CLIFFHISTORY
ROBIN MORGAN AND AMY TURNER - Evans Mitchell Books
Formidable initiative de cet éditeur: mettre à la portée de (presque) toutes les bourses des livres remplis de photos rares de stars du rock, datant de diverses époques. Ce bon Cliff Richard fait ici l'objet des soins zélés des auteurs. De nombreux clichés de tous genres et toutes années, en noir et blanc et en couleur. Des portraits, des photos du chanteur dans ses films, en enregistrement à Abbey Road, et tant d'autres...
Deux exemples. Stupéfiant, ce portrait couleur inconnu (p.46) du jeune chanteur-guitariste, quand il demeurait encore chez ses parents à Cheshunt en 1958.
P.34 Dans les studios d'Abbey Road, une photo qui le symbolise: déchaîné, et dandy à la fois. La toute, toute grande classe. Un texte relate les grandes lignes de la fabuleuse carrière de l'artiste, mais ce sont ces clichés, remarquablement bien choisis, qui font tout l'intérêt de l'ouvrage
.De ses tout débuts en 1958 jusqu'à cette inoubliable, sensationnelle dernière réunion de Cliff et des mythiques Shadows, que beaucoup d'entre nous ont vécue avec joie, tous les aspects de cet artiste protéiforme - crooner alors que ces lignes sont écrites - sont exposés pour notre plus grand plaisir.
Beaucoup d'entre nous auront une préférence pour tout ce qui concerne son côté le plus rock, de préférence avec les Shadows. Dans les années cinquante et soixante bien sûr, mais aussi plus tard.
Un petit bémol: outre le texte un peu bâclé (mais qui ne constitue donc pas l'attrait de l'ouvrage), on aurait aimé des datations précises des photos. Mais il n'empêche: le vrai créateur (avec les Drifters puis Shadows en 1959) d'un rock anglais au style et au son spécifiquement britanniques se voit ici consacrer un hommage absolument magnifique, et digne de son exceptionnel talent.
CHRISTIAN NAUWELAERS
LE COIN DU SPÉCIALISTE
P.22 Cliff et Adam Faith en répétition du Royal Command Performance annuel: le 16 mai 1960.
P.27 Cliff avec sa mère qui prépare ses valises pour la tournée australienne (voir le tapis avec son effigie: on marche sur Cliff dans cette maison !): octobre 1961.
P.35 On précise à tort que cette photo correspond à l'enregistrement de Theme For A Dream, puisqu'on voit la partition et un bout du titre mis en boîte ce jour-là: I'll See You In My Dreams (le 4 mai 1961).
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P.40 Superbe photo couleur sur scène, apparemment 1959. Certainement pas 1962,Tony Meehan, présent sur cette image, ayant bien sûr laissé la place à Brian Bennett à la batterie !
P.41 Une énormité incompréhensible...Présenter «l'album original» du concert live à Kingston (du 7 mars 1962) comme une pièce de collection, et le plus grand disque live des années 60. Tous les fans savent que ce concert (fabuleux) est resté inédit jusqu'en 2002, l'année de la première édition officielle de ce show, en CD et en vinyl édition limitée !
P.42 Photo de Cliff avec la reine anglaise de la pop music Helen Shapiro et l'actrice Rita Tushingham: elle fut prise en février 1962 au Variety Club of Great Britain pour divers hommages rendus aux jeunes stars.
P.44 La fameuse rencontre informelle Cliff-Beatles de 1963 ne s'est pas produite en été, mais dans une party chez Bruce Welch, le 29 mars 1963. Drôles de rapports mi-figue mi-raisin entre l'idole et le jeune groupe qui monte alors à une vitesse vertigineuse. Rappelons que Bruce Welch a laissé gentiment l'usage de sa villa portugaise à McCartney, et que c'est à ce moment que ce dernier écrivit Yesterday en 1965.
P.57 Cliff avec lunettes, et Roger Moore qui le dessine ! Pas 1963. Plutôt 1965 ou 66.
P.59 Superbe photo couleur de Cliff pour un show de la BBC TV. Diffusé le 28 avril 1963.
P.63 Première triomphale de Summer Holiday à Londres: le 11 janvier 1963.
P.73 Cliff pour un show TV avec Liza Minnelli en juin 1964. Finalement diffusé le premier juillet après un report.
P.106-107 Cliff en Tarzan ! Show TV Cliff at the movies, diffusé le 21 septembre 1968.
P.142-143 Bruce, Cliff et Hank en couleur pour un des concerts de réunion à Wembley en juin 1989. Déjà un événement gigantesque,avec l'album (et la VHS !) Thank You Very Much.
P.168-169 En couleur au Golden Jubilee de la reine Elisabeth II le 3 juin 2002, avec Rod Stewart et Sir Paul McCartney ! Ce jour-là, Cliff chanta Move It avec Brian May à la guitare. |
CLIFF AND THE SHADOWS
THE FINAL REUNION Eagle Vision 2009
Un article de CHRISTIAN NAUWELAERS
THE YOUNG ONES POUR TOUJOURS
En 2008, on a commencé à célébrer le quinquennat de Sir Cliff Richard dans le show-business. Au coeur de cet anniversaire multiforme (album, tournée, biographie à succès), s'est imposée l'idée qu'une reformation finale du champion des hit-parades et de son groupe aussi séminal que mythique : les Shadows, devrait drainer les foules.
Le résultat a dépassé les prévisions les plus optimistes. Un succès éclatant, partout, qui a commencé le 19 septembre 2009 à Killarney, en Irlande. Il se prolonge encore en 2010, jusqu'en Afrique du Sud (en mars 2010), où ces stars déchaînaient des scènes d'adulation dignes de la Beatlemania dès mars 1961.
Même si certains continueront, encore et toujours, à évoquer sans rire, mais parfois avec des ricanements
totalement à côté de la plaque, le caractère strictement
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(prétendument et faussement) insulaire de la popularité de la plus grande star britannique du rock avant les Beatles. Et qui a réussi à demeurer une véritable idole, en empruntant de nombreux chemins de traverse sur lesquels on est libre de le suivre ou pas, au-delà des Shadows.
En ce qui concerne cette tournée d'anthologie, celles et ceux qui ont vu Cliff et les Shadows (comme votre serviteur, plus que ravi, à Forest National le 8 novembre), pourront revivre ces moments exceptionnels.
Et les absents, eux, auront un peu moins tort grâce à ce DVD indispensable The Final Reunion, un des trois shows de fin septembre 2009 à l'Arena 02 de Londres, devant quinze mille personnes. Un lieu où ils ne s'étaient jamais produits auparavant.
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UN DISCRET TRIOMPHE
Alors que l'année musicale 2009 aura été marquée par deux événements du type «blockbuster»: la mort de Michael Jackson, et les chutes du Niagara médiatiques qui ont suivi; et heureusement ensuite l'opération «999» autour des Beatles en septembre 2009, qui a montré la caractère indestructible voire éternel de leur influence et de leur gloire - on ne s'en plaindra pas - la réunion de Cliff et des Shadows s'est déroulée curieusement, quant au retentissement qu'elle a engendré.
Étonnamment, tout s'est passé, autour de cette tournée pourtant nostalgique, comme si les temps nouveaux de l'information se manifestaient pleinement ici, de manière aussi inattendue que paradoxale. |
Dans son ensemble, la presse musicale et généraliste chez nous n'a guère suivi; à quelques rares exceptions près. D'autre part, le chanteur et ses musiciens n'ont pas accepté la moindre interview en France ni en Belgique, en dépit des demandes.
Georges Lang était pourtant prêt à leur consacrer une émission spéciale sur RTL... No way ! Tout ou presque s'est fait par les vertus du bouche-à-oreille moderne, celui du tout-puissant Net. On a peu entendu leur album Reunited.
Quant au DVD dont question ici, il fait partie des meilleures ventes anglaises en 2009...Et lorsque je me suis rendu dans une très grande surface commerciale bruxelloise en décembre, tout le stock venait d'être vendu ! Arrivons-en au fait : qu'est-ce que cela donne, en dehors de toutes les considérations qui précèdent ?
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LE SHOW
Le DVD recèle cent trente-sept minutes de pur bonheur. Quelques propos de Bruce Welch, Hank Marvin, Brian Bennett puis Cliff (chacun séparément). Cette équipe est celle qui s'est retrouvée une première fois, sans Cliff à ce moment, en mai 1977 pour une tournée à succès.
Pour cette cavalcade, les Shadows sont accompagnés par le bassiste Mark Griffiths, un compagnon de Cliff dès les années 80 (au départ un guitariste soliste, venu à la basse lorsqu'il a découvert le poignant album de Marvin
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Gaye What's Goin' On !), Warren Bennett (le fils de Brian) aux claviers ou à la guitare, et un jeunot: Keith Hayman aux claviers.
Ce dernier est devenu le chef d'orchestre et arrangeur de Cliff en 1996.
On bénéficie aussi de scènes de répétition en bonus. La présentation de ce concert est réalisée avec goût, avec cette grande guitare que l'on voit posée à plat sur notre écran, au début, dans une perspective qui fait ressembler le manche à une autoroute ! L'avant-bras de Cliff apparaît, dans son écrin rose (sa veste de rock and roller qu'il est pleinement redevenu), occupé à arranger ses chaussures. Une petite touche presque fétichiste, sur un riff de guitare obsédant qui fait monter la tension comme un divin levain musical...
À Forest, même topo (cette intro); dès les premières secondes la foule a SU qu'il se passerait vraiment quelque chose de spécial, d'unique.
La chair de poule... |
WE SAY YEAH !
Et contrairement à ce qu'on imaginait, Cliff et les Shadows - rompant avec les habitudes de l'époque - déboulent ensemble dès le premier titre. Un We Say Yeah, qui ressemble à un rugissant salut de nos amis à des hordes conquises d'avance. Pas de «Salut les copains !», on s'en doute... Celui que l'on a entendu crié par Cliff, à Paris et à Bruxelles ! Côté look, tout est parfait. Cliff reste toujours un «rock and roll juvenile», un Dorian Gray en veste rose, comme le maître Elvis à Memphis en 1955, avec un pantalon noir et une cravate à paillettes.
Flashy sans franchir la ligne rouge de l'«over the top», de l'excessif qui plomberait son effet. Les Shadows restent aussi élégants que jamais. Hank et sa Fender Stratocaster rouge, qui demeure un symbole premier de l'explosion européenne de la guitare électrique en Europe, à partir de 1960 et Apache.
Il a neigé sur la chevelure toujours aussi drue et touffue d'un Bruce plus souriant que jamais.
De celui à qui les jeunes filles trouvaient jadis une certaine ressemblance avec Kirk Douglas, il émane toujours un charme ravageur, et une grande énergie.
Dès le second morceau In The Country, les choeurs des Shadows, qui donnent la réplique à Cliff, rappellent à quel point ils ont toujours été un groupe VOCAL hors pair, un peu victime de la manie des étiquettes dont le monde médiatique ne s'est jamais départi, ni alors ni aujourd'hui. Quand cessera-t-on d'évoquer purement et simplement, pour solde de tout compte (réducteur) «le groupe instrumental des Shadows» ?
On fond littéralement ensuite, à l'écoute de l'intro de Hank, si vibrante et mélodieuse, pour le slow A Voice In The Wilderness. On a dit à juste titre qu'Hank Marvin est l'homme qui fait chanter sa guitare. On s'en aperçoit à maintes reprises lors de ce concert. La voix de Cliff est chaude, bien timbrée et capable de rafales d'énergie lorsque le rock and roll interprété s'y prête, ou l'exige. Il est impeccable, parfait.
Le spectacle compte quatre parties; Cliff et le groupe, les Shadows seuls, puis à nouveau le chanteur, suivi de ses accompagnateurs autonomes, avant un épilogue final qui réunit bien évidemment tout le monde.
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Dans ce premier set, Cliff rappelle qu'il a dû attendre son cinquième 45 tours Living Doll pour obtenir son premier numéro un, qu'il chante dans la foulée. Un très bon point: le show n'est pas conçu d'une manière linéaire et trop prévisible; on assiste avec grand plaisir à des téléscopages chronologiques.
On avance et on recule dans le temps, comme les doigts d'un guitariste le long du manche.
Après Dancin' Shoes, un titre assez inattendu: ce I'm The Lonely One de 1964, un rock qui n'a pas connu les plus hautes places des charts en pleine Beatlemania, mais que l'artiste présente comme un de ses favoris.
Une surprise, avec Cliff...accompagnant le solo de Hank avec un scat aussi inattendu que brillant ! Un des plus grands moments de ces deux heures qu'on qualifierait presque d'extatiques... Une vraie cerise sur le gâteau. Un clou du spectacle.
L'intro du fameux A Girl Like You n'est pas chantée de manière aussi juvénile que jadis, mais cela passe remarquablement, grâce à sa voix de miel plus adulte. Cliff a des intonations plus modernes, un peu (très très légèrement) «chevrotantes», sans nuance péjorative aucune.
Le contrepoint de Hank est de toute beauté, avec cette guitare qui miaule joyeusement et subtilement, et qui souligne les vocalises de Cliff avec une précision d'horloger.
Et la première partie se termine avec un de leurs morceaux de bravoure depuis toujours: leur version définitive, jamais dépassée de Do You Want To Dance, avec l'introduction imparable de Brian aux drums, et ce solo volcanique, alors que Cliff se lâche, et se déchaîne en ne faisant qu'un avec ses accompagnateurs.
Le TOUCHER de Hank fait encore et toujours toute la différence, et le rend parfaitement irremplaçable, en dépit de ses innombrables imitateurs.
Fin du premier acte donc, et déjà une constatation. «Ça le fait», comme disent nos amis français, lorsqu'ils sont heureux comme votre serviteur, dans de telles (rares) occasions.
Cliff Richard et les Shadows écartent les murs ! |
SHADOWS (...TO THE FORE )
Le premier passage instrumental sera du même (haut, très haut...) niveau. Shadoogie (et un Shadows Walk au cordeau !), Dance On, etc.
Pour Wonderful Land, Hank explique que cet autre mégatube, après Apache, n'est sorti qu'après l'ajout de toute une partie orchestrale par Norrie Paramor, quelques mois après l'enregistrement de la piste initiale. Elle ne satisfaisait pas nos Anglais perfectionnistes et pros jusqu'au bout des ongles, ou de la baguette ou du médiator, selon le cas.
Lors du frénétique The Savage, on peut goûter l'un ou |
l'autre glissando de surf sauvage (un genre californien à l'origine, qu'ils n'ont pas bien connu). Et si on regrette un peu l'absence de Jet Harris - fait membre de l'Empire britannique fin décembre 2009 !- ou de Brian Locking à la basse, on ne peut qu'admettre que Mark Griffiths n'a absolument rien à envier à ses devanciers question talent. Il les vaut largement. The right man at the right place, discret et très peu visible, mais diablement efficace.
Sleepwalk, de Santo and Johnny, était la toute première pure ballade instrumentale jamais jouée sur scène par eux, comme le rappelle Hank en introduction. |
HIGH CLASS CLIFF
Un véritable choc, pour le retour du chanteur: ce rock and roll de 1958, qu'il trouvait autrefois parfaitement raté après Move It : High Class Baby, inaugure la troisième partie !
Avec une veste noire, et une cravate noire à paillettes, il le chante tel qu'il l'aurait voulu pour le 45 tours d'époque, une catastrophe d'après lui.
Sur un rythme un poil moins rapide, et d'autant plus syncopé; avec ce piano qui aurait dû figurer dans l'enregistrement originel, selon les voeux du regretté Ian Samwell, auteur-compositeur de ce rock pourtant de belle facture.
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Ce (faux) «vilain petit canard» est donc réhabilité avec une maestria sensationnelle.
Un acmé de vrai et pur rock and roll, celui qui prend aux tripes. Un autre point culminant, pour tout fan de cette musique.
Les harmonies vocales de I Could Easily Fall (In Love With You) et les poses chorégraphiques étudiées de Willie and the Hand Jive (Bruce, Hank et Cliff), avec ce Sea Cruise de 2009 jamais enregistré à l'époque prouvent à nouveau l'incroyable versatilité, la richesse musicale surabondante de nos maîtres, qui évoluent avec une forme éblouissante.
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RETOUR EN ROCK
Après trente minutes d'entracte, retour de Cliff pour la suite de ce set vocal. Il arbore une chemise bigarrée, Hank porte une chemise grise (pas un hommage à...Patrick Topaloff !), et Bruce a tombé la veste, qui couvrait une chemise blanche.
C'mon Everybody de Cochran est suivi d'un de ses plus magnifiques morceaux de bravoure. Un autre rock and roll torride et pétaradant, vaguement menaçant aussi, dû au regretté Ian Samwell, si indispensable pour le démarrage de sa carrière: Dynamite !
Puis, Lucky Lips précède un beau Travelin' Light, avec Cliff s'emparant d'une guitare sèche. C'est la séquence «unplugged», mais le chanteur se hâte de préciser que si c'était un «unplugged» total, on n'entendrait plus rien ! Les Shadows assurent les choeurs, ce qui à mon sens embellit encore ce tube, joli et un peu minimaliste en 1959.
Petit bond dans le temps avec une de leurs plus remarquables réussites, un air «catchy», entêtant et irrésistible, qui prouve encore l'immense talent vocal (...aussi !) de nos Shadows: Time Drags By, avec une partie d'harmonica de Warren Bennett.
Puis vient un hommage de la star britannique à sa grande inspiration, «the one and only King», des mots qui prennent une résonance particulière après le décès surmédiatisé, en 2009, d'un artiste surnommé abusivement «King» (of pop).
Et All Shook Up n'a rien à voir avec la version sensuelle et enjouée à la fois du vrai King Presley... En acoustique, dans un registre sensible et laidback. All Shook Up vraiment ? Eh bien oui, nous le sommes aussi, avec un frisson de plus sur nos échines... |
Cette belle séquence vocale (scindée en deux par l'entracte) se termine par un de ses plus gros tubes, Please Don't Tease, avec le rappel par Cliff d'une anecdote connue : c'est un 45 tours qui était un choix des fans, trop heureux (et heureuses) de débouler dans un auditorium d'EMI pour écouter les nouvelles productions (1960) des rois du rock anglais, et décider du prochain single.
Please Don't Tease se révéla le bon numéro...Un en l'occurrence ! Il faut écouter le peuple !
THE SHADOWS SONGBOOK
Courte séquence instrumentale, avec l'inévitable Apache (qui délogea Please Don't Tease de la première place des charts anglais !), Foot tapper ajouté en dernière minute à la BO du film Summer Holiday, Atlantis (un peu dans la veine stylistique de Wonderful Land), et un très galvanisant Kon Tiki avec un Shadows Walk impeccable et homologué ! |
UNE FIN EN APOTHÉOSE
Rapide retour du souriant toujours sex symbol, sans que cet aspect des choses ait jamais constitué sa priorité première, de son propre aveu; ce qui m'autorise à l'écrire ici.
Tout de blanc vêtu, mais avec une chemise un peu bizarre (vaguement ocre... peu importe), il nous livre un I Love You avec des synthés un peu envahissants.
On reste dans le registre ultraromantique avec le slow aussi langoureux que mélancolique The Next Time, le côté crooner lui convenant mieux en 1962 que lorsqu'il reprenait des standards à ses tout débuts, comme sur l'album Cliff Sings.
Hank change de son, comme à l'époque, en empoignant une Burns noire pour l'excellent Don't Talk To Him, suivi du très enlevé On The Beach...Et sur la beach on voit quoi ? Des bachelor boys (je sais c'est facile); on n'échappe pas à Bachelor Boy. Auquel succède un petit laïus particulièrement réjouissant de ce bon Cliff.
Il nous dit en substance que si des ballades comme Living Doll, The Next Time et autres ont été de gros succès dont on se souvient...«PEOPLE TEND TO FORGET THAT WE WERE A ROCK AND ROLL BAND» !
Ovations tonitruantes alors (comme à Bruxelles), qui saluent l'attaque sauvage et sans merci de Brian et Hank; ensemble, soudés l'un à l'autre par leur son qui crépite, ils lancent des éclairs en introduction de NineTimes Out Of Ten, une autre perle, un joyau absolu
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de leur répertoire de rock and rollers. Avec un solo de guitare créatif (la Fender à nouveau), différent de celui de l'original, déjà dû bien sûr à Hank. Et Cliff plus à l'aise que jamais.
Autre rock and roll, un très bon It'll Be Me, qui ne doit rien stylistiquement à la création originelle d'un autre King, Jerry Lee Lewis,chez Sun. On aurait été heureux d'entendre Cliff rendre un petit hommage à Jerry Lee et Eddie, mais cette éventuelle lacune est vraiment vénielle.
Suit un Visions que l'on n'attendait pas, qui a probablement remplacé un des titres favoris de Cliff Richard: The Day I Met Marie, étrangement absent.
La fin est proche: Cliff nous présente un morceau qu'il prétend avoir toujours chanté depuis sa création en 1958... Move It ! (Il existe l'un ou l'autre show ancien de Cliff et les boys sans Move It...). Curieux de penser qu'aucun des vétérans avec lesquels l'osmose est totale, pour ce premier titre officiel, ne figure sur l'enregistrement original de ce classique !
Une «appropriation» réalisée avec maestria depuis des lustres par les Shadows, avec un Hank qui n'a aucune difficulté pour retrouver l'inspiration d'Ernie Shear, le guitariste de session écossais méconnu qui a contribué puissamment au succès du vrai «premier rock and roll anglais». Sans que tout le monde le sache nécessairement encore...
Le choix de la fin du spectacle haut en couleur, voire Technicolor, ne pouvait être que l'illustration d'une évidence aveuglante. Celle que nos héros et hérauts du rock and roll- un rock and roll retravaillé à leur brillantissime manière - ne cessent de nous démontrer à l'envi.
Ils étaient et sont...THE YOUNG ONES.
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ÉPILOGUE
Rien n'étant absolument parfait en ce bas monde, on pourra toujours s'étonner de la disparition de telle ou telle merveille chérie par les amateurs.
Si UN titre manque à la fête, c'est à mon avis le hiératique et inspiré Man Of Mystery, les Shadows à leur sommet absolu, qu'ils n'avaient pas oublié dans leur tournée (déjà finale !) de 2004-2005.
Le tout premier enregistrement nocturne à Abbey Road en 1960, à leur demande, pour obtenir une atmosphère bien spécifique; à cet effet ils ont combattu victorieusement les codes et usages rigides de la maison EMI, pulvérisés à jamais lorsque les Beatles y vinrent éjecter l'ordre bureaucratique ancien.
Voilà donc un hit de superbe facture qui eût en outre permis une petite explication intéressante sur scène...
Mystère, c'est le cas de le(ur) dire ! Et il est certain que certaines chansons des (ou plutôt par les) Shadows auraient pu encore plus nous faire goûter si fort leur dons exceptionnels pour le chant à l'unisson, qui les rend égaux aux plus grands spécialistes américains du genre. Comme Little Bitty Tear ou encore Don't Make My Baby Blue, des chansons qui furent transcendées par eux naguère, en des temps où presque tous les spots étaient braqués en permanence sur les Beatles, Stones, Dylan et les autres.
On a du coup un peu ignoré ou perdu de vue (ou d'oreille !) ces trésors cachés. Et beaucoup sous-estiment les Shadows finalement... A contrario, on approuve sans réserve l'option «sixties toutes», et fifties, du concept «Final Reunion».
Les Shadows n'ont interprété aucun de leurs succès de la fin des années 70 (ni le Let Me Be The One d'assez triste mémoire de l'Eurovision 1975...).
Cliff a pleinement joué le jeu «50's-60's»,sans allusion à ses convictions religieuses fortes.
Musicalement, il s'agit d'un ensemble à la fois très varié, mais aussi homogène et cohérent.
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Sur votre site, on braquera un peu plus tard un petit coup de projecteur sur la plupart des madeleines de Proust citées tout au long de cette chronique, et si bien recréées à Londres comme en témoigne ce DVD; ainsi qu'à tous leurs rendez-vous avec les fans.
Cliff et les Shadows réussissent, bien au-delà de la trop convenue et prévisible nostalgie (et de son industrie), à réveiller en nous quelque chose d'intime, et d'infiniment plus précieux. La vraie raison du triomphe de cette entreprise: ils raniment de mille feux notre mémoire émotionnelle. Un grand frisson VRAI et irremplaçable, intime et en communion à la fois.
La quête du Graal, pour une fois comblée, de l'amoureux (et amoureuse) de musique.
Tel est leur talent hors norme, toujours mis par eux à l'épreuve des répétitions. La quête de l'excellence les accompagne encore aujourd'hui. Comme nous tous, nos modernes paladins électriques Cliff et les Shads, doivent chevaucher un cheval sur lequel nous traversons la vie: il s'appelle le Temps.
Mais alors que notre monture n'en fait qu'à sa tête, se cabre, rue dans les brancards et nous fait parfois tomber jusqu'à la chute finale, eux semblent avoir maté leur destrier.
Ils ont traversé les décennies avec une grâce bluffante et époustouflante.
Profitons-en sans modération, en souhaitant que la fête continue !
Cliff le dit, dans la nouvelle version de son autobiographie My Life My Way, qui prend en compte cette aventure: «probably» the last time... Ne jamais dire jamais quoi !
On les attend...«CONSTANTLY» !
Lire : Le concert de Cliff à Forest-National le 8 novembre 2009 à Bruxelles.
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C O N C E R T S - R O C K |
CLIFF RICHARD AND THE SHADOWS
À BRUXELLES - 8 NOVEMBRE 2009
Un article de CHRISTIAN NAUWELAERS
Photo Van Hecke
La reformation, annoncée comme «finale», de l'éternel Cliff Richard et de ses légendaires Shadows, pour une tournée s'étendant de septembre 2009 à mars 2010, a fait l'objet d'immenses attentes. Pas seulement parmi le très imposant noyau des fans spécifiques de ces grands prêtres du pur rock and roll, et d'une pop music pleine de classe et de charme. Soit une situation redoutablement propice au surgissement...d'une déception à la hauteur (inversée) du rêve. |
Beaucoup se sont probablement rendus à Forest National, ce dimanche 8 novembre, avec au coeur (de rocker) un espoir énorme, et une petite crainte. Celle d'un show qui trahirait un tant soit peu, voire beaucoup, les souvenirs éblouissants et innombrables que laissent ces musiciens d'exception à tous ceux qui appartiennent à ce qu'on peut appeler «la génération Elvis». Par l'âge, celui des baby boomers, ou la sensibilité.
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RÊVE ET RÉALITÉ
Ce show a été une telle réussite parfaite qu'ici, le rêve s'est bel et bien confondu avec la réalité. Le pari fou a été gagné: Cliff et les Shadows sont bel et bien restés égaux à eux-mêmes. C'est rare, si rare... Une ovation... On a entendu un vibrant «Salut les Copains» (Cliff).
Dès le tout premier morceau, We Say Yeah, avec un Cliff en veste rose comme en 1958, les Shadows en parangons d'une élégance bien anglaise, discrète mais imparable, on a senti que l'affaire allait être dans le sac, le contrat rempli et les bonus de joie profonde accordés à tout le public. À commencer par l'auteur de ces lignes, qui dans cinquante ans risque d'encore empoisonner son prochain en clamant d'une voix chevrotante: «J'y étais !»
Sérieusement, j'ai assisté à des centaines de concerts, de rock principalement. Il figure dans mes trois plus beaux de tous les temps. Mais cela dit : non, je n'ai jamais vu Elvis, Gene Vincent, Buddy Holly ou Eddie Cochran... Ni les Animals au faîte de leur gloire. L'acoustique n'a pas donné de signes de faiblesse, là où j'étais placé du moins. Pourtant, Forest National est un bunker qui peut être traître à ce point de vue... ou d'audition ! La meilleure salle bruxelloise étant le Cirque royal, bien trop petit pour de telles légendes.
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Tous les écueils possibles ont été évités: un panorama de toutes les décennies, souvent proposé par Cliff mais sans les Shadows. Ce n'était pas le propos ici, et nos artistes l'ont compris. De 1958 à 1966, tout fut cadré. Quant aux passages de la deuxième époque de gloire des Shadows : la seconde moitié des années 70, infiniment moins passionnante quant à leur production discographique-rien, zappée aussi ! Pas de sermons et prêches de Cliff, dont il faut respecter la foi. Mais c'est un mélange des genres (dont un Johnny Cash a parfois pu abuser aussi) assez indigeste.
«RAS» : Cliff est tout simplement (presque) redevenu une jeune idole, qui a fait mentir avec une aisance souriante sa situation de presque...septuagénaire, eh oui.
Enfin, une trop grande linéarité chronologique du spectacle eût pu être un peu trop prévisible. «Ah ! Maintenant il va chanter ça!», diraient les connaisseurs de sa carrière.
Perdu ! Bien plus malins, ils ont laissé joyeusement se téléscoper les périodes et les styles de leurs chansons, les glorieuses et celles moins connues, en un joyeux et inspiré «shaker» (baby, shaker - je sais c'est facile).
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Photo Van Hecke
Et les Shadows allaient fatalement arpenter la scène seuls d'abord, comme au bon vieux temps, avec le Shadows Walk pour chauffer encore plus la foule au début du show (chaud, chaud) ... Si vous pensiez cela, vous vous êtes fourré le doigt dans l'oeil, chers lecteurs, comme le capitaine Haddock...Le mien (l'oeil !) me fait encore mal !
C'est donc Cliff qui déboula d'emblée, avec ce We Say Yeah suivi d'un très différent In The Country... le titre le moins ancien de toute la soirée (fin 1966) ! Il a mis à l'honneur les si grandes qualités VOCALES de nos Shads, qui ont fourni un choeur à l'unisson parfait au leader aimé. Une superstar qui a toujours gardé un esprit de corps, d'amitié, à l'exact opposé des innombrables tyranneaux du show-biz. Gee Whiz It's You nous a ramenés à 1960, et à la création d'un véritable «son» anglais; ce dont ne se sont jamais rendu compte les nigauds qui continuent d'écrire sur cette période du rock anglais comme si c'était une époque d'imitation pure, sans originalité ni vrai talent personnel. Rien n'est plus faux, en tout cas avec des gens comme Cliff Richard et ses Shadows, et autres Billy Fury, Johnny Kidd and the Pirates et d'autres encore. Le côté «à l'unisson» est particulièrement irrésistible en général.
Quelques morceaux plus tard (dont un premier set instrumental - tout de même ! - des Shads), leur lecture du hit éthéré et envoûtant Travelin' Light a été tout à fait différente, avec les choeurs donnant une autre dimension à cet incontournable de leur répertoire; suivi d'un Time Drags By parmi les meilleurs de toute leur carrière, passé la période de pur rock and roll. |
Non, mille fois non: la créativité et la qualité de cette congrégation de perfectionnistes qu'ils ont toujours été ne s'est absolument pas arrêtée avec le déclenchement du raz-de-marée des groupes, en 1963. Il est parfaitement possible d'adorer des Beatles et des Stones, des Kinks et des Them...ET nos héros du jour, aussi différents que complémentaires de ceux-là. Sans oublier le Grand Inspirateur, «le seul vrai King» comme le précisa Cliff- oui, c'est une allusion évidente et pertinente - juste avant un très, très beau All Shook Up, toujours en acoustique et avec les Shadows.
Je ne vais pas m'étendre sur toutes ces merveilles qui nous ont ravi(e)s le 8 novembre (et le 7 novembre au Palais des Congrès à Paris, selon des échos dignes de foi; et partout ailleurs). Ce show est le même que celui de Londres, fin septembre, disponible sur le DVD. The Final Reunion, un best-seller. Vous pouvez en trouver une critique très détaillée dans la rubrique DVD de votre site. |
Covers -Collection André Bette |
On conclura en insistant encore sur la classe absolue, le raffinement, le charme, et aussi le potentiel explosif d'une nostalgie active et triomphante, pleine de liesse et de célébration plutôt que défaitiste et amère, dans ce moment d'anthologie. Et tout cela sans préjudice d'une énergie intacte, qui coule comme la lave brûlante au flanc du volcan, avec la Fender Strato rouge et (moins souvent) la Burns noire de Hank, un mythe égal à Cliff.
Sans oublier le rythme diabolique, le jeu «au cordeau» d'un Brian Bennett moins glamour, moins sauvage que certains grands batteurs flamboyants, ou parfois outrés et pénibles (les lamentables «enclumeurs», pas de noms) de l'histoire du rock.
Mais si on prête un peu attention, Bennett est lui aussi un très, très grand maître. Un orfèvre de la batterie (en plus d'un fameux et prolifique compositeur). Sans oublier l'impeccable bassiste Mark Griffiths.
Toute l'assistance est repartie sur un nuage; notamment notre ami Paul Coerten, le photographe émérite du rock. Eh bien, Cliff et vous les Shadows : sans sympathie particulière pour l'Eurovision, on ne peut que vous dire: CONGRATULATIONS !
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TITRES FOREST NATIONAL - 8 NOVEMBRE 2009
CLIFF AND THE SHADOWS : We Say Yeah - In The Country - Gee Whiz It's You - A Voice In The Wilderness - Living Doll - Dancing Shoes - I'm The Lonely One - A Girl Like You - Do You Want To Dance
THE SHADOWS : Shadoogie - Dance On - Wonderful Land - The Savage - Sleepwalk
CLIFF AND SHADOWS : High Class Baby - I Could Easily Fall (In Love With You) - Willie and The Hand Jive - Sea Cruise - C'mon Everybody - Dynamite - Lucky Lips - Travelin' Light - Time Drags By - All Shook Up - Please Don't Tease
THE SHADOWS : Apache - Foot tapper - Atlantis - FBI
CLIFF AND THE SHADOWS : I Love You - The Next Time - Don't Talk To Him - On The Beach - (Trait d'humour involontaire ou non ? Les quatre précédentes se traduisent par: «Je t'aime. La prochaine fois, ne lui parle pas sur la plage.» Oui, c'est pathétique, je sais.) Summer Holiday - Bachelor Boy - Nine Times Out Of Ten - It'll Be Me - Visions - Move It - Singing The Blues - The Young Ones.
(Pochettes-collection Stephan Koenig) |
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