Jean-Noël Coghe (*): Le lendemain dimanche en fin d'après-midi, au bar de l'hôtel, Dave, Hilton, John et Chas jouent aux cartes. Nous apercevant, ils sourient, mais leurs traits sont tirés.
Eric descend de sa chambre, son sac à la main. Les autres s'éparpillent. Peu après, tout le monde est dans le hall. Nous pouvons partir. Il pleut de nouveau.
Abordant la périphérie d'Anvers, nous évoquons le problème linguistique qui divise la Belgique. À Charleroi, le public se composait de jeunes Wallons en partie sous influence française. Ce soir Die Gouden Micro se déroule en Flandres, et concerne une audience plus ouverte à la culture anglo-américaine. Les voitures s'arrêtent devant l'hôtel où le directeur demande aux musiciens de signer le Livre d'or.
Anvers - Gouden Micro
Vers 22 heures, un ami de Jean Vanloo, M. Romeyns, correspondant du Cashbox (la célèbre revue professionnelle américaine), vient nous chercher. « Au Palais des sports, ils sont près de 10 000 à attendre », annonce-t-il.
Dès que nous pénétrons dans l'enceinte, les musiciens sont assaillis par des photographes, radio-reporters, journalistes qui les suivent dans leur loge. Eric, Chas et John répondent aux questions des trois radio-reporters. Dans un coin, Dave - fanatique de la photo - discute matériel avec un journaliste. Plus loin, Hilton et Roger Fennings s'accordent et jouent de la guitare. Au milieu de cette pagaille, Alex cherche désespérément un tournevis.
Il est temps. Chacun sort de la loge. De la salle, nous parviennent des cris, des milliers de cris. Impressionnant. Les musiciens gravissent le petit escalier pour atteindre le podium. Je les suis. De puissants projecteurs balayent la scène et nous aveuglent. Devant nous, un trou noir, immense, d'où jaillissent tous ces cris... J'ai le vertige.
I'm Crying. C'est parti. Jean Vanloo est derrière moi, heureux. Cette tournée est une réussite. Les Animals entament The House of the Rising Sun, et j'éprouve, comme lors de la première écoute de ce disque, cette même sensation de fascination... Je suis de nouveau parcouru de frissons.
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À l'issue du show, règne un certain flottement. Descendus de scène, tous se précipitent dans les voitures. Le véhicule qui doit nous guider pour la traversée d'Anvers n'est pas là. Tant pis, on démarre. Nous regagnons l'hôtel et chacun se retire dans sa chambre. Puis, en ordre dispersé, ils nous rejoignent au bar. Il est près d'une heure du matin.
Jean Vanloo n'est pas encore revenu du Palais des sports. Affalés dans de profonds fauteuils, nous discutons. Fatigués, vannés. Dave trouve la force de nous faire rire. Il tend la jambe gauche, la secoue, provoque un cliquetis étrange. John Steel attrape le fou rire. Il le communique à tous, même au maître d'hôtel qui ignore pourtant les raisons de notre hilarité.
Vanloo et Alex sont là. Ils se retirent pour solder les comptes. Patrick et Didier, les apprentis roadies, partent pour Bruxelles avec le chauffeur, pour déposer le matériel au fret de l'aéroport.
On prend une nouvelle consommation. Le maître d'hôtel en profite pour se faire dédicacer une photo. Eric lui offre un verre.
Alex, Jean et Roger reviennent. Nouvelle tournée.
Il se fait tard. Le maître d'hôtel refuse de nous servir. Il n'accepte pas que l'on serve à de bons clients de la bière qui ne soit pas fraîche. Aurions-nous déjà liquidé toute la réserve de bière ? Finalement, on se fait une raison. Cette tournée s'achève. Tout le monde se lève, se salue, se remercie, échange des adresses, de nombreuses poignées de main, le cœur gros.
Nous nous reverrons un jour, n'est-ce pas ?
Lire bio de Jean-Noël Coghe
(*) Autant en emporte le rock - page 59 à 61– Édition Castor Astral |