RAYMOND VAN THOURNOUT
COLLECTIONNEUR - CHERCHEUR - HISTORIEN.
LA PASSION DES ANCIENNES SALLES DE CINÉMA.
« Dans mes recherches sur l’histoire des salles de cinéma de Bruxelles,
ma récompense fut d’ouvrir de nouvelles pistes et de mettre au jour
d’anciens documents considérés comme perdus. »
Série d'entretiens réalisés en janvier et février 2021 avec le concours de Raymond Van Thournout
Rédactionnel et mise en page : Jean Jieme.
LE COLLECTIONNEUR
Adolescent des sixties et déjà fervent fan de cinéma, Raymond Van Thournout, avec le peu d’argent de poche qu’il perçoit, se limite à un film par semaine.
S’il privilégie l’Eldorado, le Marivaux, l’Apollo et le Victory c’est parce qu’on y joue les westerns, polars, comédies musicales et films de science-fiction qu’il affectionne, sans oublier les séries B horrifiques, produites par la Hammer. Souvent, le choix est douloureux, quel titre sélectionner parmi la cascade de sorties ?
Raymond commence par collectionner les programmes ainsi que les tickets des salles de cinéma qu’il a visitées. Lorsqu’il accède au marché du travail, il devient enfin autonome financièrement, libre d’aller au cinéma, quand ça lui chante. En 1974, lors du 1er Festival du Film de Bruxelles organisé au Passage 44, il engloutit quatorze films d’affilée. Il récidivera.
Au début, sa collection est hétéroclite. Il accumule les photos, affiches et programmes qu’il déniche en brocantes et dans les librairies de seconde main. Parallèlement, il rédige des fiches recopiées à partir de journaux et magazines qui l’aident à compléter la filmographie des acteurs. (1)
Il y mentionne le nom du réalisateur, des acteurs ainsi que la liste des professionnels qui constituent l’équipe technique.
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En 1967, Raymond déménage de son appartement trop étroit de Saint-Josse-ten-Noode et jette son dévolu sur le quartier de la rue Royale, centre névralgique des maisons de distribution des grandes compagnies américaines et françaises.
Au cours d’une balade matinale, il découvre sur le trottoir du matériel publicitaire, devenu encombrant après exploitation. Les paquets sont ficelés, destinés à la collecte de la voirie, il n’y a qu’à se servir, une manne inespérée pour un collectionneur.
Désormais, il prendra le pli de se déplacer dans le périmètre des majors, une serviette sous le bras.
1. Chaque semaine, le magazine Ciné Revue éditait la filmographie complète d’un acteur ou d’une actrice. Cette rubrique s’intitulait : « La vedette de la semaine. » Elle mentionnait l’année de sortie de chaque film, le ou la partenaire du premier rôle et le titre original pour les artistes étrangers. |
Collection : R.Van Thournout
LE CHERCHEUR
Raymond est parmi les premiers à répondre à l’annonce diffusée par Éric Vauthier, fondateur et directeur de la Rétine de plateau (2).
Ce projet d’inventaire des salles de cinéma de Bruxelles tombe à pic, car l’homme cherche à se diversifier.
Après les acteurs et les films, il se verrait bien effectuer des recherches orientées vers les temples du 7ème Art, ces lieux mythiques qui, durant plus d’un demi-siècle, contribuèrent à la richesse architecturale et culturelle du patrimoine de la capitale.
« J’ai estimé que je pouvais apporter ma pierre à l’édifice. En intégrant l’équipe d’Eric Vauthier j’ai mis à sa disposition ma collection de programmes, photos, cartes postales, notes et fiches. »
2. Eric Vauthier : On lui doit notamment : Les Lundis du Stockel, Les Jeudis du Movy, les Petits Déjeuners du cinéma, l’organisation de ciné-clubs dans le cadre des salles de cinéma. Ardent défenseur du Métropole, du Variétés et du Pathé-Palace.
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De 1990 à 1994, le cinéphile averti consacre ses moments de liberté à son nouveau dada. Il s’enferme dans les salles de lecture de la Bibliothèque Royale, consulte les journaux depuis la naissance du cinématographe.
Queen's Hall - Collection R.Van Thournout
Tel un limier concentré sur ses dossiers, RVT ne se contente pas de recopier les informations qu’il récolte, il les vérifie une à une, les recoupe car souvent celles-ci se contredisent ou manquent de fiabilité. Il s’attelle ainsi à établir un premier recensement des deux à trois cent salles obscures qui, autrefois firent le bonheur des spectateurs du centre-ville et de son agglomération.
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Pour croiser ses données il se tourne vers d’autres sources, telles les Archives Communales de l’Institut Royal du Patrimoine Artistique Bruxellois, la Cinémathèque, l’Office du Registre du Commerce et les bureaux de l’état civil. Les revues Cinégraphie et Ciné-Presse, bottins et autres annuaires du spectacle viennent à leur tour compléter les données de ce gigantesque puzzle. (3)
3. Il ira même jusqu’à s’intéresser aux plans architecturaux des grands paquebots du cinéma, et ce grâce à l’aide de Marc Crunelle, architecte et professeur à l’ISAI qui lui permettra d’avoir accès aux archives inaccessibles au grand public.
En 1994, malgré la progression des recherches, l’équipe d’Éric Vauthier part se battre sur d’autres fronts, les travaux sont alors mis en jachère. (4)
4. Seuls certains Ministères et bibliothèques publiques ont reçu des copies de ces documents. Ceux-ci restent malgré tout disponibles contre paiement des frais de photocopies auprès de l’asbl La Rétine de plateau.
Raymond décide de poursuivre la tâche en solitaire. Car, pour lui, pas question d’abandonner, il reste encore trop de zones d’ombres à éclaircir et de pistes à explorer. En quatre ans, le chercheur s’est pris au jeu, il extirpera de l’oubli la quasi totalité de ces salles obscures d’un « autre temps », aussi modestes soient-elles.
Cinéma des colonnes - 1918-1939
Collection R.Van Thournout
Le Pathé Empire et le Vendôme - 1991
Collection R.Van Thournout
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L’AUTEUR - ÉDITEUR
Son inusable patience finit par l’amener en 2007 à publier à compte d’auteur L’ABC des salles de ciné de la région bruxelloise, sorte d’encyclopédie des enseignes classées alphabétiquement par nom de salle.
Soixante-dix pages d’informations comprenant les adresses, commune par commune, les changements d’enseignes et les dates d’ouverture et de fermeture, illustrées tout le long par de nombreuses illustrations souvent rares et inédites (5).
Le lecteur a ainsi l’occasion de découvrir pour la première fois des clichés de façades et/ou d’intérieurs ainsi que des programmes de films datant essentiellement des années d’or du cinéma entre 1930 et 1960.
Plus de deux cent clichés d'époque.
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Une seconde édition entièrement remaniée est en passe de voir le jour. Sa base de données répertorie cette fois 440 salles (6) et ne manquera pas d’intéresser collectionneurs, chercheurs et fans des anciennes salles de la capitale. Une version digitale pour e-book est également en préparation.
La nouvelle édition 2021
5. Documents provenant également d’amis collectionneurs dont Robert Mawet, exploitant du cinéma Variétés à Waremme.
Une seconde édition entièrement remaniée est en passe de voir le jour. Sa base de données répertorie cette fois 440 salles (6) et ne manquera pas d’intéresser collectionneurs, chercheurs et fans des anciennes salles de la capitale. Une version digitale pour e-book est également en préparation.
6. Trente salles avec un statut plus ou moins certifié ont été rajoutées, ce qui porte leur nombre à 440.
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Aujourd’hui, le plaisir de la collectionnite n’a pas quitté RVT qui continue à arpenter les forums, brocantes et foires avec la sagacité du chasseur à l’affût. Bien que les pièces qui présentent de l’intérêt se raréfient (7), il espère à chaque exploration compléter son petit musée du cinéma.
Parmi ses trouvailles les plus marquantes, il y a eu l’acquisition, d’un portier en livrée, grandeur nature, découpé dans du triplex et qui trônait dans le hall d’entrée du Cinéac-Centre au boulevard Anspach. L’effigie du personnage avait été sciée en deux parties. Moyennant quelques francs belges, Raymond est reparti chez lui avec les morceaux afin de la reconstituer dans sa caverne d’Ali Baba.
Le portier en livrée du Cinéac Centre
collection R.Van Thournout
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Plus récemment, Raymond a fait une autre découverte originale : des jetons-monnaies en métal gravés au nom du Pathé Palace. Il en a retrouvé également au nom de l’Olympia, du Pôle Nord et de la Brasserie Conscience. Mais là on remonte loin, avant les années 20. (8)
Jeton Pathé-Palace
collection R.Van Thournout
7. Exemples : Des infos sur Le Cadé au n° 219 chaussée d’Anvers ou encore l’Odéon, au n° 47, ainsi que les diverses enseignes qui lui ont succédé, demeurent à ce jour introuvables. Il en va de même avec des photos ou illustrations du Kinox, Prado, Concordia dans la commune d’Anderlecht.
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8.En 1933, lors de la sortie du film Le Signe de la croix, une réalisation de Cecil B. de Mille avec Claudette Colbert et Charles Laughton, le distributeur avait émis, à titre publicitaire, des jetons en métal imitant un sesterce, pour assister à la séance. |
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COLLABORATIONS
1980. Il s’intéresse au cinéma belge. Il participe au travail d'illustration de « Ça tourne depuis cent ans - Une histoire du cinéma francophone belge » d’Emmanuel d’Autreppe (Communauté Française) avec à la clef une exposition au Botanique (1996).
En 2003, il apporte son concours à la création d’un livret intitulé : Histoire des salles de cinéma, réalisé à l’initiative de Marc Crunelle. (Collection Bruxelles, Ville d’Art et d’Histoire.)
En 2009. Contribution historique et iconographique à l’ouvrage d’Isabel Biver : Cinémas de Bruxelles – Portraits et destins. (CFC Editions). Et sa réédition et mise à jour en 2020 « Cinémas de Bruxelles » (CFC Editions)
En 2013, il apporte des précisions au « Dictionnaire d’Histoire de Bruxelles », un ouvrage scientifique constitué de 4000 notices, paru à l’initiative de Serge Jaumain.
Il collabore à l’édition d’un ouvrage sur les prestidigitateurs Belges : « Chapeau » - 2014.
2018. Article publié dans « Revue du Cercle d’histoire de Bruxelles et extensions » concernant les cinémas à Bruxelles durant la période de la guerre 1914-1918.
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Contact : Raymond Van Thournout:
rvt.cinebxl@icloud.com
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