 

En mars 1967, Jimi Hendrix est encore un inconnu lorsque Jean-Noël Coghe le suit en tournée pendant plusieurs jours. Anecdotes et documents évoquent sa fulgurante carrière. À partir de photos inédites, Moebius réalise une dizaine de planches qui projettent Jimi Hendrix dans l'imaginaire.

 

2000 - Rory Gallagher . L'ouvrage est accompagné du CD d'un concert inédit (Castor Astral) -

 

 

 

Traduit en anglais en 2001 pour Mercier Press et en roumain en 2007 pour Editura Nigredo

Très intéressante biographie et déjà ouvrage de référence. On a du mal à s'extraire de la lecture de ces quelques 200 pages riches en illustrations, consacrées à l'ami Rory. La chaleur humaine que dégage la plume de Coghe, intime du musicien, nous donne vite l'impression agréable de faire partie de la famille, du clan.

Coche et Rory Gallagher

Coche et Century

2001 - Autant en emporte le rock - Ouvrage   accompagné de deux CD avec 74 grandes voix du rock - (Castor Astral)

 

 

Dans Autant en emporte le rock, Jean-Noël Coghe nous entraîne dans la période historique des golden years et y raconte dans le détail ses rencontres, ses coups de coeur et ses aventures avec plus d'une centaine de chanteurs et groupes anglais, américains et français. Un livre passionnant, bourré de souvenirs inoubliables. A lire comme un roman.

2002- Eclats de blues accompagné de deux CD de reportages radio - 145 tranches de vie (Nuit Myrtide)  

 

 

Ce dernier étant un peu différent du registre précédent dans la mesure où y sont rassemblés des enregistrements sonores "d'évènements" relatifs à la région Nord Pas de Calais (fermetures d'usines, fêtes, etc...).

Coghe et Bill Wyman

2004 - Bill Wyman, A Steady Rolling Man (Castor Astral) accompagné d'un CD inédit des Rhythm and Kings

 

Bill Wyman, une trentaine d'années durant, a été le bassiste des Rolling Stones. Il les a quittés pour davantage prendre le temps de vivre, mais aussi pour former un nouveau groupe à géométrie variable, The Rhythm Kings. Cette formation réunit certains des plus fameux instrumentistes du rock (Albert Lee, Gary Brooker, Georgie Fame, Nick Payn... Mais aussi Mark Knopfer, George Harrison, Peter Frampton, Eric Clapton, etc.). Jean-Noël Coghe a accompagné le groupe en tournée. Le livre permet de découvrir au quotidien un personnage attachant et lucide, bourré d'humour, et qui évoque ses diverses passions : l'archéologie, la photographie, etc. Bill parle des Rolling Stones, de l'amitié qui le liait à Marc Chagall, de ses livres... Il présente The Rhythm Kings, avec lesquels il revisite les classiques du blues, du rock, du jazz et du country, des années 1920 à nos jours.

 

2007 : Jimmy The Kid (Hugo Doc)

 

 

Son plus récent ouvrage évoque la mémoire de James Dean à travers divers interviews qu'il a réalisées à Fairmount, lieu de naissance de l'acteur mythique des années 60.

Des années de recherches intensives, de quête de documents et de photos rares, d'infos peu ou pas exploitées, des centaines d'heures passées à visionner des films, des documentaires, les archives des télés du monde entier, sans compter le travail journalistique effectué aux USA.....

 

Préface de Jimmy the Kid par Bill Wyman.

 

Coghe et James Dean

DERNIER OUVRAGE PARU EN DECEMBRE 2008 

 

 

Mésaventures d'un petit reporter en Nord (Les Lumières de Lille).

 

 

Bibliographie : 1998 : Portfolio avec Moebius (Stardom) - 1999 : Jimi Hendrix, Emotions électriques (Castor Astral) - 2000 : Rory Gallagher accompagné d'un CD d'un concert inédit (Castor Astral) - traduit en anglais en 2001 pour Mercier Press, et en roumain en 2007 pour Editura Nigredo - 2001 : Autant en emporte le rock,  accompagné de deux CD (Castor Astral) - 2002 : Le Blues du reporter (Castor Astral) - 2002 : Eclats de blues accompagné de deux CD de reportages radio (Nuit Myrtide) 2004 : Bill Wyman, A Steady Rolling Man (Castor Astral) accompagné d'un CD inédit des Rhythm and Kings - 2007 : Jimmy The Kid (Hugo Doc) - 2008 : Mésaventures d'un petit reporter en Nord (Les Lumières de Lille).

 

RENCONTRE AVEC JEAN-NOËL COGHE

MAI 2008

 
Coghe J Noel
Jean-Noël Coghe ©Patfraca/Sabam 2008)

Jean Jième : J'ai rencontré Jean-Noël Coghe, à l'époque où Piero Kenroll démarrait sa carrière de journaliste rock à Télé Moustique. Jean-Noël écrivait déjà pour le magazine français Pop Music. C'est ainsi qu'il a couvert dans ses pages, les Free Shows de juin et d'octobre 1971 ainsi que le Pop Circus de Liège en 1972 et les diverses réalisations de l'Agence Century dont je faisais partie avec Paul André.

 

En septembre 1971, nous sommes partis tous les deux de Bruxelles dans ma vieille Peugeot 203, direction Seloncourt en Suisse où il a fait le compte rendu d'un mémorable concert dont Century assurait en grande partie la programmation. Au menu : Pete Brown and Piblokto, Robert Wyatt, Stray, Gong, Jenghiz Khan, Ange, Backdenkel).

 

Au moment où j'ai entamé ce site, j'ai tout de suite songé à lui. Je me suis dit que je serais heureux de le revoir C'est chose faite aujourd'hui. Nous avons pris rendez-vous pour le jeudi 15 mai 2008 chez lui dans sa maison de Wattrelos. Nous avons aussitôt filé sur Lille pour un agréable déjeuner. Dans cette ville, Jean-Noël se sent vraiment chez lui. Il y a ses bistrots, ses petits restos, sa brasserie attitrée, sans doute les mêmes lieux que ceux qu'il fréquentait, il y a quarante ans, quand il y amenait John Steel des Small Faces, Chas Chandler des Animals et tant d'autres.

 

SOUVENIRS ROCK 1960 : FRONTIÈRE FRANCO-BELGE 

Wattrelos et Coghe

1960- Wattrelos, ville frontière et ville natale de Jean-Noël, accolée à Mouscron

 

 

J.Jième : Comment expliques-tu que de petites ville de province telles que Wattrelos ou Mouscron aient connu un tel dynamisme sur le plan de l'avènement du rock ?

 

Jean-Noël Coghe : Mouscron reste la ville frontalière la plus étendue du département du Nord avec ses cinquante mille habitants. Elle fait partie d'une vaste entité forte de quatre vingt-six communes parmi lesquelles Lille, Roubaix et Tourcoing qui s'imbriquent les unes dans les autres. Elle est donc à la fois à cheval sur la frontière franco-belge et n'est distante de Lille que de dix-huit kilomètres.

 

Quant à Wattrelos, il faut savoir que dans les années cinquante, soixante, la ville abritait un débit de boissons pour quarante habitants. Le bistrot constituait le centre de gravité des rencontres et des délassements. On y écoutait de la musique tout en buvant de la bière. L'accordéon était roi. Il y avait même des contorsionnistes. Si la première projection cinématographique s'est déroulé e à Paris, la seconde a bien eu lieu en 1899 à Roubaix. La région Nord, proche de la Belgique a souvent été en avance sur les autres départements français. Le développement social et culturel y était plus intense qu'ailleurs.

 

Quand on jette un coup d'œil sur les photographies de l'époque, on a l'impression de se trouver à Chicago ou à New-York. Il y avait un tel mélange de populations (italiens, espagnols, polonais, wallons, flamands) que chaque entité a contribué à apporter sa propre culture et ses traditions notamment sur le plan musical. C'est ce qui explique le dynamisme naissant du rock. Vivre dans ce coin a finalement été une grande chance pour moi.

 

Si le rock n' roll s'est répandu aussi rapidement dans ces zones c'est parce que le terreau s'y trouvait. Outre-quiévrain, on était prêt à se laisser emporter par la nouveauté et donc par le nouveau courant musical venu des States.

 

 
LE RELAIS DE LA POSTE À MOUSCRON

Relais Poste Mouscron

Grand Place Barbieux- Relais de la Poste à Mouscron

A Mouscron, on s'arrachait les 45 tours des pionniers du rock : Gene Vincent, Bill Haley, Elvis Presley, Eddie Cochran, Buddy Holly et les autres.  Les nombreux cinémas de la ville affichaient de 15 heures à 23 heures des films américains comme Graine De Violence (Richard Brooks/1955), La Fureur De Vivre (Nicholas Ray/1955) ou Bagarre Au King Créole (Michael Curtiz/1958) avec le Pelvis.

 

A l'entracte, des orchestres régionaux tels que les Eagles Stones, les Quatre Rock et autre Korrigans ( sponsorisés par la lainière de Roubaix) jouaient bruyamment quelques standards. Dans les allées du cinoch, les jeunes se défoulaient en dansant sous l'œil discret du patron de la salle.

 

 

 

Les magasins de vêtements vendaient jeans, boots, tee-shirts, vestes en cuir. La bière coulait à flots dans les brasseries et les discothèques. Tous les jeunes rêvaient de posséder un deux-roues. Pour se déplacer et être autonome, mais aussi pour draguer les nanas. Mes parents ne voulaient pas me voir en blouson de cuir ni rouler en scooter Alors j'empruntais les deux chez mon voisin, Jean-Pierre, qui avait plus de chance que moi.

 

Les marchands de journaux augmentaient leur chiffre d'affaires grâce à Juke Box et à Disco Revue, des magazines rock, respectivement d'origine belge et française.

 

Roubaix ou environs se rendaient dans les clubs ou dancings, implantés à Mouscron. L'un d'eux, Le Relais de la Poste, situé au 18, Grand Place, entrera tout doucement dans l'histoire à l'instar de la Cavern de Liverpool ou du Marquee à Londres.

 

 

J.Jième : Tu pourrais nous resituer le rôle qu'à joué Jean Vanloo, le patron du Relais de la Poste ?

 

Jean-Noël Coghe : Pour la petite histoire, Adolphe, le patron de cet authentique relais du XVI ième siècle avait une fille qui s'appelait Ginette. Celle-ci avait épousé un ancien champion de natation, Jean Vanloo, grand gaillard, très sympa, amateur de bons cigares. Dès le début des années 60, il décide de tenter sa chance dans les métiers d' impresario, de manager, de producteur de spectacles.

 

Devenu copropriétaire de l'établissement familial, il se démène pour amener des orchestres français et étrangers au Relais de la Poste.

 

C'est lui, le premier, qui a eu l'idée d'organiser le premier festival rock dans le vétuste Palais des Sports de Lille. Au programme : Les Chats Sauvages, Les Pirates, Jacky Delmone, Les Sunlights et un certain… Vince Taylor, qui avait été baptisé le diable du rock. Le public a débarqué en bandes de toute la métropole.

 

Ca a été le gros succès. Dans les loges, des bagarres ont éclaté car les orchestres se disputaient l'ordre de passage. Vince Taylor et ses Play Boys ont vite mis tout le monde d'accord. Sur scène, ils ont font exploser le Palais des Sports. Il y a eu, parait-il, pas mal de fauteuils cassés…. d'où la légende de fauteur de troubles du malheureux Vince, qui en souffrira toute sa carrière.

GENE VINCENT...UNE RENCONTRE INOUBLIABLE

 

J.Jième : Ton idole de l'époque était Gene Vincent. Tu as assisté à sa toute première prestation au Relais de la Poste ? Quel souvenir en gardes-tu ?

 

Jean-Noël Coghe : Oui et dans des conditions un peu rocambolesque. Le 27 janvier 1963, dans l'après-midi, Gene Vincent accompagné par The Dragons, un groupe anglais, fait un malheur au Palais des Sports de Paris devant cinq mille spectateurs déchainés.

 

Profitant de son passage dans la capitale, Jean Vanloo avait signé un contrat avec lui pour qu'il vienne chanter dans la soirée dans son établissement.

 

 

C'est l'hiver. Les routes sont enneigées, il gèle. Le chanteur n'arrive pas. Vers minuit, le public, lassé d'attendre, déserte le dancing. Il ne reste plus que quelques clients, lorsqu'il arrive enfin .

 

On est là, à une vingtaine, à le voir entrer, flanqué de ses béquilles. On se précipite pour lui servir un café bouillant. Très vite requinqué, il nous annonce qu'il veut chanter. Stupéfaction générale. On rallume la scène. Les Dragons revêtent leur beau costume lamé.

Gene Vincent est venu à plusieurs reprises au Relais de la Poste. Sur cette photo, prise quelques mois plus tard, il revient, cette fois accompagné par les Sunlights.

 

Gene Vincent, tout de cuir noir vêtu, donne un récital pour… vingt personnes avec autant de passion et de fougue qu'il l'avait fait l'après-midi à Paris devant des milliers de fans.

 

 

Assis sur la scène, je suis bouleversé. Ce rocker dont j'écoute les disques à longueur de journée est là, devant moi, en train de chanter. J'aurai l'occasion de le revoir le 7 octobre de la même année, mais cette fois au Colisée à Roubaix, face à une salle comble. Ce type avait vraiment de l'allure, la jambe raidie en avant, le corps penché sur le micro, les yeux rivés au ciel, Avec sa voix incroyable il nous tenait en son pouvoir.

 

LE RELAIS DE LA POSTE FAIT PEAU NEUVE

ET DEVIENT LE TWENTY CLUB.

Twenty Club Mouscron

 

 

J.Jième : Une fois que le Relais de la Poste a été transformé, les choses sérieuses ont vraiment commencé. Les plus grands groupes rock de l'époque s'y sont succédés.

 

Jean-Noël Coghe : Le Relais de la Poste avait toujours été apparenté à un dancing pour les familles. En 1964, Jean Vanloo a décidé de procéder à de grands travaux de rénovation.

 

Ainsi l'ancienne salle s'est rapidement transformée en un club typiquement british, qui a été rebaptisé Twenty Club.

 

 

 

Désormais, il y avait une scène digne de ce nom et une cabine spécialement conçue pour le disc-jockey.

 

L'ouverture a eu lieu en septembre . Ce sont les Shake Spears, très populaires dans le Nord de la France avec The Saint qui ont assuré l'inauguration.

 

Le Twenty Club devient alors un lieu mythique où se succèderont tous les groupes de rock de l'époque.

 

 

 

Shake Spears Twenty Club

Les Shake Spears à l'inauguration du Twenty Club.

 

Twenty Club MouscronTwenty Club Mouscron

Descente de l'escalier mythique du Twenty Club par le groupe anglais Bubbles and Co.

 

RENCONTRE AVEC THE ANIMALS

 

Lorsque les Animals effectuent plusieurs galas entre Bruxelles et Mouscron, il grimpe dans leur camionnette en leur expliquant qu'il leur fera gagner du temps en les pilotant dans la région. Sommairement assis sur les amplis qui bringuebalent sur les mauvais pavés du Nord, il en profite pour interviewer Chas Chandler, manager du groupe, tout en prenant note de ses propos. Ce jour-là, sans le savoir il réalise l'une des premières interviews life d'un groupe étranger en tournée.

 

 

  Animals au Twenty Club

The Animals - Chatelet 1965. On reconnaît Jean-Noël et Rikki Stein agent

de spectacle et associé de Jean Vanloo.

 

 

 

En juillet 1965, les Animals, qui venaient de sortir The House Of The Rising Sun qui connaissait déjà un succès mondial, sont venus se produire au festival de Ciney.

 

Le lendemain, le groupe se produisait à Ostende. Je faisais partie du voyage. Eric Burdon, Hilton Valentine, John Steel et Dave Rowberry qui remplaçait Alan Price sont partis dans la Volvo de Jean Vanloo. Tandis que Chas Chandler, futur producteur de Jimi Hendrix, Alex, le road-manager et moi suivions dans le van.

 

C'est dans la camionnette, assis sur des amplis Vox, bringuebalés sur des routes secondaires, que j'ai pu réaliser ma première interview en life. Je crois qu'aucun journaliste français n'avait jusqu'à ce jour assuré un reportage dans de telles conditions. Ensuite, le groupe s'est rendu à Ch

âtelet et à Mouscron.

 

A gauche : Jean-Noël Coghe avec The Animals. A droite : Jean Vanloo, patron du Twenty Club.
En avant plan Roger Fennings, DJ de Radio Caroline - 1965

Animals Twenty Club

The Animals sur la scène du Twenty Club-1965

 

L'entrée dans la cour du Twenty Club a été triomphale... Sur scène, Eric Burdon, les pans de chemise hors du pantalon, le front trempé de sueur, se déchaîne. Sa voix à la fois rauque et mélodieuse subjugue le public. Hilton Valentine utilise des effets de larsen.

 

A l'orgue, Dave Rowberry joue sans lever les yeux de son clavier. John Steel placide, derrière sa batterie, sourit. Chas Chandler, le visage dégoulinant, secoue la tête, éclaboussant ainsi Dave et Eric à ses côtés... Lorsqu'ils ont entamé The House Of The Rising Sun, j'ai éprouvé la même sensation de fascination que lors de la première écoute de leur disque.

Exténués, ils quittent la scène et trouvent refuge dans un bar proche. Je suis vanné mais je n'hésite pas une seconde à prêter main forte à Alex, le roadie. Ensemble, on démonte le matériel, on l'entrepose dans le van. On termine vers les trois heures du matin.

 

Mes papiers sur les Animals m'ont permis d'être admis au sein de la rédaction de Disco Revue. C'est là que j'ai fait la connaissance de Jacques Barsamian, la bible du rock n' roll en France. Il est des rares à avoir vu Eddie Cochran sur scène à Londres.

 

 

THE SMALL FACES

Small Faces Années 60

Kenny Jones (batteur), Ronnie Lane (bassiste), lan Mc Lagan (orgue)

et Steve Marriott

 

En janvier 66, les Small Faces donnent un double concert à Lille dans l'établissement La Peau de Vache et le lendemain en Belgique à Mouscron au Twenty Club.

Immédiatement, le courant passe entre nous. Il faut dire que nous avons tous plus ou moins le même âge : à peine dix-huit, dix-neuf ans. Depuis peu, je possède la Simca de mon grand-père, une Aronde noire dans laquelle le groupe s'entassera tant bien que mal lors de sa tournée.

 

 

Small Faces années 60

Jean-Noël Coghe en compagnie des Small Faces à Provins(Seine et Marne) et de leur tour manager Will Corbett - © J.L.Rancurel

 

Au Twenty, j'assure les jeux de lumière à partir de la cabine du DJ. Au gré de la musique, j'envoie des blancs crus, des rouges ou autres bleus électriques.

 

Je garde le souvenir d'un Steve Marriott, mince, petit, étriqué mais doté d'une puissance scénique incroyable. Je le revois encore s'approcher du micro, les yeux mi-clos, appliquer sa main gauche contre le tympan et faire jaillir une voix d'une force et d'une tonalité extraordinaire.

 

J'ai passé trois jours exaltants avec eux et trois nuits sans vraiment dormir. A la fin de la tournée, Ronnie Lane me lance : Pourquoi ne viendrais-tu pas avec nous à Londres  ?

 

Partir pour Londres ? Bosser dans leur entourage ? La proposition est terriblement tentante. Elle me touche au plus haut point. Mais je ne suis pas encore prêt pour une telle aventure. Je prétexte des projets que je dois d'abord finaliser. Le lendemain, lorsque le ferry s'éloigne, j'ai le cœur serré. Quelques mois plus tard, je suis parti les rejoindre à Londres. Ensuite, nous avons longtemps gardé le contact et sommes toujours restés copains.

Dans leur appartement de Pimlico à Westmorland Terrace - © J.L.Rancurel

THE KINKS

En mars 1966, les Kinks sont programmés au Twenty Club. C'est un événement de taille. You really got me, A well respected man et Till the end of the day sont tous classés numéro un en Europe comme aux Etats-Unis. Devant les centaines de demandes de réservation, Jean Vanloo décide d 'organiser le spectacle sous chapiteau.

 

 

Les Kinks à la Locomotive à Paris -© J.L. Rancurel

 

Cheveux mi-longs, pantalons moulants pied-de-poule ou à grands carreaux, les Kinks aiment la provoque. Leur jeu de scène se veut à la fois sexy et frénétique. Quant à leur style musical, il se caractérise par un rythme à la fois lancinant et brutal, accentué par les voix rauques et sensuelles de Ray et de Dave Davies.

 

La tournée se poursuit, le lendemain, sur la scène d'un cinéma de Liège Au début du show, l'ambiance est plutôt bon enfant. Mais très vite, les choses prennent une autre tournure. Au lieu de rester assis, les jeunes de plus en plus électrisés, se lèvent de leur siège, se mettent à battre des pieds et menacent d'envahir le podium.

 

Le directeur de la salle prend peur pour ses beaux fauteuils et commet la gaffe de monter sur scène afin de calmer les jeunes trop bruyants.

 

Cette intervention inappropriée suscite la colère du public qui réclame qu'on le vire. Alors, j'ai vu Dave Davies décocher un magistral coup de pied au derrière du malheureux qui a disparu dans les coulisses. Finalement le concert se termine sans aucune casse.

 

Les Kinks à la Locomotive à Paris -© J.L. Rancurel

THE JIMI HENDRIX EXPERIENCE

Lorsque j'entends pour la première fois la version anglaise de Hey Joe, je suis subjugué par la voix sauvage du chanteur. Je me renseigne sur ce groupe qui se fait appeler The Jimi Hendrix Experience et j'apprends que le manager n'est autre que Chas Chandler, l'ancien bassiste des Animals, reconverti dans la production musicale. Le trio est constitué de Jimi Hendrix, chanteur et guitariste ainsi que de Noel Redding à la basse et de Mitch Mitchell à la batterie.

 

A l'époque, Jimi et son groupe sont quasiment inconnus. Johnny Halliday lui propose d'assurer la première partie de ses spectacles en France. Jimi accepte et se retrouve à l'Olympia le 18 octobre 66. La presse en parle mais pas assez. Mais moi je décide de faire un grand papier dans Rock & Folk avec Jimi en couverture.

 

Sur ces entrefaites, Hey Joe se classe rapidement dans les charts anglais. Une nouvelle tournée est prévue en France mais cette fois Jimi en sera la vedette.

 

Le 4 mars 1967, prévenu par Rikki Stein, j'arrive à Paris, plus précisément au Gibus, un club de Colombes situé dans la banlieue parisienne, pour participer à l'installation du matériel de Jimi.

 

Après m'être cassé le dos à transporter baffles et amplis, je demande à rencontrer Hendrix pour une interview. On me fait entrer dans une pièce reconvertie en loge. J'ai un peu la pétoche. Jimi est là, grand, mince, avec un regard étrange. Réellement, je suis impressionné.

 

Mais le grand noir me tend une main chaleureuse et me remercie pour le papier que je viens de publier sur lui dans Rock & Folk. Je suis sidéré ! C'est lui qui me dit merci ! Il ajoute : Tu es avec nous, tu fais ce qu'il te plaît. Tu viens sur scène, tu poses les questions que tu veux !. Incroyable, je suis admis au sein de la bande, au sein de l'Experience.

 

 
Jimi Hendrix JN Coghe
Jimi Hendrix à l'Olympia - © Jean-Louis Rancurel

 

 

Le deuxième concert de la soirée s'effectue dans l'enceinte d'une faculté de droit parisienne, devant un bon millier d'étudiants en tenue de soirée. Les Pretty Things sont également au programme. La violence du jeu musical du trio fait frissonner la salle. C'est vrai que ce n'est pas tous les jours qu'on assiste à pareil spectacle : un grand black aux cheveux frisés qui sue, transpire, bande, gueule et joue sauvagement de la guitare avec ses dents.

 

Vers six heures du matin, exténués, les musiciens et moi-même, retrouvons nos chambres d'hôtel respectives. Trois heures plus tard, le van est déjà prêt pour prendre la route en direction de la frontière . Prochaine étape : l'incontournable Twenty Club de Mouscron. Le concert doit avoir lieu à dix-sept heures.

 

Jimi Hendrix au Twenty Club

 

Vêtu d'une veste militaire et d'un costume de velours rouge, Jimi se donne sans retenue à sa musique et entreprend un show éblouissant, certainement le plus réussi de la tournée. Quelle ambiance !

 

 

 

 

 

Il faut dire aussi que les spectateurs de la région, gavés de concerts et de musique moderne, sont de fins connaisseurs.

 

La voix de Jimi est forte, colorée, magnifiquement nuancée. On le sent aussi à l'aise dans l'interprétation du rock que dans celle du blues. Cet envoûtant personnage domine totalement son instrument et lui arrache des sons effarants. Et puis quelle dextérité.

 

Après le show, Jimi me confie que pour lui, sa guitare tient l'importance et la place qu'une femme peut avoir chez d'autres. Il apprécie que je compare son jeu de scène instinctif à l'accomplissement de l'acte sexuel.

 

Le 9 octobre 1967, dans le cadre d'une tournée européenne, Jimi Hendrix et son groupe reviennent une nouvelle fois à l'Olympia. Je suis heureux de les retrouver. Je suis accueilli avec chaleur.

 

Coghe et l'Experience - ©Jean-Pierre Leloir

LA FIN DU TWENTY CLUB

DERNIER CONCERT AVEC LES YARDBIRDS

En juin 1967, le mythique Twenty Club de Mouscron ferme définitivement ses portes

et disparaît avec ses glorieux souvenirs.

Le dernier groupe à se produire sont les Yardbirds avec Jimmy Page en soliste.

Un nouveau club, le Piblokto anciennement appelé Ram Dam,

prend la relève à Dourges grâce aux efforts d'un ancien instituteur,

Albert Warin. Une page se tourne dans l'histoire du rock de la région.

 

Yardbirds Twenty Club

 

The Yardbirds avec Eric Clapton - Marquee Club à Londres

février 1965 (photo JN Coghe)

 

 

É P I L O G U E

Autant en emporte le rock est sorti en 2001. Toutefois, ce bouquin n'a atterri entre mes mains que cette année seulement. En temps que témoin et acteur privilégié du show business des années 60-70, j'ai pris énormément de plaisir à le lire. Car Jean-Noël relate de manière très imagée ses exceptionnelles rencontres avec le milieu des artistes rock. Il décrit avec autant d'humour ses coups de cœur comme ses coups de blues, ses intenses montées d'adrénaline comme les inévitables galères qui vont avec.

 

Coghe annees 60

Jean-Noël Coghe ©Patfraca/Sabam 2008

 

Les deux grands amours dans la vie de Jean-Noël sont sans conteste le rock et l'écriture. Il a choisi de mettre son talent de journaliste au service de l'un et de l'autre. Son admiration pour les musiciens et chanteurs de rock qu'il a rencontrés se ressent à chaque page et dans chaque chapitre. Trois cent pages d'Histoire, bourrées d'anecdotes, de faits et de descriptions passionnantes sur des dizaines de concerts. Un régal nostalgique pour ceux qui ont traversé cette époque, une cascade de découvertes pour les plus jeunes que les racines du rock interpellent. Mais Jean-Nöel est aussi un réaliste. Voici les dernières lignes de son ouvrage Autant en emporte le rock ( J.Jième octobre 2008)

 

 

INSOMNIES

 

Je suis assis à une table. Le Nagra posé. J'attends pour réaliser l'interview. Jimi Hendrix arrive. On se serre la main, on se parle... Et je me réveille. C'est idiot, un rêve, je ne peux plus interviewer Hendrix, il est mort.

 

J'entre dans la loge de Rory, il m'accueille avec chaleur, comme toujours, et je lui présente Lucie : « Elle travaille avec moi, pour le livre ! » Je me réveille en sursaut. Je ne peux pas lui présenter Lucie... Rory est mort.

 

La troisième nuit, Steve Marriott, moustachu, revêtu de son imperméable, raconte que Rory est en train de préparer un album qu'il va bientôt enregistrer. Tout se passe bien... Je me retourne dans mon lit. Ce n'est pas possible, Steve est... Je me recroqueville, me recale sur l'oreiller. Je referme les yeux et me laisse aller, pour rattraper le rêve.

 

 

Sources d'informations: Autant en emporte le rock/Jean-Noël Coghe/Castor Astral - Magazine Club des Années 60-N° 42/octobre 2005 /Ken Nicolas - Photos : Collection personnelle d'archives de Jean-Noël Coghe- Jean-Louis Rancurel - Erik Machielsen - Jean-Pierre Leloir - Patfraca.

 

 

 

PLUS D'INFOS

 

Les Sunlights : http://www.patfraca.com/spip.php?article175

Jean-Noël Coghe : http://www.patfraca.com/spip.php?article7

Twenty Club et Jimi Hendrix : http://www.patfraca.com/spip.php?article56

Jimi Hendrix : http://www.patfraca.com/spip.php?article39

Jimmy The Kid : http://www.patfraca.com/spip.php?article193

 

Textes et photos sous copyright