STAGE SHOW
Très vite, notre photographe, doté d'une belle fibre artistique, qu'atteste son parcours professionnel, se rend compte qu'il a affaire à quelqu'un de spécial.
Ses premiers clichés présentent la future idole en répétition dans le studio 50 de CBS. Puis à l'hôtel Warwick, y compris...dans la salle de bains ! Fallait-il qu'il y croie, Wertheimer, pour prendre des photos d'un inconnu (de lui), dans des poses dont on doute qu'il ait pu les croire exploitables à l'époque. Un nez creux...
En tout cas, lorsqu'Elvis est en pleine action devant les caméras, la grâce, aveuglante, foudroyante, éclate comme un flash. Tupelo Mississippi Flash, pour citer un titre de Jerry Reed...
Par exemple (un parmi tant d'autres), cette photo double page p.42-43: la jambe en arrière, la main et labouche ouverte, comme en transe(s), ou traversé par un fluide mystérieux...Contagieux: DJ Fontana à la batterie, les deux bras en l'air.
Pas une pose, pas de «travail sur l'image» (ces termes qui devraient faire vomir tous les amoureux du rock and roll, voire de la Musique et des vrais artistes).
Élégant et encore sobre, certes; mais avec une force, une vérité artistique qui emporte, qui souffle comme un ouragan nouveau et inattendu.
Pour cette seule journée historique du 17 mars, notre photographe, manifestement sous le charme,appuie quatre cents fois sur le bouton ! À l'extérieur, alors qu'Elvis signe des autographes, Alfred se dresse sur une poubelle derrière «cette mer de cheveux», selon ses mots. Elvis chante ce jour-là Money Honey et Heartbreak Hotel.
1956
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Tout ce magnifique recueil ne contient que des photos noir et blanc d'Elvis, prises en 1956 lors de ses quelques journées historiques passées avec lui. Il en prend quelques-unes en couleur cette année-là, dont une qui fait la couverture du premier TV Guide du 8 septembre 1956 consacré à Elvis. Ce qui lui rapporte $250. Celles en couleur ne sont dues qu'à l'initiative de Wertheimer. RCA ne rembourse que de la pellicule noir et blanc, ne croyant pas à la durabilité du phénomène Elvis !
Lors de cette année cruciale, Alfred retrouve Elvis au Steve Allen Show le 29 juin (il y chante I Want You, I Need You, I Love You et, devant le clébard, Hound Dog), et le 30 juin pour un concert à Richmond.
C'est là qu'il immortalise un jeune Elvis se livrant à des jeux gentiment érotiques: des baisers juvéniles avec une fan, dans un mélange d'hilarité et de désir. Deux tourtereaux absents à tous ceux qui les entourent, comme tous les amoureux, aussi éphémères et ludiques soient-ils.
Une des spécialités d'Elvis étant par ailleurs, en pleine session photographique, de s'emparer d'un instrument quelconque (même...un accordéon, p.65), pour retrouver sa tranquillité tellement mise à mal en permanence.
Même si c'est pour d'heureuses raisons de succès triomphal ! Le système nerveux n'en a pas moins ses limites. En 1956, heureusement, Presley n'imagine pas du tout de les reculer indûment et artificiellement...
Le 2 juillet, séance d'enregistrement aujourd'hui légendaire: elle engendre Don't Be Cruel et Hound Dog.Sans colonel dans les parages, Wertheimer couvre la séance sous tous les angles.
Incroyables clichés du King, au plus intense exercice de son art, en gros plan devant le micro, ou se prenant la tête dans les mains...Des photos qui sont aussi des tableaux.
L'Artiste au travail. Un être différent. Un passeur. Non (non, et non), surtout pas un «produit» devant complaire par ses réalisations à un directeur artistique, qui doit rendre compte à un chef de produit... L'explosion du Rock and Roll jeune, et éternel, ici.
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