Les éditions anglaises Music Mentor Books rééditent un petit ouvrage essentiel, vraiment précurseur pour ce qui est de l'histoire du rock : The Big Beat Scene . Paru en 1961, il est dû au très prolifique écrivain britannique Royston Ellis, qui est connu à cette époque comme poète beat, mais en phase avec le milieu du rock and roll. Cela contrairement à ses homologues américains: on sait que l'univers beat, notamment californien, n'a rien à voir avec Elvis, mais plutôt avec Coltrane ou Miles Davis.
Ellis fait la connaissance de Cliff et des Shadows en 1959, lors d'une de ces formidables émissions live diffusées par Radio Luxembourg anglais, «the station of the stars». C'est avec Jet qu'il sympathise d'emblée, en parvenant ensuite, petit à petit, à vaincre la méfiance ou l'incompréhension de Cliff à son égard.
LE DÉBUT DE LA VAGUE
Cet essai de Royston Ellis aborde divers sujets liés aux jeunes. Il est question de James Dean, et de l'explosion du rock américain. Pour ces sujets, il est évident que The Big Beat Scene ne peut rien apporter, et est très rudimentaire par rapport à ce que nous savons en 2010. Mais on remarquera que six ans seulement après l'avènement du Rock and Roll, Ellis ne se livre pas à la réécriture de l'histoire, que tant de critiques rock imposent depuis très longtemps. Le rock and roll est arrivé au sommet des hit-parades, tant aux States qu'en Angleterre et ailleurs, par le succès assez éphémère (à ce niveau s'entend) mais immense de Bill Haley and his Comets. Cela dit avec toute la passion qu'inspire encore et toujours le King Elvis, qui l'a suivi et non précédé.
ROCK MADE IN UK
C'est avec ses témoignages sur le rock britannique que Royston Ellis se révèle le plus intéressant. Il a en effet assisté aux premières loges à cette saga, souvent injustement ignorée ou sous-estimée, voire méprisée bien à tort. Il s'en explique dans sa préface actuelle. Il précise que certains termes ont été censurés à l'époque, mais plus aujourd'hui: notamment quelques allusions homosexuelles.
Le premier chapitre raconte la vie de tournée d'un groupe anglais fictif: Tavy Tender and his Teensters, inspiré de toute évidence par des faits et anecdotes dont l'auteur a eu connaissance. Avec des descriptions «au cordeau» du concert, du public, des rapprochements après la prestation avec des fans féminines pas si coincées que cela avant l'époque des Swinging Sixties (mais c'est plus secret alors, et moins généralisé sans doute).
L'inconfort de cette vie d'errance, les promoteurs foireux... Mine de rien, le genre d'expérience que vivent alors nombre de futures superstars. Comme les Beatles, ou Jimmy Page avec Neil Christian et ses Crusaders...
Deux exemples parmi plein d'autres !
DU SKIFFLE AU ROCK
C'est à partir du chapitre 5 «The beat comes to Britain» qu'Ellis fournit son apport le plus remarquable. Certes, certaines choses sont assez connues: l'importance cruciale du skiffle et du leader de ce mouvement Lonnie Donegan.
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L'avènement de la vraie première rock star anglaise: Tommy Steele. On l'a assez oublié, mais il faut avouer que sa production sonne assez kitsch, datée aujourd'hui. Les Terry Dene, puis Marty Wilde, Billy Fury, et bien entendu le phénomène Cliff Richard et ses Drifters puis Shadows, n'ont aucune peine à le supplanter alors que Steele se détourne du rock pur.
En 1961, Ellis se souvient encore très bien d'un one-hit-wonder dont personne, plus personne ne parle aujourd'hui: Laurie London, qui obtient un tube immense en 1957 avec une version (plus ou moins) rock du spiritual He's Got The Whole World In His Hands . Ce qui est incroyable, c'est que ce titre atteint aussi la deuxième position en avril 58 au Billboard américain ! London s'est fait connaître peu avant par un show radio de la BBC, où il s'est fait accompagner par le Malcolm Mitchell Trio.
Mais ce qu'Ellis n'écrit pas, c'est que ce musicien voyageur Malcolm Mitchell semble bien être le vrai premier guitariste anglais à avoir importé une Fender Stratocaster en Albion. Cette information m'a été dévoilée par Hank Marvin lui-même, lors d'une interview à Bruxelles en mai 2005. Alors que pour tout le monde, la Fender a débarqué en Grande-Bretagne par les Shadows, avant tous les autres...
Ellis évoque les stars contemporaines comme Billy Fury, Marty Wilde, Cliff, les Shadows. Et les managers tireurs de ficelles...
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