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JOE VAN COTTOM alias MISTER JOE

Le fondateur de Ciné Revue

L'homme qui vécut la grande histoire du cinéma

 

Article paru dans PREMIERE - 1989

Par J.J. Valmont

 

 

Joe Van Cottom chez lui interviewé par Jean Jième Valmont

 

En 1989, je rencontre Joe Van Cottom dans le cadre d'une interview pour Première. Il a renoncé à son poste de rédacteur en chef de Ciné Revue depuis 1981 et vit désormais dans un appartement situé au premier étage des bureaux de l'actuel Ciné Télérevue, rue Marie-Henriette à Forest.

 

Le seul journaliste belge a avoir rencontré les plus grandes stars d'Hollywood de la période d'or nous a quittés en 1994.

 

 

 

PLUSIEURS ESSAIS AVANT CINÉ REVUE

 

À 18 ans J. Van Cottom est déjà passionné par le journalisme. Ses parents exploitent une boucherie, ce qui cadre assez mal avec ses ambitions. Alors pour échapper à un destin tracé d'avance, il se met à épargner.

 

Dès qu'il parvient à réunir une somme suffisante pour payer son imprimeur, il sort son premier journal: « La Boxe et les Sports » (1919). Mais le journal ne se vend pas.

 

Il ne désespère pas. En 1923, il retente sa chance en sortant « Le conseiller pratique » qui s'adresse aux femmes. Quelques numéros plus tard, puis c'est le flop.

 

Pourquoi se décourager ? C'est la belle époque, les gens sortent, vont au spectacle. Le jeune journaliste fonde « L'écho Théatral», puis l'année suivante «Théatra et Ciné ».

 

 

En 1924, il réalise son premier « scoop »: une interview en exclusivité avec Tom Mix, le cow-boy bien aimé des dames. Pour y arriver, il débarque dans la chambre d'hôtel de la vedette sans y être invité. Le culot du jeune homme plaît à l'Américain.

 

Van Cottom coiffe ses rivaux d'un jour. Ça compte déjà à l'époque dans le métier.

En 1939, à l'aube de la deuxième guerre mondiale, il part pour l'Amérique, non pas pour rencontrer Errol Flynn ou Gary Cooper mais pour participer a une compétition sportive: le championnat du monde de la pêche au thon. Il découvre New-York, c'est le coup de foudre.

 

Il rentre à Bruxelles. En mai 40 c'est l'occupation. Il faut bien vivre. Il est nommé administrateur général de la Fédération belge des pêches sportives.

 

À la libération il fonde "Théatra - Ciné - Revue" qui deviendra le 13 octobre 1944 Ciné Revue.

 

La grande aventure commence en janvier 1945; elle durera 37 ans jusqu'en 1981.

 

L'EPOPÉE AMERICAINE

 

J.J.V. : Qu'est-ce qui vous a déterminé à créer un magazine de cinéma ?

 

Van Cottom : À la fin de la guerre, la conjoncture était excellente. Des dizaines films américains et anglais, qui avaient été tournés pendant le conflit, afflaient dans les salles de cinéma. Le public découvrait de nouveaux acteurs et était demandeur de plus d'informations.

 

Le créneau était tout trouvé. Le seul problème consistait à avoir accès à de la documentation et surtout à des photos.

 

 

Van Cottom : Un de mes amis qui avait servi en Angleterre, m'apprend que l'A.I.S., un organisme chargé de la distribution des films US pendant la guerre, détient des documents, articles, photos, biographies sur tous les acteurs et les films tournés à Hollywood. Le responsable de ce service était le capitaine Elliot. Vous vous rendez compte qu'un militaire détenait à lui seul tous les documents et informations de tout le cinéma anglais et américain.

 

J'ai une fois de plus usé de culot pour persuader la secrétaire du capitaine que ce dernier m'avait autorisé à reproduire l'ensemble de cette manne inespérée. Ça m'a coûté des dizaines de places de théâtre et aussi une course insensée contre la montre. Elle me glissait les photos le lundi matin à la condition de les lui rapporter le lendemain avant 10 h. Je passais la journée et parfois la nuit avec l'imprimeur pour être dans les délais. Ce petit jeu a duré des mois.

 

Pour la première fois le magazine conçu par Joe Van Cottom se vend bien et prospère de semaine en semaine. Mais le public se montre de plus en plus exigeant. Il veut davantage d'échos, de photos, d'interviews exclusives. Joe Van Cottom comprend que le côté artisanal doit prendre fin et qu'il va devoir se rendre sur place aux Etats-Unis. Il s'arrange pour obtenir un ordre de mission de l'État Belge. Le but: nouer des relations commerciales avec l'industrie cinématographique US.

 

 

J.J.V : Comment se sont effectués les premiers contacts là-bas?

 

Van Cottom : En arrivant à New York j'ai très vite réalisé que tout se passait à Hollywood. J'ai pris le train afin de rallier Los Angeles via Chicago. Ma chance a été en fait d'être le premier journaliste européen d'après guerre a avoir été reçu par les gros pontes de la production: Jack Warner, Samuel Goldwyn, David O. Selznick, Louis B. Mayer et puis aussi Cecil B. de Mille, un personnage immense à l'époque.

 

 

 

DÉCOUVERTE DU STAR SYSTEM

 

J'ai été impressionné par le haut niveau de professionnalisme des américains. Leur système commercial était remarquable. En Europe rien de tout cela n'existait.

 

Chaque compagnie cinématographique avait son directeur des relations publiques internationales. Il était chargé de vous dorloter durant tout votre séjour. Des ordres étaient donnés de façon à vous faire visiter les plateaux de tournage, à rencontrer les vedettes, à être informés de tous les films en cours de production.

 

 

Liz Taylor en 1945 avec J.Van Cottom

 

C'est ainsi que j'ai pu rencontrer Elizabeth Taylor. Elle avait 14 ans et suivait les cours à l'école du studio de la MGM.

 

Tous les enfants sous contrat devaient s'y rendre quotidiennement pendant plusieurs heures. L'école était entourée d'un grand jardin clôturé et je passais justement à l'heure de la récréation.

 

Elle se trouvait en compagnie de Jane Powell et de Anne Francis. Je me rappelle combien elle étaitcharmante et intelligente. Elle tranchait sur ses petites camarades.

 

Avec Nathalie Wood - Hollywood 1945

 

 

 

 

Puis j'ai rencontré Gary Cooper, Clarck Gable, Errol Flynn, John Wayne, James Stewart et tant d'autres. Je ne crois pas avoir manqué plus de cinq ou six grosses vedettes au cours de toute ma carrière. Ces stars étaient réellement adorables. La plupart m'ont reçu chez elles. Je n'ai jamais eu besoin d'aller frapper à une porte. Il faut dire que je n'arrivais jamais les mains vides.

 

Gary Cooper

 

 

À chacun de mes voyages, j'allais acheter trois douzaines de mouchoirs en dentelle de Bruxelles et j'en remettais un à chaque vedette. J'ai fait connaître la Belgique aux Américains qui, pour la plupart, n'en avaient jamais entendu parler.

 

J.J.V .: Dans Ciné Revue vous n'avez jamais émis de critiques envers les stars comme si elles étaient toutes à mettre sur le même pied. Il y avait pourtant de grosses différences entre elles. Prenons par exemple Humphrey Bogart et Robert Taylor.

 

Van Cottom : Je ne suis pas d'accord.

Pour moi tous ces gens se valaient. Les uns dans un genre, les autres dans un autre. Robert Taylor a été merveilleux dans des rôles qu'on lui a attribués.

 

N'oublions pas que ces gens qui sont devenus vedettes l'ont été grâce à un système mis en place pour qu'il le deviennent. Ils ont été découverts par des « talent scouts ». Ils n'étaient pas tous destinés à faire du cinéma.

 

Pensez que Carry Grant était plagiste. Ils ont suivi des cours. On les a formés dans des écoles. Ils ont été entraînés aux interviews. On leur a créé une image de marque. C'est leur personnalité qui les a faits grandir, mais également la structure qu'ils avaient derrière eux.

 

Aujourd'hui tout cela n'existe plus. Il n'y a plus de star. Ca me fait rigoler quand on dit que De Niro est une star. C'est un grand comédien mais pas une star.

 

 

 

RENCONTRE AVEC MARILYN

 

 

J.J.V : Vous avez un souvenir précis de votre première rencontre avec Marilyn Monroe ?

 

Van Cottom : C'était en 1948 ou 1949, je devais déjeuner avec Gene Tierney et Roy Metzler, le chef des services de la Fox.

 

À un moment donné, il me dit « Voulez-vous m'excuser un moment ? ». Il revient peu de temps après avec une fort jolie jeune femme qu'il me présente. Elle s'appelait Marilyn Monroe. Elle était quasiment inconnue à l'époque.

 

À la fin du repas une de ses amies, toute excitée, arrive en brandissant le Hollywood Reporter. Le scandale venait d'éclater. On annonçait dans le magazine qu'une certaine Marilyn Monroe avait posé nue pour un calendrier qui venait de sortir des presses. La première réaction de Marilyn fut un véritable affolement. Elle craignait de voir résilier son contrat qui comprenait de sévères clause de moralité.

 

Elle s'est mise à pleurer en se parlant à elle-même: « Est-ce un péché? Qu'y a-t-il de si terrible de poser pour une photo artistique? Et puis ce job m'a aidé à vivre durant deux semaines ».

 

Roy et moi étions embarassés. Et dire que c'est ce scandale qui a été à l'origine de sa fabuleuse carrière. C'est cette audace qui l'a fait sortir de l'anonymat et qui l'a très vite catapultée.

 

 

 

 

 

Marilyn est peut-être l'exception qui confirme la règle. Elle est parvenue, en quelque sorte à triompher des ligues bien pensantes, des associations catholiques si redoutables à l'époque et à déroger aux règles strictes de la machine hollywoodienne. Toute autre aurait vu son contrat de 7 ans déchiré dans la journée, ce qui aurait signifié pour elle la fin de sa carrière naissante.

 

Marilyn en début de carrière

 

 

 

J.J.V. : Aujourd'hui Hollywood n'est plus le centre commercial du cinéma. Qu'est-ce qui s'est déglingué dans la machine trop bien huilée?

 

UN IMPLACABLE CONSTAT

 

Van Cottom : Le cinéma américain a connu les pires difficultés à la fin des années 50. A la mort des mogols, Louis B. Mayer, Jack Warner, Samuel Goldwyn, il n'y avait plus la poigne qui avait sauvegardé le cinéma durant cinquante ans.

 

Le cinéma est alors tombé aux mains des banquiers. Les financiers se sont empressés de supprimer le contrat de sept ans et de réduire à néant les mécanismes patiemment mis en place par leurs prédécesseurs. Plus de bureaux de publicité, plus d'école d'acteurs, suppression des grandes premières de spectacles; en un mot compression maximale des frais généraux et donc du prestige et de la légende d' Hollywood.

 

Les acteurs sont devenus indépendants. Les producteurs n'engagent plus qu'au coup par coup, rarement pour deux films. Aujourd'hui les acteurs sont pris en charge par de grosses boîtes comme la William Morris. Ils ont un agent de publicité, un agent qui s'occupe de leurs contrats, un autre qui s'occupe du placement de leur argent, etc.

 

Ils n'ont plus le temps de vivre durant un tournage; il faut aller de plus en plus vite; les films se tournent parfois en deux prises maximum. Ils se lèvent à l'aube, se couchent tard; ils n'ont même plus le temps de répondre à leurs interviews.

 

Mon boulot, ces dernières années, est devenu de plus en plus difficile. Pensez qu'actuellement les studios se louent pour des périodes relativement courtes. Plus question de rencontrer l'année suivante le type qui vous a aidé à rencontrer telle vedette, l'année d'avant. Les têtes changent continuellement. Toute la mythologie a disparu.

 

Peter O'Toole que j'avais rencontré à plusieurs reprises, a été dans l'impossibilité de respecter le rendez-vous que nous nous étions fixés. Je me demande même si son agent le lui avait rappelé.

 

 

 

Le lendemain ce même agent m'a emmené chez le producteur. C'est ce dernier qui a décidé que je pouvais rencontrer O'Toole. La pub de son film l'intérressait plus que sa vedette.

 

Comme l'agent est engagé à la semaine, il veut frotter la manche de son producteur. Il essaie de le flatter, notamment en lui envoyant des journalistes qui se retrouvent avec le producteur sur les bras; ils sont bien obligés de l'interviewer.

Je me demande si les vraies vedettes ne sont pas aujourd'hui les producteurs.

 

À l'époque où Hollywood était en pleine gloire, il n'y avait pas de syndicats. Tous les artisans du cinéma étaient engagés à la semaine, metteur en scène y compris. Si celui-ci déplaisait, on le virait, comme ça, sans indemnité.

J'ai eu un grand ami à la Warner, Carl Shaeffer, Directeur du service international. C'est lui qui m'a fait connaître Errol Flynn, Bette Davis, Gary Cooper, etc... et bien Carl a eu la trouille tous les vendredi soir à 17 h, la trouille qu'on lui dise « Carl tu ne dois plus revenir lundi».

 

Et ça a duré 45 ans.

Tous travaillaient comme des forçats.

 

En '81 j'en ai eu marre et j'ai décidé d'arrêter.

 

 

(Joe Van Cottom est décédé le jeudi 3 novembre 1994)