ALBUM ROCK BELGE

 

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ROCK BELGE / ALBUM SOUVENIRS

WALLACE COLLECTION

(JANVIER-JUIN 1970)

3. LA RANÇON DE LA GLOIRE

 

(Biographie officielle)

 

Textes et photos sous copyright de leurs auteurs. Reproduction interdite sans autorisation

 

Wallace Collection (début 1970)

 

Lire la première partie : L'envolée vers la gloire

Grâce aux carnets de route tenus par Marc Hérouet au cours de la période de janvier à avril 1970, nous pouvons suivre le parcours exaltant, tumultueux et épuisant du Wallace Collection et ce presque jour après jour.

 

Je le remercie d'avoir eu la gentillesse de me transmettre l'intégralité de leur contenu.

J'adresse également mes remerciements à Sylvain Vanholme qui m'a remis tous ses documents personnels ainsi que ses photos d'archive. (Jean Jième)

 

 

RENCONTRE AVEC JOHNNY HALLYDAY

 

 

Cela va faire neuf mois que Daydream est sorti chez les disquaires. Neuf mois que le Wallace Collection court les routes pour assurer télés et concerts, qu'il passe des semaines en studio et… qu'il ne gagne pas lourd !

 

Jusqu'à présent, la vie de rock star n'a vraiment rien eu d'excitant. Lorsqu'ils voyagent, les musiciens ne se fréquentent que très peu en dehors de leurs prestations publiques.

 

Chacun sort de son côté et vit les événements, au quotidien, de manière individuelle. Pour certains, la séparation avec la famille pèse même plus qu'on ne pourrait l'imaginer. C'est notamment le cas de Jacques Namotte qui ne peut se passer de la tendresse maternelle et de Christian Janssens, qui supporte de plus en plus mal la vie chahutée d'un groupe de rock éternellement ballotté sur les routes.

 

 

Le premier de l'an, les musiciens n'ont pas la chance de passer le réveillon en famille. Et pour cause: ils sont à l'Alcazar depuis plusieurs jours, une ancienne salle de théâtre de Marseille, en avant-programme de Johnny Hallyday.

 

En effet, Jean Martin qui semble avoir compris qu'il devait faire une croix sur ses ambitions commerciales et artistiques avec les Anglais a repris contact avec ses homologues parisiens. Il a ainsi engagé sa signature auprès du manager de Johnny pour que le Wallace assure la première partie de sa tournée, prévue pour deux mois à travers tout le territoire français. Avec toutefois une condition à la clé : tester la formule en live.

 

Johnny a pour habitude, quelques semaines avant de partir en tournée, de roder son show. Pour lui c'est une tradition. Cela lui permet de tester à la fois son répertoire, ses musiciens, la sono et son jeu de scène. Si Johnny choisit toujours Marseille, c'est parce qu'il y trouve un public chaleureux et conquis d'avance. Très méticuleux, il insiste pour que toute son équipe participe avec lui à la mise en place du spectacle. Il attend la même chose du Wallace.

 

Si, pour les musiciens belges, accompagner Johnny Hallyday en tournée, constitue le moyen idéal de se faire connaître dans toute la France, il ne s'agit pas forcément d'un cadeau non plus. Car le public de « l'idole des jeunes » est à cent pour cent rock'n'roll et, ne sera peut-être pas totalement réceptif à un groupe mélangeant subtilement la pop, le jazz et le classique.

 

Lors des répétitions, Marc raconte que Johnny s'est tout de suite montré jovial avec le groupe. Il leur a dit qu'il appréciait tout autant les Belges que les Marseillais : des publics en or, a-t-il ajouté. Après une première répétition, Johnny nous a gentiment prodigué plusieurs conseils que nous nous sommes empressés de suivre. Il nous a prévenus que, dès le début de chacun de ses spectacles, ses fans allaient le réclamer à cor et à cri.

 

C'est ainsi qu'il nous a proposé de démarrer avec un répertoire plutôt rentre-dedans. J'en ai touché un mot à Sylvain qui a choisi Baby I Don't Mind comme intro.

 

 

Sur le plan technique, Phil, le roadie, ajoute : Pour mettre le maximum de chances de notre côté, Johnny m'avait suggéré d'opter pour davantage de puissance d'ampli que d'habitude. J'ai appliqué son conseil à la lettre en montant d'un cran le volume de l'installation. Mais lorsque Johnny est passé à son tour, il a demandé à ses musiciens de carrément doubler le volume de leur installation. Au point que le bassiste, collé à son Marshall, deux cents watts, avait du mal à résister aux vibrations. On aurait dit qu'il allait décoller à tout moment.

 

Marc : La puissance du souffle était invraisemblable. Si j'ai pu éviter la perforation de tympan, j'ai malgré tout gardé les oreilles en compote durant plusieurs jours.

 

Marc semble avoir gardé de la prestation de Johnny un souvenir très fort : ceux qui parmi nous considéraient Johnny comme un artiste de seconde zone en ont eu pour leur grade. Il les a très vite remis à leur place. Dès la première répétition-balance, j'ai vu un véritable monstre de scène et je pèse mes mots. J'ai rarement rencontré un artiste doté d'un tel charisme. À cette époque, il était déjà irrésistible.

J'ajoute que Johnny a toujours eu la main heureuse pour se choisir des musiciens hors pair. La plupart étaient d'ailleurs d'origine anglaise. Je me rappelle surtout de Mick Jones, un guitariste remarquable et d'Archie à la basse.

 

Au seuil de la première soirée, Johnny invite toute sa troupe de musiciens et de techniciens pour une gigantesque bouillabaisse sur la Canebière.

Phil souligne que lors de la tournée de février-mars, Johnny continuera à inviter régulièrement les musiciens. Ce qui mettait certains membres du groupe mal à l'aise. . La générosité de Johnny n'a jamais été une légende.

 

Le soir du réveillon, Marc note dans son agenda : le spectacle avec Johnny s'est déroulé à merveille. Phil et moi, on a fait la java jusque sept heures du matin. Nous sommes enfilés une bonne bouillabaisse, que nous avons ensuite déversée dans toutes les poubelles du vieux port.

 

Cela dit, il semble que la semaine passée à Marseille entre Noël et Nouvel An ait largement pesé sur le moral des musiciens du Wallace. Ils avaient tous envie de se retrouver parmi les membres de leurs familles. Alors pendant la journée, les heures s'égrenaient-elles au compte-goutte jusqu'au gala du soir. Pour tromper leur ennui, Marc et quelques autres se relayaient pour d'interminables parties de Magellan, un jeu de stratégie, qu'il avait emporté avec lui dans ses valises.

 

Le 2 janvier, le Wallace rentre à Bruxelles.

 

Sylvie, Johnny et Tommy Brown

Mick Jones et Tommy Brown ont été respectivement le guitariste et le batteur de Johnny. Ensemble, ils l'ont régulièrement accompagné sur scène avant que Mick ne forme le groupe Foreigner, qui connaîtra une carrière internationale. Ils ont également participé à plusieurs albums du couple Johnny et Sylvie.

 

 

 

TENSIONS AVEC JEAN MARTIN

 

Entre le groupe et Jean Martin rien ne va plus. Les musiciens sont de plus en plus mécontents de la manière dont il gère leur carrière. Ils n'ont plus confiance. Certains sont carrément hostiles. Ils exigent des explications claires à propos des comptes et des dépenses. Bref, la révolte gronde. Une réunion d'urgence s'impose.

 

En effet, en ce début de décennie, les perspectives de rentrées financières paraissent bien insuffisantes pour à la fois rembourser le passif et vivre décemment. À la demande générale du groupe, Marc accepte de se prêter au jeu de Monsieur « bons offices », et prend rendez-vous avec Martin, le dimanche 4 janvier.

 

Jean Martin, manager du Wallace Collection

 

 

Ce jour-là, le manager lui présente une situation budgétaire alarmante. L'ardoise de leurs dettes reste énorme. Le poids de leurs remboursements risque de peser longtemps encore sur leurs rentrées propres. A ce rythme, il leur faudra bien deux ans de travail pour sortir du tunnel.

 

Marc résume ainsi la situation : De notre point de vue de musiciens, nos cachets n'étaient pas à la hauteur du travail que nous effectuions jour après jour. En outre, nous estimions que la traçabilité des sommes qui transitaient par Jean Martin manquait de clarté. Ce dernier avait beau nous prouver que les dettes contractées, suite au vol du matériel, plombaient notre avenir à court terme, ça n'arrangeait rien dans l'immédiat. Travailler pour ne rien gagner nous épuisait. C'est l'une des raisons qui ont poussé certains à faire leurs valises. Pour Sylvain et Raymond, c'était plus facile à supporter, car eux touchaient leurs droits d'auteurs-compositeurs. Les autres ne pouvaient compter que sur ce que rapportaient les télés et les galas. Mais après déduction des dettes mensuelles, il ne nous restait pas toujours grand chose.

A la décharge de Martin, on peut affirmer qu'il était coincé à son tour : J'avais misé toutes ses ressources et toutes mes économies sur ce groupe. Désormais, je n'avais plus les moyens de ma politique. Même mon pourcentage de manager s'envolait pour faire face aux nouveaux emprunts.

 

La seule bonne nouvelle, c'est que Johnny Hallyday a apprécié les qualités musicales du Wallace Collection et qu'il a donné  son feu vert pour que le groupe l'accompagne dans sa prochaine tournée, dont le démarrage est prévu début février.

 

En attendant, que faire ? Sinon, patienter et voir venir en espérant des jours meilleurs ? C'est ce que Marc suggère aux musiciens qui, provisoirement, font contre mauvaise fortune bon cœur.

 

Les 6, 7 et 8 janvier, les répétitions avec le Wallace sont sensées reprendre chez Cinetic Production. Mais l'ambiance demeure morose. Les sages conseils de Marc n'ont pas vraiment suffi à apaiser les esprits. D'ailleurs, pour la première fois depuis des lustres, Sylvain se fait porter pâle. Tandis que Jean Martin, de son côté, se fend d'un douloureux problème de ménisque. Il ne sait plus se déplacer. Toutefois, Freddy, toujours de bonne humeur, donne le change et met au point avec Marc un superbe solo de batterie.

 

Petit rayon de soleil dans la grisaille ambiante : EMI, qui vient de sortir Serenade en single, fait savoir que les premières réactions sont de très bonne augure.

 

Le dimanche 11, concert à Leeuw-St-Pierre. Grosse affluence et gros succès public. Sylvain a retrouvé sa voix et sa santé.

 

Quelques jours plus tard, Jean Martin, refait surface. Affublé de béquilles, il débarque en boitant chez Cinetic. Un calme relatif semble revenu et la répétition s'effectue dans un climat nettement moins passionnel. Après, au bistrot, Martin met au point, avec eux, les derniers détails concernant leurs prestations au Midem à Cannes prévues pour les 20 et 21 janvier.

 

Le 16, nouvelle consécration pour le Wallace qui est invité dans les studios de la BRT à Gand. Ce jour-là, le groupe se voit attribué le Prix du Meilleur Groupe Belge Pop de l'année et reçoit une statuette en cristal à l'effigie d'un taureau.

 

Le lendemain, le groupe effectue un doublé. Tout d'abord à Liège, dans l'après-midi, ensuite, en soirée, à Outrijve, près de Courtrai. Mais leur journée est loin d'être terminée. A peine, le spectacle bouclé et le matériel embarqué dans la camionnette, les voilà repartis pour Paris. Il est trois heures du matin. Dans cette nuit noire et pluvieuse de janvier, une longue route les attend .

 

 

CANNES - MIDEM 1970

 

PALAIS DES FESTIVALS

 

Toute la journée du dimanche, Marc, Phil et Sylvain se relaient au volant de la camionnette qui avale le bitume au rythme de nonante kilomètres à l'heure. Destination : Cannes où ils sont attendus dans les locaux d'Europe N°1. Mais, à peine avoir dépassé Lyon, la camionnette tombe en panne. Le temps que Phil bricole une réparation d'urgence, ils accusent quatre heures de retard et loupent leur séance d'interview.

 

Toujours sans avoir dormi depuis le samedi, les garçons débarquent le lundi matin à Cannes et se rendent aussitôt dans les salons du Midem réservés à Europe N°1. Ce n'est qu'après avoir souscrit à leurs obligations de vedettes qu'ils gagnent enfin leurs chambres d'hôtel respectives.

 

Quelques heures de sommeil plus tard, les voilà à nouveau sur le pont pour répondre à de nouvelles interviews journaux comme radios, à se prêter à plusieurs séances de photos. Et enfin à consacrer plusieurs heures à obtenir une balance son impeccable.

 

C'est que cette année, les organisateurs du Midem qui attendent notamment Karen Wyman, Julio Iglesias, Mike Brant et Joe Cocker n'ont guère lésiné sur les moyens techniques. Une installation de sono high-tech, pré-montée sur un large podium, articulé sur des roulettes a été mise à leur disposition. Cette innovation technique sans précédent pour l'époque requiert de minutieux réglages.

 

Le Wallace Collection qui passe demain en direct du nouveau Palais des Festivals dans l'émission Grand Gala de Bernard Chevry, travaille d'arrache-pied.

 

Arrive le mercredi 21 janvier. Les carnets de notes rédigées par Marc Hérouet nous font découvrir une ambiance survoltée : TV, radios, interviews, photos, TV, radios, serrer des centaines de mains, discuter, remercier, convaincre… Très fatigant! Nouveaux réglages sons tout l'après-midi.

 

Au dernier moment, nous décidons de changer de répertoire et de revenir à quelques anciens morceaux. A vingt-deux heures, nous nous produisons durant un bon quart d'heure. Le show est absolument parfait. Les professionnels - il n'y a d'ailleurs que ça dans la salle - nous font une très longue ovation.

 

Wallace Collection chante Daydream en live sur le plateau de Grand Gala à Cannes le 21 janvier 1970

http://www.youtube.com/watch?v=_nNL_Nz8U14

 

 

Mais, au second passage, prévu deux heures plus tard, c'est la catastrophe ! Avant que le rideau ne se lève, un technicien sur le plateau débranche, par inadvertance, la fiche qui relie le violon de Raymond à la table de mixage.  

 

 

 

Je le vois encore filer côté jardin juste avant la première note et frôler Raymond. Nous voilà obligés d'interpréter Daydream sans sa célèbre intro au violon. Inimaginable ! Pour faire diversion, je me lance dans une improvisation boogie, dans le but de permettre à Phil de remédier au problème. Mais ce dernier ne peut rien faire sans le concours du technicien qui a créé le problème. Le temps qu'il alerte la régie, il est déjà trop tard. La meilleure, c'est que malgré cet incident technique regrettable, nous avons connu de nouvelles ovations et recueilli des avis élogieux !

 

MIDI-MAGAZINE

 

Jacques Martin

 

Le jeudi, les musiciens participent à Midi-Magazine, la célèbre émission télé de Jacques Martin et de Danièle Gilbert, regardée par des millions de français. D'emblée, l'animateur-vedette se prend de sympathie pour les six musiciens qu'il qualifie de véritable entreprise de fusion musicale. Assurément, le mélange des genres classique, jazz et pop l'impressionne. Jacques Martin se prend si bien au jeu que, conforté par Marc au piano, il se lance dans diverses parodies de styles musicaux contemporains ainsi que dans une hilarante imitation de belcanto. Les autres ne tardent pas à suivre et accompagnent le mouvement.

 

On n'aura jamais connu une aussi bonne ambiance sur le plateau de l'émission avec des Belges, dira plus tard Jacques Martin, qui soit dit en passant, adore les blagues belges.

 

Vers une heure du matin, le Wallace donne une prestation dans la boite en vogue du tout Cannes, le Whisky à Gogo. Parmi les spectateurs, on retrouve Jacques Martin flanqué de Patrick Topaloff, venus tout spécialement pour les applaudir.

 

Après une nouvelle et brillante prestation, Marc et Freddy assistent au concert d'Eddie Louis, Bernard Loubat et René Thomas.

 

LE WALLACE EN VEDETTE

 

Il est quatre heures du matin. Une autre formidable journée s'achève.

 

Vendredi, le groupe s'envole vers dix heures de l'aéroport de Nice pour Genève, où il est attendu pour une captation télé. En milieu d'après-midi, les musiciens sont déjà de retour à Cannes où ils assistent au gala de clôture du Midem avec en vedettes : Nicoletta, Shirley Bassey, Edwin Hawkins Singers, Astrud Gilberto et Joe Cocker. 

 

Joe Cocker interprétant Feelin' Alright au cours de cette même émission : http://www.youtube.com/watch?v=Vnqy_0J6RVE

 

 

Théoriquement, Cocker doit passer en fin d'émission. Star oblige ! Mais, lui, ne l'entend pas de cette oreille. Le chanteur semble au bord de l'épuisement physique.

 

Certains témoins diront même qu'il planait au-dessus de ses pompes. Joe décide d'en finir au plus vite. Malgré les protestations du directeur de régie, il bouscule l'ordre des programmes établi et s'impose sur le podium. Sa prestation à peine terminée, il disparait aussitôt.

 

C'est ainsi que le Wallace Collection apparaitra aux téléspectateurs comme la grande vedette de ce Grand Gala avec son interprétation de Daydream.

 

Le samedi 24, le Wallace quitte Cannes et sa Grande Messe et termine sa semaine en beauté en donnant un dernier concert à Valbonne.

 

 

 

 

 

 

CARNETS DE ROUTE DE MARC HÉROUET : BELGIQUE

 

Marc Hérouet

De retour à Bruxelles, le manager Jean Martin dresse le bilan des retombées cannoises. Il lui faut se rendre à l'évidence. La William Morris, avec son mirifique catalogue d'artistes internationaux, semble avoir bel et bien fait l'impasse sur Daydream et sur le Wallace. En fait, ils n'y ont jamais cru, affirme Martin, non sans un certain dépit. Ils nous ont fait lanterner pour mieux nous canaliser et nous empêcher de faire de l'ombre à certains de leurs groupes.

 

Malgré tout, Martin ne sera pas perdant sur toute la ligne. Hormis le Royaume-Uni, il pourra néanmoins compter sur le soutien de plusieurs filiales d'EMI. Plusieurs contrats télés signés avec le Portugal, l'Espagne, la Yougoslavie, l'Italie, la Suisse et le Luxembourg permettront au groupe de poursuivre sa conquête du marché européen.

 

 

Janvier

Dimanche 25 : Retour à Bruxelles

Mercredi 28 : Répétitions – Soirée chez Piero Kenroll avec Raymond Vincent

Jeudi 29 : Télé – RTB – PROMOTION - Emission de Bob Jacquemin –

Vendredi 30 : Salon de la Maison Idéale – Interview radio avec Francine Arnaud.

 

Février

Lundi 2 : Abbaye de la Cambre – Télé-BRT- Déjeuner offert par les représentants d'EMI. Rencontre cordiale avec Marc Moulin.

 

Mardi 3 : Réunion générale avec les musiciens et Jean Martin avant notre départ en tournée avec Johnny Hallyday. Au moment d'évoquer la hauteur de nos cachets respectifs, les tensions refont surface. Après de laborieuses explications, une évidence apparaît : la priorité étant mise sur le remboursement des dettes, il nous faudra travailler plus… pour ne pas avoir plus dans nos poches .

Mercredi 4 : Départ pour Paris. Le groupe participe à l'émission Discorama animée par Denise Glaser. Marc est délégué par les autres pour répondre aux questions souvent tendancieuses de Philippe Bouvard en présence du célèbre organiste Bernard Gavoty. Marc s'en tire si bien qu'il parvient à favorablement impressionner les deux hommes.

 

 

TOURNÉE HALLYDAY DU 5 AU 21 FÉVRIER

D'après le carnet de route de Marc Hérouet

 

Depuis 1969, Johnny n'arrête plus de monter en puissance. Surtout depuis son formidable tube Que Je T'aime suivi du mémorable Je Suis Né Dans La Rue. Depuis, le rocker s'est mis à surfer sur la vague de l'écologie en sortant l'album Voyage Au Pays Des Vivants.

 

Johnny (1970)

 

La tournée de Johnny, programmée du 5 février au 17 mars, va mener la caravane des différents artistes à travers de nombreuses villes de France dont Bordeaux, Toulouse, Montauban, Montpellier, Montélimar, Clermont-Ferrand, Roanne, Bourg-de-Thizy, Nancy, Villerupt, Liège (Belgique), Charleville, Strasbourg, Besançon, Auxerre.

 

Le 5 février, à une heure trente du matin, en compagnie de toute l'équipe des musiciens de Johnny, les six membres du Wallace embarquent à leur tour dans un bus spécialement affrété par le manager du chanteur. Après huit heures de route, la joyeuse équipe atteint les faubourgs de Bordeaux. Les musiciens s'affalent sur leur lit et dorment toute la journée.

 

Le soir, au Théâtre Français, Johnny connaît un triomphe avec sa nouvelle formation entièrement remaniée par rapport à celle du réveillon à Marseille.

 

Pour son baptême du feu, le Wallace s'en tire mieux qu'espéré. C'est l'enthousiasme ! Le lendemain, un second spectacle a lieu dans la même salle. Après sa prestation, Marc et Freddy s'éclipsent et foncent assister à un concert donné par Charlie Shavers et Bud Johnson, deux grands du jazz. Après quoi, ils s'en vont retrouver Johnny et les autres au restaurant.

 

Phil raconte : Johnny pouvait se montrer aussi sympa que généreux, aussi blagueur que baroudeur. Après chaque spectacle, il aimait se retrouver à table avec ses musiciens et les membres de son staff. Généralement, après le repas, il partait faire la tournée des boites de nuit. Boissons à outrance et le « reste aidant », débouchaient sur des soirées assez agitées qui se poursuivaient jusqu'au sein même des hôtels chics qui avaient été réservés pour lui. J'ai très vite saisi qu'il m'avait à la bonne. Je suis donc entré plutôt facilement dans son petit cercle de privilégiés, sans doute plus que les autres. Une nuit, je me rappelle plus quand ni où, nous avons fait fuir Jean Ferrat de sa chambre. Il s'est mis à traiter Johnny de voyou. C'était le délire en permanence !

 

Samedi 7 février. Les musiciens des deux formations reprennent ensemble la route, cette fois en direction de Toulouse. Le spectacle a lieu dans l'immense Palais des Sports de la ville. Ce stade, à la dimension du public d'un Johnny adulé, va une fois de plus le consacrer dans son rôle d'idole des jeunes. Du grand délire.

 

 

Dimanche 8 février.  Nous jouons à Montauban. Beau succès de foule. Nous passons l'après-midi à discuter avec les musiciens et les techniciens de Johnny. On s'entend fort bien avec eux et c'est réciproque.

 

Les musiciens nous ont raconté que dans le cadre d'une tournée avec Johnny (13 au 18 octobre 1966), ils avaient été les témoins privilégiés de la prodigieuse dextérité de Jimi Hendrix à la guitare. Il parait qu'Hendrix et ses musiciens dormaient toute la journée et spécialement dans le car. Leurs répétitions étaient déjà de véritables concerts et leurs prestations différentes chaque soir et toujours au top niveau. Ils consacraient leurs nuits à faire la fête et à jouer encore et encore. Les musiciens de Johnny étaient galvanisés.

 

Wallace Collection (1970)

 

Lundi 9 février. Concert à Montpellier. Le piano mis à notre disposition n'a pas été accordé. Il sonne faux. Je fraternise de plus en plus avec Archie, le bassiste de Johnny. Il est d'origine écossaise comme moi. Il adore notre style musical. Il m'a même glissé que si nous cherchions un bassiste, il pourrait se montrer intéressé.

 

Mardi 10 février. C'est jour de relâche. Raymond, Sylvain et moi en profitons pour pousser une pointe jusque dans les Cévennes. Nous empruntons la camionnette. En visitant les Causses, nous traversons plusieurs villages abandonnés. Nous faisons étape à Millau.

 

Mercredi 11 février. Concert à Montélimar. Gros succès. Très bon public.

 

Jeudi 12 février. Trajet épuisant, interminable. Nous arrivons à Clermont-Ferrand vers dix-huit heures. Nous avons l'heureuse surprise de faire la connaissance du guitariste Manitas de Plata qui est descendu dans le même hôtel que nous. On sympathise. Le soir, c'est la douche froide. Le public n'est pas réceptif. On se paie même une panne de courant.

 

Sylvain Vanholme : on n'en menait pas large. Le public était particulièrement nerveux. Il grondait et ne jurait que par Johnny. J'ai alors eu l'idée, dès le lever de rideau, de jouer les premières mesures de Daydream, rengaine connue même des fans de la star. Ensuite, les musiciens ont enchaîné avec les titres les plus rock de notre répertoire. Le public s'est tenu « tranquille » jusqu'à la finale où on leur a donné un Daydream intégral, dans lequel on a inséré quelques couplets en français.

 

Vendredi 13 février. Concert à Roanne. Hôtel des Trois Gros. Souper gastronomique.

 

 


En bas du programme on peut lire : Le nouvel orchestre de Johnny Hallyday est dirigé par Micky Jones et Tommy Brown.

 

 

Samedi 14 et dimanche 15 février. Nous gagnons le département du Rhône pour donner notre prestation à Bourg-de-Thizy. Retour à Roanne après le concert.

Pour nous, la nuit est courte. Lever à cinq heures trente du matin pour la prochaine étape. En prenant mon petit déjeuner avec Raymond, j'aperçois Johnny au bar de l'hôtel.

À sa petite mine, j'ai réalisé qu'il ne s'était pas couché du tout. On a causé un bon quart d'heure ensemble. Il m'a dit qu'il appréciait beaucoup la Belgique. Mais lorsque je me suis risqué à orienter la conversation sur ses origines belgo-française, j'ai tout de suite réalisé que le sujet était tabou.

 

Johnny nous a exprimé son souhait de collaborer avec nous pour de futures chansons. Raymond est le seul à avoir plus ou moins répondu à sa proposition. Mais, à ma connaissance cela ne s'est pas concrétisé. Par contre, je sais qu'il a travaillé avec Sylvie Vartan sur un excellent tango. Johnny m'a recontacté cinq ans plus tard pour que je lui écrive des arrangements pour les cuivres de son orchestre, mais là encore il n'y a rien eu de concret de part et d'autre.

 

Wallace Collection sur scène (1970)

 

 

Jean Martin nous a concoctés, de longue date, un gala à Nancy en matinée en plus du concert prévu le soir avec Johnny. Il s'agit d'une sorte de festival à la française. Comme nous ne pouvons amener notre matériel de sono, nous jouons sur l'installation mise sur place à notre disposition. La sono est infecte. Le concert s'en ressent.

En vitesse, nous reprenons la route avec la voiture louée chez Hertz. Nous arrivons in extremis à Villerupt où nous récoltons un très gros succès.

Retour à Bruxelles à trois heures du matin, cette fois dans la voiture de Freddy.

 

Lundi 16 février. Jour de relâche pour Johnny et ses musiciens, mais pas pour nous. Martin nous a placés au Forum à Liège. Prestation plutôt moyenne. Raymond et moi décidons de rentrer sur Bruxelles. Nous arrivons, épuisés, vers neuf heures du matin.

 

Mardi 17 février. Raymond et moi rejoignons les autres à Charleville. Les routes sont verglacées, si bien que nous arrivons en retard. La prestation n'est pas terrible. Retour sur Bruxelles vers trois heures du matin.

 

Mercredi 18 février. On refait la navette dans l'autre sens, mais en train cette fois. Départ de Bruxelles-Midi.

 

 

Dans le train, Marc et Raymond dressent un portrait de la situation. La fatigue des membres du Wallace est générale. Ils ne sont décidément pas habitués à la rude vie d'artiste en tournée, obligés chaque jour d'avaler des centaines de kilomètres, de dormir peu et d'affronter la solitude de leurs chambres d'hôtel. De plus les pénibles dissensions intestines, la perte de confiance en leur manager et le manque d'argent plombent un peu plus leur moral chaque jour davantage.

 

Mais le vrai problème c'est le comportement de plus en plus irritable de Christian Janssens et de Jacques Namotte. Plus fragiles sur le plan psychologique que les autres, ils paraissent arrivés à la limite de leurs capacités physiques. On les sent au bord de l'implosion. Il va falloir songer à les remplacer.

 

Arrivée à Nancy à dix-sept heures. Excellent public. Le soir, après le show, Johnny invite toute sa troupe ainsi que le Wallace à assister à l'avant première de son film Le Spécialiste projeté en séance privée. Désolé pour Johnny, mais j'avoue avoir détesté.

 

 

 

 

Le jeudi 19 février, la caravane des musiciens arrive à Strasbourg. Ce soir le spectacle a lieu au Parc des Expositions.

 

En cette soirée pluvieuse de février, le Wallace a le moral à zéro. D'autant plus que le public se montre peu réceptif et donc difficile à dégeler. Christian et Jacques sont plus à cran que jamais. La qualité du spectacle s'en ressent. Ce qui ne fait qu'accroître les dissensions et accentuer les frustrations.

 

Raymond et Sylvain n'ont plus guère le choix et décident de les remplacer tous les deux au plus vite.

Mais le groupe pourra-t-il tenir le coup jusqu'à la mi-mars ? En effet, il lui reste pratiquement un mois à tirer, avant de pouvoir envisager le remplacement des deux dissidents.

 

Ce même soir, Marc Hérouet explique la situation à Archie. Mais le bassiste est sous contrat de travail avec Johnny. Ne pouvant servir deux maîtres à la fois, il se voit obligé de décliner la proposition. Il suggère, par contre, de revoir sa position lorsque la tournée sera arrivée à son terme.

 

Toutefois le destin, d'une manière aussi surprenante que dramatique, va venir régler le problème… dès le lendemain.

 

 

SORTIES DE ROUTE POUR JOHNNY, CHRISTIAN JANSSENS ET JACQUES NAMOTTE

 

Phil raconte : À Strasbourg, juste après le gala, Johnny propose à la cantonade de le rejoindre au restaurant… Sylvie Vartan venait juste d'arriver en catimini quelques heures plus tôt. Il me l'a gentiment présentée. C'est ainsi que j'ai appris qu'elle allait passer trois jours avec lui et le suivre dans sa tournée. Mais les choses ne se sont pas déroulées comme prévu.

 

Vendredi 20 février

Le car avec la troupe des musiciens ainsi que la camionnette de Phil sont les premiers à quitter l'hôtel. Johnny et Sylvie sont sensés les rejoindre vers dix-sept heures à Besançon, pour l'habituelle balance son.

 

Aujourd'hui, Phil a tout son temps. Il sait qu'il ne devra pas sortir le matériel de son van, car les deux groupes jouent sur l'installation de Johnny. Il musarde à son aise sur la route. À une centaine de kilomètres de l'étape, arrivé à proximité d'un petit pont, dans un tournant, Phil aperçoit une DS noire flanquée dans le fossé. C'est celle de Johnny.

 

Les gendarmes, toujours présents, lui apprennent que le chanteur a raté son virage et est parti en vrille. Ni Johnny, ni Sacha, son garde du corps ne sont blessés gravement. Par contre Alan, son secrétaire, qui se trouvait sur le siège derrière Sylvie, l'a entraînée dans le choc, la faisant passer au travers du pare brise !

 

Phil fonce sur Besançon pour annoncer la nouvelle. Au grand dam du directeur de la salle, le gala est annulé et reporté à une date ultérieure.

 

Samedi 21 février

Le lendemain, les musiciens gagnent Auxerre. Alerté par la rumeur du report du gala de la veille, le patron de la salle est dans tous ses états. Il explique qu'il n'osera jamais monter sur scène pour annoncer que Johnny ne se produira pas. Et pour cause. Il explique qu'il a dû faire face à trois annulations d'artistes en un an.

 

Jean Martin, mis au courant de la situation par Marc Hérouet, débarque à Besançon par le premier avion. Face au directeur de la salle, complètement catastrophé, il lui propose de ne pas annuler le spectacle et de laisser le soin au Wallace d'animer la soirée. Oui, mais encore faut-il que le public soit d'accord, lui répond l'intéressé.

Phil raconte : J'ai proposé de monter sur scène et de parler aux jeunes. Dans le brouhaha général, je leur ai annoncé la couleur. Johnny ne viendra pas ce soir. Déception, sifflements. Puis j'ai demandé à l'assistance si elle souhaitait que le Wallace présente son spectacle. La réponse s'étant révélée positive, le groupe a assuré le concert.

 

Marc Hérouet : Ca a été très dur pour nous de jouer devant ce public qui s'attendait à applaudir Johnny ! D'autant plus que l'ambiance dans le groupe restait détestable.

 

 

 

Dans l'intervalle, Martin qui a gardé le contact avec l'agent de Johnny, annonce que la tournée est provisoirement interrompue. Voilà qui parait inespéré et qui va arranger bien des choses !

 

Christian Janssens

 

Ce soir-là, une mémorable engueulade a lieu Tous les noms d'oiseaux y passent. Jean Martin place Christian et Jacques face à leur manque de responsabilités. Cette fois, la rupture est définitivement consommée.

 

Marc Hérouet : le départ de Christian et de Jacques a, en quelque sorte, sonné la fin du véritable Wallace Collection et de sa production musicale originale. Cela dit le divorce d'avec Christian et Jacques était inéluctable. A partir du moment où des membres d'un groupe ne se sentent plus heureux d'y participer, à quoi bon rester ensemble ?

 

Jacques Namotte

 

Que Jacques n'ait plus tenu le coup, c'était dans l'ordre des choses. Il était plus âgé, fragile psychologiquement et avait un travail assez peu valorisant dans le Wallace ; il était un simple exécutant, très bon au demeurant.

 

La décision de Christian m'a surpris davantage. Mais lorsqu'on sait qu'il était exaspéré par les directives de Jean Martin, dans lequel il n'avait plus confiance du tout, on comprend mieux… Dans ces cas là, mieux vaut rester philosophe. Procéder aux remplacements et continuer notre route, qui nous semblait encore riche en possibilités, est devenu notre souci majeur.

 

SERENADE / WALK ON OUT
LE CHOIX CONTROVERSÉ D’EMI

 

 

Serenade (Vincent/Van Holmen/Mackay)
Walk On Out (Hérouet/Mackay)
Publié le 15 février 1970 (France), le 15 mai 1970 (Angleterre)
Angleterre : Parlophone R 5844 (stéréo)
France : Odéon 2C 006–04332 M (mono)
Produit par David Mackay

 

 

Le 15 février, David Mackay décide de sortir Serenade en 45 tours, un des morceaux enregistrés à Abbey Road courant 1969. Ce titre annonce le futur second album du groupe, programmé pour mai.


EMI souhaitant retrouver l'esprit musical et vocal ainsi que la sonorité particulière du désormais célèbre Daydream va donc tout naturellement porter son choix sur Serenade, véritable clone du tube de l'année précédente. Jugeons-en : même introduction au piano, violon et violoncelle ; voix haut perchée de Freddy discrètement doublée par celle de Sylvain sur les refrains ; usage d'une flûte ponctuant le second couplet ; un  long final en « la-la-la » suivi d'interjections de Sylvain durant les dernières secondes… tout y est !

 

 

Pochette japonaise


Cela voudrait-il dire, qu'en un an, le groupe n'a pas évolué d'un pouce ? Non, évidemment ! Pour s'en persuader, il suffit d'écouter l'album qui sortira bientôt et qui présentera un groupe maîtrisant parfaitement les techniques de studio. Et puis, il y a Walk On Out , la face B du single, une composition de Marc chantée par Sylvain et qui  nous fait découvrir un Wallace Collection lorgnant vers un style nettement plus expérimental –  pour ne pas dire heavy – que l'on aurait adoré le voir poursuivre.

 

La paternité du choix de sortir la copie carbone de Daydream revient à Mackay.  On peut aisément comprendre ses raisons. Il cherchait à la fois à fidéliser les nouveaux fans du groupe mais surtout à miser sur un nouveau jackpot commercial.

 

Après tout, le producteur australien ne fait que défendre les intérêts de sa société. Mais, en agissant comme tel, il scelle également l'orientation de la carrière du groupe qui, désormais, perd son label de groupe pop-rock innovant et s'engage dans une voie plus discutable, celle de la variété. On peut donc bel et bien parler de tournant dans la carrière du Wallace. Pourtant ni les musiciens, ni Martin n'ont eu leur mot à dire !

 

Cette décision unilatérale de Mackay constitue en réalité une grossière erreur de management. Toutefois, les musiciens optent pour le wait and see , en adoptant une position réaliste. Après tout, ne vaut-il pas mieux sortir une ballade qui se vende à quelques dizaines de milliers d'exemplaires plutôt que créer un chef-d'œuvre qui reste dans les bacs ?

 

Pour Raymond Vincent la question ne se pose pas, puisqu'il est le compositeur attitré de ces grandes mélodies classico-romantiques. Pour Sylvain Vanholme, c'est sensiblement pareil. En tant que coauteur, les royalties vont continuer à tomber dans son escarcelle. Quant à Marc, il ne peut que déplorer que le superbe Walk On out, qu'il a composé, ne bénéficie pas des mêmes faveurs d'EMI.

 

 

Pochettes italiennes

 

A propos de l'option choisie par Mackay, Marc Hérouet a son opinion : concernant la sortie de Serenade les avis étaient très partagés et c'est vrai que David y croyait. Sylvain, Christian et moi espérions que la firme pousse  Walk On Out  que nous trouvions plus « moderne ». Mais il est un fait que la marque de fabrique du Wallace se retrouvait plutôt dans Serenade, ne fut-ce qu'avec la singularité de  la voix de Freddy. Je pense que nous aurions dû travailler davantage sur une matière plus originale.


Walk on out était une composition assez excitante et j'adorais la façon dont Sylvain l'interprétait.  J'aimais beaucoup les paroles qui me paraissaient moins mièvres que celles de Daydream et consort. L'enregistrement s'est effectué à Londres dans une atmosphère positive. Au cours de la partie instrumentale improvisée, David me poussait à me défoncer au piano. Je me souviens aussi d'une autre prise de ce solo qui était nettement meilleure que celle qui a été gravée.

 

À la télévision :

Serenade dans l'émission "Discorama" de Denise Glaser,
le 24 février 1970 http://www.youtube.com/watch?v=dvUYvhG2FBI

 

 

JOHN VALCKE - DENIS VAN HECKE

 

Dans un grand référendum organisé dans l'hebdo Télé-Moustique, John Valcke était sorti grand vainqueur en se classant meilleur bassiste de Belgique, cuvée 1970.

 

sweet feeling

The Sweet Feeling - John Valcke (le 2° à gauche)

 

Pour remplacer Christian Janssens, Vanholme et Martin songent tous les deux à John qui, depuis la dissolution du Sweet Feeling, est disponible. Une audition a lieu dans l'arrière-salle du café tenu par sa mère Le Centre. Le courant passe immédiatement entre lui et les autres musiciens, si bien que John est engagé sur le champ.

 

Tous ceux qui ont travaillé avec lui, le définissent comme un garçon charmant, calme, hyper cool. Bref, quelqu'un de très agréable à vivre, qui n'amène jamais aucun problème et qui n'a pas d'égo démesuré. Cerise sur le gâteau, il compose, ce qui est un atout par rapport à Christian. (Pendant quelque temps, il rejoindra Bismarck, la formation des frères Thomas, qui connaîtra un certain succès avec leur single Shotgun Express).

 

 

Marc Hérouet : John Valcke a apporté au groupe ce qu'il n'avait jamais vraiment connu auparavant : un état d'esprit cool et relativiste. Autant, l'aspect perfectionniste du Wallace constituait une garantie de qualité, autant celle-ci avait tendance parfois à nous faire prendre trop au sérieux.

 

 

Jacques Namotte est remplacé au pied levé par Denis Van Hecke. Ce dernier, qui suit ses cours au Conservatoire Royal de Bruxelles, n'a que très peu d'expérience de la scène. Mais malgré ses dix-neuf ans, il a déjà une forte personnalité sur le plan musical. Avec lui, difficile de trouver une personnalité plus contrastée que celle de son prédécesseur ! (Jacques retournera derrière son pupitre de l'Orchestre National, où sa vie reprendra enfin un cours normal).

 

Denis Van Hecke

 

Marc Hérouet : Autant Jacques était classique dans tous les sens du terme, autant Denis semble animé d'une douce folie intérieure. Très actif, expressif, parfois excessif, il donne l'impression de brûler la chandelle par les deux bouts! Seul véritable hic sur le plan musical : un besoin d'émancipation tel, qu'il l'empêche de suivre les partitions à la note près, ce que Raymond n'apprécie pas du tout.

 

Même si, sur le plan privé, John et Denis étaient pétris de contradictions et de trous noirs (comme chacun de nous), c'étaient des gars qui ne s'en faisaient pas et qui prenaient la vie du bon côté. Autant Denis maîtrisait le solfège, autant John jouait à l'instinct. S'il se sentait moins branché sur les nouveautés du moment comme l'était Christian (qui adorait les Pink Floyd), John était un vrai bassiste de rock des sixties ( dans le style des Who) ; et un excellent chanteur, ce qu'il est toujours aujourd'hui. Les tournées avec John représentaient un vrai plaisir pour moi. Nous nous sommes toujours bien entendus au point de rester amis jusqu'à aujourd'hui.

 

Du 25 au 27 février, les répétitions s'intensifient à la Cage Aux Poules.

 

Les répétitions avec Denis et John qui étaient de très bonne volonté n'ont pourtant pas toujours été faciles. Nous étions tellement habitués à joué nos morceaux que la moindre fausse note, le moindre couac nous rendait nerveux. Que dire du regard noir de Raymond ?

 

LE REGARD

DE JOHN

 

John Valcke

Freddy, ce grand parleur du groupe, qui n'arrêtait jamais et, à ce niveau, pouvait se révéler très fatigant. Mais c'était avant tout un gentil garçon, passionné de musique. C'était un excellent batteur, très intuitif et qui devait surmonter la difficulté de chanter tout en jouant.

 

Raymond Vincent était quelqu'un de très spécial, d'un peu à part. Il éprouvait les plus grandes peines à se situer. D'une part, il se devait d'assumer sa fonction de musicien classique et intellectuel ; d'autre part, il devait s'intégrer à la sauce pop des autres musiciens.

 

Il revendiquait le rôle de «maître musicien». Il ne faut pas s'étonner s'il était le «mal-aimé» du groupe.

 

Musicalement et intellectuellement, Marc Hérouet se situait au dessus de la mêlée, tout en ayant les mêmes qualifications que Raymond.

 

Sylvain, c'est quelqu'un de très secret, qui a un talent fou, surtout sur le plan vocal et de l'accompagnement à la guitare. C'est aussi un grand timide. Je pense que mon influence l'a quelque peu « déglacé ». Je sais qu'il nourrissait un complexe de devoir porter des lunettes. Un jour, j'ai eu une discussion avec lui et je l'ai rassuré à ce sujet. Je lui ai fait remarquer que de nombreux musiciens en portaient, notamment Hank Marvin, son idole de jeunesse.

 

Effectivement, dès l'arrivée de John dans le groupe, on remarque que Sylvain ne porte plus ses lunettes. Les «petites fumettes» proposées par John semblent avoir eu les meilleurs effets pour contribuer grandement contribué à le décomplexer.

 

 

 

RENCONTRE AVEC CLAUDE BERRI

 

Le 28 février, les musiciens s'envolent pour Lyon dans le but de rencontrer le producteur français Claude Berri. En effet, depuis plusieurs mois, Marc a su tisser des liens avec lui, dans le secret espoir d'écrire, un jour, une musique de film pour lui. L'opportunité se présente lorsque Berri s'apprête à produire le premier long métrage de Gérard Brach, La Maison. Il reprend contact avec Marc et lui propose de venir en discuter à Lyon.

 

Marc a toujours été un grand passionné de musique de film et de spectacles en général. Les membres du Wallace le considèrent d'ailleurs comme le « spécialiste » en matière de théâtre et de cinéma.

 

Marc Hérouet : Claude Berri appréciait le Wallace. Pour ma part, je me suis beaucoup investi dans l'élaboration de la musique de ce film. Tout le groupe s'est également senti concerné et a activement collaboré au projet. Ce n'est pas tous les jours qu'on a l'opportunité de travailler avec le scénariste attitré de Roman Polanski!

 

WALLACE COLLECTION : NOUVELLE FORMULE

CONCERT Á LYON

 

 

Marc, Freddy, Raymond, Denis, John et Sylvain (1970)

 

Le lendemain, c'est donc un Wallace relooké qui se présente devant le chaud public du Palais d'Hiver où il en profite pour tester sa nouvelle formule. Après ce baptême du feu, plutôt réussi, force est de constater que s'il reste pas mal de détails à régler, le groupe s'en est plutôt bien tiré.

 

 

L'OPPORTUNITÉ MANQUÉE ?

 

S'il est un moment où Vanholme aurait pu saisir l'opportunité de redresser la barre et ramener le Wallace dans la voie d'un véritable groupe de rock dans la lignée d'un Electric Light Orchestra, (qui était en train de se constituer de l'autre côté de la Manche au même moment), c'est bien lorsque Denis Van Hecke et John Valcke sont entrés en scène. Si on les avait laissés développer leur créativité, ils auraient sans nul doute contribué à « durcir » le ton musical du groupe. D'ailleurs, lors des concerts dans les nombreux pays où il s'est produit, Sylvain n'a jamais hésité à « fortifier » certains morceaux du répertoire du Wallace, de manière à galvaniser davantage le public. Mais visiblement, Sylvain n'était pas prêt à opérer un tel revirement. C'est d'ailleurs pourquoi, Denis Van Hecke n'a d'ailleurs pas fait long feu.

 

Mais ce n'est pas la seule raison. Il a dû également tenir compte du jugement de Raymond Vincent, dont on sait qu'il n'a jamais toléré la moindre fantaisie. La rencontre entre les univers de la pop et du classique a décidément ses limites.

 

Denis Van Hecke, John Valcke

 

Le jeudi 5 mars, le Wallace Collection s'apprête à connaître une nouvelle journée bien remplie. Tôt le matin, ils ont rendez-vous avec une équipe de la télévision nationale allemande qui les filme toute la matinée ainsi qu'une bonne partie de l'après-midi. Les prises de vues à peine terminées, les musiciens gagnent la salle de l'Ancienne Belgique pour y effectuer une balance son. En effet, ils jouent le soir en avant-programme de Gilbert Bécaud. Les techniciens de l'émission RTL Non Stop top sont à leur poste pour retransmettre en direct chansons, musique et interviews des différents artistes.

Demain est un autre grand jour. La tournée avec Johnny Hallyday, brutalement interrompue le 20 février dernier, reprend. Le chanteur a retrouvé la forme.

 

 

 

 

SUITE ET FIN DE LA TOURNÉE HALLYDAY

DU 6 au 17 MARS

 

D'après le carnet de route de Marc Hérouet

 

Vendredi 6 mars - Redémarrage de la tournée avec Johnny.

Nous sommes à Lille. La salle ne paie pas de mine. Le public n'est pas très réceptif..

 

Samedi 7 mars - Changement radical de décor à Amiens. La salle et le public sont hyper accueillants.

 

Les musiciens de Johnny nous font savoir qu'ils apprécient le changement de nos musiciens. Ils accueillent John et Denis plutôt chaleureusement. Il faut dire que John a toujours eu le chic pour détendre n'importe quelle atmosphère et susciter les meilleurs contacts possibles avec tout le monde. Quant à Denis, il adorait faire le clown dans le bus. L'arrivée de ces deux cool men dans le groupe nous a permis de terminer cette tournée d'une façon nettement plus relax qu'à son début.

 

Dimanche 8 mars - Nous jouons à Conche en matinée. Retour le soir à Paris.

 

Lundi 9 mars - Départ de Paris, vers une heure du matin. Nous jouons le soir au Mans. Fin de soirée avec Johnny qui nous a présenté celui qu'il appelle son frère.

 

Mardi 10 mars - Niort. Belle salle et très bonne prestation. Johnny est en pleine forme !

 

 

Mercredi 11 mars - Concert à Nantes. Au cours des journées précédentes j'ai tellement peu dormi que, ce soir, j'ai manqué m'évanouir sur scène et tomber tête la première sur le clavier de mon piano. Apparemment, personne ne s'est rendu compte de rien.

 

 

Jeudi 12 mars - Orléans. Grosse ambiance au Palais des Sports.

 

Vendredi 13 mars - Séance de travail à A Paris avec Gérard Brach, le réalisateur de La Maison.

J'étais terriblement emballé à l'idée de rencontrer celui qui avait écrit les scripts de Répulsion, Cul de sac et Le Bal des Vampires pour Polanski. J'appréciais son type d'univers artistique. Quelle richesse que de discuter avec lui, d'essayer de déceler ses intentions afin de mieux les traduire ensuite sur le plan musical.  Je me suis personnellement investi à fond dans la conception de la bande son .

 

Nous jouons le soir sous chapiteau à Froissy. Emmerdant.

 

Samedi 14 mars - Travail de studio à Paris pour le film jusque quinze heures.

 

À vingt et une heure, nous jouons à Sens. Formidable succès. Johnny époustouflant. On fait un doublé à Cosne dans une horrible salle. Retour à Paris, il est six heures du mat. On est mort !

 

Dimanche 15 mars - Dernier jour de la tournée. J'embarque dans la bagnole avec John, sa copine et Denis. Direction Armentières, notre dernière étape. Longue attente dans un bistrot avant de monter sur scène. A l'issue du spectacle, on regagne Bruxelles. Il est une heure du matin.

 

Lundi 16 mars - Départ de Bruxelles vers Paris. Le groupe participe toute la journée à une émission radio diffusée depuis le Théâtre de Mogador. On couche à l'hôtel.

 

 

DÉLIRE À LISBONNE

 

Wallace Collection - Porto 1970

 

Le mardi 17, le groupe décolle d'Orly pour atterrir à Lisbonne à quatorze heures. Leur arrivée est digne d'un accueil de rocks stars. Réceptionné à l'aéroport par le chargé des relations publiques d'EMI, le groupe est aussitôt dirigé vers les studios de la télévision.

 

Le lendemain, la journée est consacrée à participer à plusieurs émissions radios. La promotion du Wallace est parfaitement orchestrée. Il s'agit, en effet, de remplir les salles de spectacle qui vont les accueillir.

 

Pour le jeune public portugais, la venue des créateurs de Daydream constitue un véritablement événement. En effet, le Wallace est l'un des premiers groupes pop étranger à être autorisé à se produire sur leur sol et ce avec l'assentiment de la dictature militaire au pouvoir.

 

En 1970, pour franchir les frontières entre états européens, il faut scrupuleusement reproduire en triple exemplaire la liste complète du matériel et des instruments sur un document baptisé « carnet ATA ». Ce carnet doit être visé par le secrétaire d'ambassade du pays que l'on désire visiter ou simplement traverser. Phil, habitué à ce genre de tracasserie administrative, croit de bonne foi avoir rempli toutes les formalités comme il convient.

 

Sylvain Vanholme (Portugal 1970)

 

Mais au poste frontière, les douaniers constatent que le camion ne figure pas sur le fameux carnet ATA. Ils acceptent donc le passage du matériel mais refusent celui du camion.

 

Phil se perd alors en de longues heures de négociation et finit par obtenir l'autorisation de pouvoir véhiculer le matériel jusqu'à la première gare. Et comme la confiance règne, il se voit affublé d'un gabelou. Ensuite, il revient déposer le camion vide au poste frontière et fonce en taxi vers la gare la plus proche.

MONUMENTAL

Wallace Collection (1970)

 

 

 

Arrivé enfin à Lisbonne, Phil parvient à trouver des porteurs qui l'aident à descendre du train l'équipement technique des musiciens. L'un d'entre eux se propose de lui louer le camion non bâché de son entreprise de maçonnerie. C'est à ciel ouvert, que Phil et le matériel traversent Lisbonne pour enfin arriver au Monumental.

 

Le concert du 19 au soir au Monumental est sold out. Dehors, on se bat pour les derniers billets. Les musiciens éprouvent toutes les difficultés du monde à accéder à leurs loges. John, Denis, Marc et les autres tiennent la grande forme. C'est vraiment l'hystérie. Les jeunes profitent de l'événement pour se défouler.

 

Même Sylvain perd de sa réserve habituelle. Il n'hésite pas à apparaître sur scène monté sur un petit vélo d'enfant, sous les applaudissements nourris du public.

 

Vers la fin du concert, confiné qu'il est généralement dans son rôle de violoncelliste classique, Denis se précipite sur le devant de la scène. Il s'empare d'un micro et assène un de ces solos d'harmonica blues dont le son résonne encore dans mes oreilles (Marc Hérouet).

 

A la sortie du show, c'est à nouveau la bousculade. Pour ressortir des loges, c'est pire que pour y entrer. Une foule immense réclame des autographes et bloque toutes les issues. Deux heures durant, les membres du groupe restent enfermés dans leur caravane, entourés de jeunes déchaînés, difficilement canalisés par des forces de police dépassées.

 

Dans un climat de tel débordement, Phil veille sur ses musiciens comme une mère poule sur ses poussins. À un moment donné, la porte de la caravane s'ouvre brutalement. Le roadie se mue alors en furie. Il plonge vers la porte, la referme non sans distribuer quelques gnons au passage. J'ai éjecté deux ou trois mecs et… la fille du commissaire en chef de la ville, qui elle, avait obtenu le sésame pour nous rejoindre. Ce que nous ignorions évidemment. Après quelques excuses, tout a fini par s'arranger.

 

Finalement, les artistes sont délivrés par les forces de l'ordre et terminent la soirée dans une party très chic, copieusement arrosée et fréquentée par tous les pontes du régime.

 

Le lendemain, le Wallace Collection donnera un second concert dans un Monumental tout aussi bourré à craquer que la veille ce qui donnera lieu à de nouvelles scènes d'hystérie collective.

NUIT AGITÉE À PORTO

Sylvain sur le yacht (Porto 1970)

 

Le samedi 21. Le Wallace s'envole pour donner un concert au Coliseum à Porto. Trois mille jeunes en délire les attendent et leur réservent un accueil triomphal. Ce soir-là, Sylvain est invité sur un yacht avec Els sa copine, venue le rejoindre pour quelques jours. Le propriétaire s'éclipse et les laisse en tête à tête. Durant la nuit, un énorme orage éclate.

 

Le bateau, ballotté par les lames de plus en plus violentes, se met à tanguer de gauche à droite. Le couple, qui comptait passer une soirée relax, se retrouve plongé en pleine tourmente des éléments. J'ai bien cru qu'on allait mourir. Dans un noir d'encre, le petit yacht s'est mis à effectuer de grands cercles dans le port. Bien qu'on soit amarré, on a cru qu'à tout moment la corde allait se rompre et qu'on allait dériver dans l'océan Atlantique.

 

De retour à Lisbonne le lendemain, ils ont la mauvaise surprise d'être accueillis  à l'aéroport par le directeur du Monumental. Celui-ci est très en colère. Bien que son contrat avec le groupe ait pris fin dès le vendredi, il ne digère pas que le groupe se soit produit à Porto. Il exige un pourcentage sur leur cachet. Discussions, criailleries, chantage… pour un résultat … négatif !

 

 

MADRID : LE CONTRASTE - RETOUR LISBONNE

 

Le lundi 23, par train de nuit, les musiciens traversent la frontière espagnole et arrivent à Madrid. Immédiatement pris en charge par une délégation d'EMI, ils sont aussitôt dirigés vers les studios de télévision de la chaîne nationale TVE. Ils y passeront toute la journée.

 

Lorsqu'ils regagnent leur hôtel, ils sont saisis par le contraste saisissant qui règne dans les rues. L'atmosphère est lourde. Des militaires armés déambulent un peu partout. Pas de jeunes autour de leur hôtel. Pas de demandes d'autographes. C'est la chape de plomb. Pas question non plus d'espérer sortir pour guindailler ! La nuit, Madrid est plus que jamais sous régime militaire. Les musiciens restent cantonnés au bar de l'hôtel ou dans leur chambre. Une sale ambiance.

 

Le lendemain, ils sont de retour sur les plateaux de la télévision. Profitant d'une pause, Sylvain sort du studio, effectue quelques pas et se choisit un coin de gazon pour s'y détendre et faire bronzette. Il ferme les yeux et se met à somnoler. Quelques minutes plus tard, il est réveillé par la voix autoritaire d'un garde civil qui, arme au poing, lui intime l'ordre de regagner le studio.

 

Sylvain

J'ai eu froid dans le dos en me voyant traité comme un délinquant. Ce garde m'a littéralement pointé l'arme dans le dos, sans doute pour m'humilier ou me faire peur.

 

Heureusement, demain, ils repartent pour Lisbonne. Il est dix heures du matin. Depuis, une heure, les musiciens végètent dans le hall de l'aéroport. Ils sont inquiets. Ils ne sont pas certains d'obtenir les tickets pour les ramener à Lisbonne. Il leur faudra patienter jusqu'à seize heures pour enfin recueillir les précieux sésames qui vont leur permettre d'échapper à cet univers menaçant digne d'un pays communiste.

 

De retour en pays ami, le groupe se retrouve devant la caméra pour les besoins d'un film publicitaire vantant les mérites d'une ligne de vêtements. Pour régler leurs dettes, que ne ferait pas Jean Martin ? Fatalistes, les musiciens se disent que dans la vie il faut faire des concessions.

 

Wallace Collection (1970)

 

 

Le tournage dure plusieurs jours. Dans les rues, les passants les reconnaissent et les accostent pour des autographes. Des commerçants les invitent même à entrer dans leurs boutiques. Certains vont jusqu'à leur offrir chemises, pantalons ou paires de souliers pour autant qu'ils posent en photo devant leur magasin. Le soir, les fêtes et les invitations se succèdent.

 

Les musiciens sont ainsi approchés par un émissaire du magnat des sherrys portugais, le Senior Pedro Domecq. Ce dernier les réquisitionne pour un concert privé dans son hacienda… en l'honneur de sa fille qui fête son anniversaire. Ce sera leur dernier show dans ce pays extraordinairement accueillant.

 

Le vendredi 27, dès l'aube, ils sont déjà sous les tours du Château Saint-Georges de Lisbonne, pour achever les prises de vue de leur film publicitaire qui, décidément s'éternise et crispe tout le monde. Enfin, vers midi, c'est la libération. Puis, la course jusqu'à l'hôtel, ensuite jusqu'à l'aéroport. Un vol Pan Am les transporte à Nice, puis à Juan les Pins, où ils jouent en soirée.

 

Marc Hérouet : l'accueil très chaleureux de la Provence à notre musique reste pour nous tous un excellent souvenir. Nous avons presté pour des patrons de boîtes qui nous avaient à la bonne et qui étaient assurés de remplir leurs établissements grâce à notre réputation.

 

Notes : Le 28, on a roulé près de trois cent bornes à six dans une Mercédès jusqu'Arles (interview pour France Inter) ; le soir on a fait le Akou Akou, un Club de Valbonne au Val de Cuberte.

 

Le 29, on a joué dans un dancing de Châteaurenard, qui s'appelait le Kilt et on a logé dans un hôtel à Bagnols-sur-Cèze. Le 30, on a fait Chalon-sur-Saône. Retour sur Bruxelles la même nuit.

 

GUIDO EVERAERT

 

Dès leur retour, le Wallace Collection procède au remplacement de Denis Van Hecke.

 

Le nouveau violoncelliste choisi est beaucoup plus calme, plus dans la norme de ce qu'attend Raymond Vincent. Il s'appelle Guido Everaert et c'est le troisième à remplacer un musicien du groupe .

 

Marc Hérouet : si Guido était un bon violoncelliste, il faut reconnaître qu'il nous faisait renouer avec la tradition classique de Jacques Namotte… à la grande satisfaction de Raymond. J'ai le souvenir d'un gars sérieux et agréable qui savait se tenir à table (!) mais qui gardait son rang de pur interprète sans apporter de réelle contribution créative.

 

Mais ce n'est pas tout. Depuis leurs diverses expériences scéniques à l'étranger, où ils se sont retrouvés en face de publics très différents, les musiciens se sont rendu compte que les cordes pêchaient par manque de rythmique. Il faut se rendre à l'évidence, face à la redoutable concurrence des groupes internationaux, l'apport d'un seul violon ne suffit plus. Raymond souhaite obtenir un son nettement plus grave. Pour cela il lui faut un un violoniste alto.

 

Guido Everaert

Guido Everaert

 

SERGE GHAZARIAN

 

Serge est arménien d'origine. À l'âge de seize ans, il décroche un premier prix de solfège au Conservatoire de Liège. En 1962, il reçoit le le premier prix d'Harmonie avec distinction. Il devient premier violon à l'orchestre du Théâtre Royal de Liège.

 

Mais, l'année suivante, il est victime d'un malencontreux accident de moto. Il s'en sort avec plusieurs fractures à la main gauche. Le voilà, hors circuit, pour trois longues années, d'une rude rééducation. Pour survivre, il devient musicien de boite de nuit.

 

 

Serge Ghazarian

 

En même temps, il apprend l'alto, cet instrument plus grave que le violon, sorte d'intermédiaire entre le violon et le violoncelle.

A force de volonté et de ténacité, il parvient à retrouver en 1967 son poste de premier violon au nouvel Opéra de Wallonie.

 

Lorsque Raymond fait appel à Serge, ce dernier vient d'avoir vingt-neuf ans. Il accepte immédiatement la proposition de devenir le septième Wallace

 

Marc Hérouet : Quant à Serge Ghazarian, voilà un musicien qui sortait du commun ! Je m'entendais superbement avec lui, c'était la crème des types.

Déjà son instrument ! Son alto contribuait à lui conférer un look très personnel. Arc-bouté entre deux mondes, sa personnalité tenait ou de l'arménien du XIIe siècle ou du martien mais pas vraiment de celle d'un musicien pop ou classique. C'était un véritable phénomène.

 

D'une part, il avait une oreille « absolue », ce qui signifie qu'il s'accordait sur le « la » qu'il avait en tête et non sur celui que je lui donnais au piano ! Résultat : il jouait uniquement pour lui, et restait sourd à notre accordage ; ce qui créait de curieuses dissonances qui le faisaient sourire derrière son abondant système   pileux.

D'autre part, il avait une faculté de mémorisation extraordinaire. Il ne lisait les partitions qu'une seule fois et était capable de les retenir à vie. Je m'amusais à lui demander de jouer la partie du deuxième alto de Carmen ou du Crépuscule des Dieux qu'il avait dû interpréter dans la fosse de l'Opéra de   Wallonie ! Et il y arrivait avec brio. Excentrique, hyper distrait, obsédé par les régimes alimentaires de toutes espèces, les tournées avec lui tenaient du gag permanent.

 

Carnet de route :

Mercredi 1/4 - TV au Théâtre Américain toute la journée en compagnie de Yes.

Samedi 4/4 - Joué à Furnes. Pas mal du tout.

Dimanche 5/4 - Joué à Courtrai .

Du 6 au 10/4 - Répétitions à la Cage aux Poules.

Samedi 11/4 - Joué à Düsseldorf. Réception à l'ambassade américaine. Retour dans la nuit.

Dimanche 12/4 - Joué à Hamoir. Festival boueux !

 

 

WALLACE NEW LOOK

GRAND PRIX ANNUEL DES CRITIQUES DE VARIÉTÉS 1970

 

Grand Prix annuel Variétés 1970

Guido, Serge, Raymond, Marc, John, Freddy, Sylvain

 

Le lundi 13 avril, le Wallace Collection reçoit le Grand Prix Annuel de l'Association Belge des Critiques de Variétés par onze voix pour contre huit (en faveur de Claude Nougaro). L'événement se déroule dans le cabaret Chez Paul au Gaity.

 

A la lecture du compte-rendu (signé Dx) de la soirée publié dans un quotidien bruxellois, on est en droit de se demander ce qu'ils ont été faire dans cette galère.

 

« Un programme de choix avait été composé pour la circonstance : en plus du dynamique et ineffable Edouard Caillau et de l'excellent quatuor de Vic Perry, le couple si sympathique formé par Mary et Georges vint, sur une musique de Gershwin, composer sa chorégraphie à la faveur de laquelle, avec des accents modernes, ils joignent l'amour de la danse à l'élégance du geste.

 

Quant aux Kaskards, ils réalisèrent, avec leurs quilles, des choses vraiment exceptionnelles dans le genre, quelles que fussent d'ailleurs les positions qu'ils avaient décidé d'adopter pour réussir leur extraordinaire numéro. Enfin, la grande Terri King, que l'on applaudit chaque soir depuis le début de ce mois, vint renouveler, pour la plus grande joie des, spectateurs, d'ailleurs très nombreux, ses inimitables effets de voix et ses explosions de jazz ».

 

La manière avec laquelle le « journaliste » dépeint la soirée est des plus éloquentes. On sent le parti pris à chaque ligne. En effet, après avoir vanté de façon dithyrambique la prestation des artistes de music hall, le voilà bien en peine de devoir décrire la suite du programme. Jugez vous-même :

 

La nouvelle formule à sept

 

« Puis, après un bref entracte, deux violons, un violoncelle, deux guitares, un batteur et un pianiste dans lesquels on retrouvait cinq jeunes gens aux longs cheveux, un autre très barbu, prirent possession de la scène et de la piste.

 

 

Pendant plus d'une heure, les Wallace Collection s'évertuèrent à martyriser leurs instruments. Maîtres dans les exercices de conservatoire et dans l'exploitation des sons les plus inhabituels ou tout bonnement classiques, ils emballèrent littéralement l'assistance qui applaudit à tout rompre tous les accords... imparfaits qui plaisent tant aux jeunes.

 

Et puis, Chez Paul lundi soir, tout le monde était jeune puisque les Wallace Collection ont, avec un long aperçu de leur immense talent qui a fait d'eux une des formations « pop » le plus en vue en Europe, élargi encore le cercle de leurs supporter.

 

Vraiment, ces sept grands artistes qui se prénomment Serge, Guido, John, Sylvain, Raymond, Marc et Freddy, sont on ne peut plus dignes de succéder aux précédents grands prix des critiques de variétés belges et qui ont pour noms : Jacques Brel, Serge Reggiani et Marie Laforêt.

 

Marc Hérouet : Nous étions fort blasés de ce genre de réception et récompense.

 

Claude Delacroix les présenta individuellement aux spectateurs avant que le président et le vice-président de l'association, MM. Henry Lemaire et Staf Knop, ne remettent aux Wallace Collection le prix qui récompense tous les efforts qu'ils ont déployés jusqu'ici en faveur de la musique « pop » et au service de nos représentants.

 

 

Pour Jean Martin, l'opération est loin d'être négative. Il en profite pour signaler, que pour la première fois, la presse francophone évoque enfin les mérites du groupe belge.

 

Puis il ajoute perfidement : on va sans doute nous demander de donner un gala gratuitement. Figurez-vous que, l'année passée, alors que nous étions premiers partout avec Daydream, il y avait seulement quatre critiques sur les vingt-sept qui connaissaient le nom du Wallace.

 

Ce qui me semble assez bizarre, c'est que nous avons été opposés à Claude Nougaro, qui est déjà dans le métier depuis un bon bout de temps. Or ce Prix des Critiques devrait plutôt consacrer un nouveau venu. Pourquoi a-t-on négligé Moustaki ? De toute façon, j'ai eu des échos de ce qui s'est passé durant le débat, qui a eu lieu au cours d'un diner.

 

Faute d'insister, nous n'en saurons pas plus.

 

 

RÉPÉTITIONS À LA CAGE AUX POULES

 

En ce mois d'avril de l'année 1970, Vincent, Vanholme et McKay se retrouvent à la croisée des chemins. Ils doivent faire face à une évidence. Le marché britannique n'a pas suivi ; pour continuer à exister le groupe a dû se replier sur la France.

 

Pour le triumvirat, le choix est crucial : ou il décide de continuer à exploiter la veine commerciale de Daydream ou il profite de l'arrivée des nouveaux pour changer de répertoire et évoluer vers d'autres horizons musicaux.

 

Si Freddy éprouve quelques difficultés à se positionner, Marc estime, pour sa part, qu'il est urgent de sortir du carcan dans lequel le Wallace s'est enfermé. Il aspire à plus de pop, plus de rock et moins de classique. Il n'hésite pas à comparer le groupe à une machine infernale qui l'use et le broie à petit feu.

 

Le manque de temps, les galas ou tout simplement le manque d'envie de se réunir, de se parler pour mettre à plat la situation va très vite s'avérer regrettable.

 

Lentement, Marc va s'acheminer vers l'idée de quitter la formation. Entetemps, les répétitions avec Serge Ghazarian et Guide Everaert reprennent de plus belle.

 

 

Carnet de route :

 

Du 13 au 16/4 - Répétitions à la Cage aux Poules.

Vendredi 17/4 - Joué au Bal de Guy Cudell à St-Josse

Samedi 18/4 - Joué au festival de jazz de Wieze en compagnie de Rhoda Scott.

 

Du 20 au 22/4 - Répétitions à la Cage aux Poules.

 

Jeudi 23/4 - Bruxelles – Francfort – Zagreb

 

Vendredi 24/4 - TV à Zagreb. Excellent accueil. La présence des cordes plait énormément aux publics des pays de l'Est. Les techniciens sont hyper sympas et font tout ce qu'ils peuvent pour nous satisfaire. Leurs moyens sont parfois vraiment dérisoires  

 

Samedi 25/4 - Zagreb – Frankfort – Bruxelles.

Joué le soir au festival de Lierre.

 

Le 6 mai, les musiciens du Wallace Collection, présente leur nouvelle formule avec les deux nouveaux, Serge et Guido, au dancing les Gémeaux. Précisément à l'endroit où leur aventure de groupe a commencé.

 

 

SORTIE DU DEUXIÈME ALBUM

«WALLACE COLLECTION»

alias «SERENADE»

 

Pochette made in France

 

LP « WALLACE COLLECTION »

appelé également « SERENADE »

Angleterre : Parlophone PCS 7099 (stéréo)

France : Odéon 2C 062-04362 (stéréo)

Publié en mai 1970

Produit par David Mackay

Ingénieurs son : Geoff Emerick, Jeff Jarrett,

John Kurlander et Peter Bown

 

 

 

LE RETOUR DE JEAN-MARC DESTREBECQ

 

Phil, le road-manager du groupe, commence à accuser un gros coup de fatigue. Il peine de plus en plus à assumer seul les diverses tâches que Jean Martin lui a confiées. Porteur de matériel, chauffeur de camionnette, ingénieur du son, secrétaire particulier, et accessoirement psychologue, il a besoin de déléguer. Il s'en ouvre à Martin qui en touche un mot à Sylvain, qui lui répond qu'il a peut-être quelqu'un en vue.

 

En fait, Sylvain pense à son vieux complice musicien des Enfants Terribles et du Sylvester's Team, Jean-Marc Destrebecq. En effet, de 1965 à 1968, Jean-Marc a tenu la guitare (et l'harmonica) dans le premier groupe monté par Sylvain.

 

Sylvester's Team - De g.à dr : Jean-Marc Destrebecq,

Gégé Heymbeeck, Freddy Nieuland et Sylvain Vanholme

 

Il a d'ailleurs participé aux premières répétitions du Wallace Collection dont il a failli faire partie.  Mais deux faits majeurs sont intervenus pour faire échouer ce projet.

 

 

D'une part, son père avait opposé un véto catégorique à cette nouvelle aventure, qualifiée d'hasardeuse ; d'autre part, le fait qu'il tienne la guitare rythmique ne lui aurait pas conféré un rôle déterminant dans le futur groupe. Et ce ne sont pas ses talents d'harmoniciste qui auraient pu contrebalancer le désir de Sylvain de faire entrer des cordes dans son band. Jean-Marc a donc été sacrifié sur l'autel de la raison.

 

Ceci dit, il a toujours suivi avec le plus grand intérêt la carrière incroyable du Wallace dès ses débuts. Non sans un petit pincement au cœur... de temps en temps… pour ne pas avoir fait partie de la saga.

 

Début 1970, Jean-Marc, malgré des responsabilités dans la gestion de plusieurs magasins de sports, décide de s'octroyer une période de break.

Alors, quand que Sylvain lui propose de venir prêter main forte à Phil, c'est sans la moindre hésitation qu'il accepte.

Son job principal consiste à collaborer à la bonne organisation des shows du groupe sur le plan technique. L'aventure durera, pour Jean-Marc, un peu plus de six mois.

 

Jean-Marc Destrebecq (1970)

 

 

REVOLUTION - SPEAKEASY - THE WHO

 

Du 18 au 29 mai, une grosse semaine de travail à Londres attend le groupe. Tant pour participer à de nouvelles sessions d'enregistrement que pour donner quelques concerts dans plusieurs clubs de Londres. Mais le planning de Jean Martin prévoit un gala le 23 sur la base de Beauvechain. Les voilà obligés d'interrompre prématurément leurs activités en Angleterre. Comme il s'agit d'un gala organisé par la Force Aérienne, Martin peut une nouvelle fois compter sur le concours des militaires pour rapatrier ses boys.

 

Le vieux zinc atterrit dans l'après-midi sur la base. Au programme de la soirée, Adamo . La double prestation du chanteur belgo-italien et du Wallace est enregistrée par les caméras de la RTB. L'émission passera sur les antennes nationales le 1er octobre.

 

 

Le 26 mai, les membres du Wallace sont attendus au Revolution, l'une des boites les plus en vogue de Londres. Mais dans l'après-midi, ils sont invités à un drink organisé à l'occasion du mariage de Graham Bond, immense rock star de l'époque (l'un des précurseurs du British Blues au sein du Graham Bond Organisation), avec la chanteuse Diane Stewart. Lorsque les musiciens déboulent dans la rue du célèbre club londonien, ils tombent sur une file de Rolls-Royce, de Porsche, de Ferrari, de Jaguar, parquées les unes derrière les autres. Uniquement avec de jeunes gens au volant ! Incroyable spectacle. Les musiciens belges, serrés dans leur fourgonnette, se hâtent de quitter le quartier pour aller se garer quelques pâtés de maisons plus loin.

 

Le soir, le Wallace donne son concert au Revolution devant un public attentif constitué en majorité de professionnels. En plus de leur répertoire habituel, visiblement apprécié, ils se lancent dans un étonnant medley des grands hits des Beatles. La soirée se termine en compagnie des Four Tops, venus en tant que simples spectateurs, et qui invitent les musiciens pour une nuit des plus arrosées.

 

 

 

Speakeasy

 

Le lendemain, au Speakeasy, lors de la balance son, Sylvain est en veine d'inspiration. Soudain, il plaque des accords sur sa guitare, griffonne quelques paroles sur un bout de partition et crée Phil. Le temps d'une demi-heure de répétitions, et le soir, le morceau était interprété pour la première fois en public.

 

Le jour suivant, le Wallace va vivre un grand moment d'émotion. On vient de lui apprendre que, parmi les spectateurs, se trouveront les musiciens du Who. À la question : comment un « petit » groupe belge se sent-il face à de tels monstres sacrés, à une époque où la pop music britannique est à son apogée dans le monde, Sylvain répond : nous étions tous un peu flippés. Je me sentais francophonisé dans un univers à cent pour cent anglo-saxon. Et ça, ça fout quelques complexes !

 

Cela dit, Sylvain souligne également les points forts de cette soirée mémorable . Les deux violonistes, sous amplification Semprini avec leur double chambre d'écho, ont étonné tout le monde. Sur le plan rythmique, Marc était redoutablement efficace au piano, autant que John à la basse. Et puis, Freddy assurait méchamment derrière. Enfin, modeste, il conclut : finalement, le plus faible, c'était moi !

 

Phil et Jean-Marc se rappellent que Keith Moon, le batteur des Who, était complètement saoul. Il offrait à boire à tout le monde. Il n'arrêtait pas de clamer son admiration pour le Wallace, mais surtout … pour Serge Ghazarian. Il lui a même offert un superbe bouquet de fleurs. On aurait dit qu'il en était amoureux. « Ceci est véridique, nous en sommes tous restés baba ».

 

 

LE 13 JUIN 1970 : BRATISLAVA AVEC CLIFF RICHARD

 

Cliff Richard

 

Arrive juin. Le Wallace est invité à se produire dans le cadre du cinquième festival international de la chanson pop qui se tient en Tchécoslovaquie. Tous les chanteurs, chanteuses et groupes folkloriques que compte le pays, sont de la partie. La vedette en est Cliff Richard. Il faut savoir qu'à l'époque, David Mackay suivait de près la carrière professionnelle du chanteur. Il en a donc profité pour faire venir ses poulains belges à Bratislava.

 

 

Foules immenses, accueil délirant, liesse populaire. Il semble que la jeunesse issue du bloc communiste, sache mieux qu'ailleurs, accueillir les groupes de rock occidentaux.

 

Au cours de l'après-midi, lors des répétitions générales, le groupe s'était lancé dans l'interprétation de Bruxelles, extrait de l'album
« Serenade ». Le morceau démarrait par une intro classique jouée au violon par Raymond Vincent et, quelque peu en retrait, par Serge Gazharian,.

 

 

Jean-Marc se souvient de la formidable impression que Raymond produisit sur ses confrères musiciens, tous issus du sérail classique.

 

Planté sur le devant de la scène, face à cet immense stade et seul avec son violon, il s'est lancé dans une interprétation digne de Paganini. A l'issue de ce solo aussi brillant qu'inattendu, toute la fosse du grand orchestre qui accompagnait les chanteurs a réagi en tapant avec ses baguettes sur ses pupitres. La grande classe !

 

 

Raymond Vincent Rock in Belgium

Raymond Vincent - photo © J.H.Degroot

 

Le soir, la ferveur, l'enthousiasme et l'admiration du public tchécoslovaque étonne encore un peu plus les musiciens. Ils renouent avec l'effervescence et le succès qu'ils ont connus à Lisbonne, au mois de mars précédent. Dès que résonnent les premières notes de Daydream, les spectateurs applaudissent et manifestent leur joie en fredonnant ce refrain désormais célèbre, symbole de rapprochement entre deux jeunesses qui ne se sentent pas concernées par des régimes politiques que tout oppose.

 

Après le spectacle, David Mackay et Freddy partent dîner en compagnie de l'interprète de Congratulations et de tant d'autres tubes. C'est ce soir-là, que Cliff proposera au Wallace de devenir ses accompagnateurs pour plusieurs concerts. Mais la proposition demeurera sans suite.

 

 

ALEXANDER DUBCEK

 

Sylvain Vanholme (Bratislava, juin 1970)

 

Lors des deux vols Prague-Bratislava et Bratislava-Prague, le hasard a voulu que les membres du Wallace reconnaissent à l'aéroport un visiteur particulier : l'ancien Président déchu Alexander Dubcek. Ce dernier, à qui on avait confié la mission d'entretenir un parc public de la capitale, prenait l'avion chaque matin de Bratislava pour se rendre à son travail.

 

Marc Hérouet : Oui, je tenais à rencontrer ce héros politique du Printemps de Prague, événement auquel j'avais assisté en direct à la mi-1968 en Tchécoslovaquie même. Nous avons évoqué Josef Kausitz, un ami commun, grand intellectuel qui en était réduit à travailler de nuit comme chauffagiste dans les caves du Château. Rencontre brève avec un homme affable et timide ayant avalé bien des couleuvres...

 

À l'époque, travailler dans un pays communiste équivalait à se faire payer en monnaie de singe. Il était donc indispensable de tout dépenser sur place. Ainsi les musiciens ont-ils dilapidé allègrement leurs couronnes en s'offrant les meilleurs hôtels, les meilleurs restaurants, de longues promenades en taxi. Ils n'ont pas plus lésiné sur le caviar ni surtout sur le champagne qui a coulé à flot durant tout le séjour. Ils ont fait la fortune des bars du coin, tenus par des étudiants.

 

 

LA FATIGUE DE MARC HÉROUET

 

Ce voyage à Bratislava marque un tournant décisif dans la carrière de Marc Hérouet et inévitablement dans celle du Wallace tout entier. C'est au cours de cette période qu'il envisage de quitter le groupe. Il y a plusieurs raisons à ce choix : le récent décès de sa mère, la grave déprime de son père, l'ingestion de cocktails de médicaments pour tenir le coup. Son entourage proche, sa famille, ses amis le décrivent comme un garçon en perte de repères et de contrôle de soi… au point de devenir progressivement ingérable.

 

Le dernier soir, à Bratislava, Marc est approché par David Mackay qui s'inquiète de plus en plus de son état physique et psychologique. S'ensuit alors une sérieuse discussion.

 

Marc Hérouet

 

Marc Hérouet : Au cours de ce repas, je lui ai fait part de mes états d'âme. Je lui ai expliqué que j'en avais ras-le-bol du côté commercial du Wallace, des dissensions au sein du groupe. Bref je lui ai annoncé mon intention de partir. Il en a été attristé et m'a une nouvelle fois proposé de prendre nominalement la direction du groupe, proposition que j'ai évidemment refusée.

 

S'il est une règle qui prédomine dans le Wallace c'est bien de ne jamais étaler ses états d'âme ni d'évoquer ses problèmes personnels.

Même si les autres membres du groupe sont partiellement au courant des souffrances que Marc endure, ils n'en laissent rien paraître. Il est probable que Mackay ait discrètement alerté Sylvain, Raymond ou Freddy. Pourtant et sans doute par pudeur, aucun n'a cru bon d'intervenir. Cela n'a rien d'étonnant lorsque l'on sait que les musiciens ne se fréquentaient quasiment jamais lors de leurs sorties quotidiennes.

 

Marc, Sylvain et John

 

Marc explique qu'en dehors de la musique, chaque musicien avait des centres d'intérêts forts différents. Ainsi lui, se passionnait-il, depuis toujours, par l'antiquité gréco-romaine. Je profitais autant que possible des temps libres pour visiter musées, monuments, nécropoles, bibliothèques, etc. Le sommet, si je puis dire, a été notre voyage à Athènes. J'en ai profité pour visiter l'Acropole, que je désirais arpenter depuis longtemps.

 

Sortir avec Freddy aurait plutôt tenu de l'accompagnement thérapeutique. Par contre, avec John Valcke, c'était le pied. C'était le type de compagnon idéal pour supporter la fatigue et l'ennui des tournées. Je garde également de bons souvenirs de sorties avec Phil, notre road manager...

 

Après tout, pragmatisme et réalisme ne sont-elles pas les meilleures voies à suivre dans ce genre de situation ? Quelles aides auraient pu apporter les musiciens, confrontés eux-mêmes à leurs propres difficultés ?

 

DISCOGRAPHIE "COMPLÈTE"

JANVIER/JUIN 1970

Format PDF (7 pages)


Recherche et commentaires de Philippe Colinge

 

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Lire la suite : Le Crépuscule (3)

 

 

Biographie officielle rédigée par Jean Jième, extraite de

One-Hit Wonder - Wallace Collection.

Avec la collaboration de Philippe Colinge pour ses

recherches, corrections et commentaires.

 

Remerciements tout particuliers à Marc Hérouet pour sa précieuse collaborationet pour la mise à disposition de ses carnets de notes..Remerciements à Sylvain Vanholme, Christian Janssens, Jacques Namotte, John Valcke, David Mackay, Jean Martin, Jean-Marc Destrebecq, Daniel Lempereur dit Phil, Claudette André.

 

Textes et photos sous copyright de leurs auteurs. Reproduction interdite sans autorisation

 

 

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DOSSIERS COMPLÉMENTAIRES

 

Biographie officielle des Seabirds

Biographie officielle du Sylvesters's Team

Jean Martin, impresario

L'audition du Wallace Collection aux Gémeaux - octobre 1968