TÉMOIGNAGE
Annette Pieters
CINQ, DIX, QUINZE FRANCS …
Á première vue, le prix des places nous reléguait d’emblée dans la catégorie sociale à laquelle nous appartenions, mais pourtant celles à 5 francs me semblaient un « must », et je trouvais même ridicule que l’on puisse s’asseoir au fond de la salle, même si c’étaient les seuls sièges capitonnés de velours rouge.
Collée à l’écran, en attendant avec impatience la musique d’introduction de la « Fox Movietone News », j’attendais le film du samedi soir accompagnée de mes sœurs et de ma mère toujours à ma droite pour la « censure » qu’elle décidait avec sa main sur mes yeux pour les passages de certains films que je n’aurais pas été autorisée à voir comme « Maria Goretti », les imaginer n’était pas mieux.
Ce petit cinéma de quartier ne payait pourtant pas de mine, coincé entre trois rues, il était cependant pendant deux heures le monde merveilleux du rêve dans lequel je me délectais.
Pour l’époque la programmation était remarquable.
A la caisse, se trouvait invariablement une femme sans âge aux cheveux méticuleusement ondulés d’un blond indéfinissable, plus loin étaient épinglées des photos en noir et blanc d’acteurs, du film à l’affiche et de la future séance.
Le moment tant attendu où nous pénétrions dans la salle s’accompagnait d’un certain désordre, chacun cherchait la meilleure place.
Quelques appliques en plâtre blafardes donnaient un vague éclairage glauque, et l’entrée se faisait uniquement du côté gauche des sièges, c’était aussi l’unique sortie !
Des nombreux films que j’y ai vus, celui qui m’a le plus impressionnée est « Le troisième homme », et sa merveilleuse musique d’Anton Karas à la cithare dans l’étrange ambiance des égouts à Vienne.
Aujourd’hui je regarde avec nostalgie cette époque où tout me semblait possible.
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