CHRONIQUE 1973- 1980

 

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TORHOUT-WERCHTER FESTIVAL

9 JUILLET 1978

 

Texte repris d'un article de Bert Bertrand publié dans le magazine Télémoustique N° 2739.

 

Gerry Rafferty © Marc Spinoy

 

 

WERCHTER '78 : UNE BONNE ORGANISATION

 

Mettre sur pied un festival est peut-être plus hasardeux encore qu'organiser un concert, car son succès est tributaire du temps d'abord, du programme proposé ensuite, et finalement de l'organisation.

 

C'est la réussite combinée de ces trois éléments qui a fait de Werchter '78 un triomphe.

 

D'abord, c'était le premier jour de soleil d'un été particulièrement pourri; aussi plus de 8.000 personnes (le double de ce qu'escomptaient les organisateurs) s'étaient-elles déplacées dans ce petit patelin près de Louvain, pour applaudir cinq groupes qui pourraient assurer seuls la tête d'affiche de n'importe quel concert en Belgique.

 

Bien sûr, le terrain était encore boueux (il avait plu la veille) et il a fallu attendre tellement longtemps pour pouvoir entrer qu'on a raté Raymond van het Groenewoud, mais Werchter '78 est le premier festival auquel j'assiste qui s'est achevé avec une demi-heure d'avance sur l'horaire et où tous les artistes se sont produits comme prévu.

 

Vu la foule, les organisateurs ont été un peu débordés et le chapiteau était vraiment trop petit pour contenir le monde, mais finalement tout s'est très bien déroulé et, sans bodyguards !

 

 

 

En effet, il n'y avait pas de casseurs et il n'y a pas eu de casse. Il y a peut-être une morale là-dedans.

 

 

AU PROGRAMME :
RAYMOND VAN HET GROENEWOUD
GRUPPO SPORTIVO
RUNAWAYS
TALKING HEADS
DR. FEELGOOD
NICK LOWE, DAVE EDMUNDS, ROCK PILE

 

 

Lorsque GRUPPO SPORTIVO monte sur la scène, ils reçoivent un accueil plus qu'enthousiaste du public, que les Gruppettos entretiennent avec beaucoup de chaleur et de professionnalisme en parlant néerlandais entre les morceaux. Mais fréquemment, elles dépassent les limites de la vulgarité.

 

Gruppo Sportivo déborde d'idées et dénonce en les parodiant beaucoup de clichés de la pop music des vingt dernières années, mais leur image risque de devenir très vite stéréotypée et lassante et leur hu­ mour est souvent superficiel.

 

Ils ont quelques très bons morceaux malgré tout, comme Beep-Beep Love, qu'ils interprètent en rappel.

 

Gruppo Sportivo © Paul Coerten

 

Il y a deux ans, lorsque « Hot » vous avait présenté en avant-première l'album des RUNAWAYS, nous avions écrit : « Précipitez-vous sur cet album avant qu'il ne soit trop tard, pour vous comme pour elles. »

 

 

Et en fait, le temps n'attend personne, pas même les Runaways, et leur musique, qui fut instantanée, et aujourd'hui irrémédiablement datée. Peu importe, remarquez, pour les festivaliers qui se délectent de voir quatre nymphettes en action et d'entendre des rifts de hard-rock ravageurs (ravagés ?

 

Joan Jett gueule un peu comme le chanteur de Slade ou celui d'AC/DC, elles sont toutes les quatre très lourdement maquillées et assez vulgaires.

 

La batteuse Sandy West, qui est coiffée comme Farrah Fawcett-Majors, mais a des biceps comme Arnold Schwarzenegger, chante une version imitable de Wild Thing des Troggs, Elles obtiennent même un rappel.

 

Runaways

 

 

 

 

Ensuite, TALKING HEADS connurent le plus grand triomphe du festival. C'est à la fois mérité et surprenant, car, à première vue, la musique de Talking Heads est sans doute un peu ésotérique pour un festival et les membres du groupe sont peut-être un peu froids, mais le public a imprévisiblement réagi d'une manière plus que favorable.

 

Ils ont interprété en tout huit chansons de leur premier albums « 77 » et sept de leur tout nouveau « More Songs About Buildings And Food ».

 

David Byrne était dans une forme incroyable, remerciant le public en chantonnant au micro et faisant le fou sur scène.

Lorsque Talking Heads a obtenu un deuxième rappel délirant , on a même vu la bassiste Tina Weymouth sourire !

 

David Byrne et Tina Weymouth © M.Spinoy

 

 

Avant leur concert, les musiciens de DOCTOR FEELGOOD avaient organisé une très puérile bataille de mottes de terre avec Jake Riviera (manager de Nick Lowe, d'Elvis et fondateur de Stiff). Ainsi lorsqu'ils sont montés sur scène, étaient-ils couverts de boue. De plus, ils étaient pleins.

 

Alors que leur style de blues hard rapide est idéal pour un festival et que leur ancien guitariste Wilko Johnson était un showman fascinant, son remplaçant John Mayo ne fait pas le poids et Lee Brilleaux est assez pitoyable. Quand il lance son micro en l'air, il n'est pas capable de le rattraper au vol, et pour compenser il fait semblant de se « kxvhzrber » avec une bouteille de bière en la secouant afin qu'il y ait des jets espacés. Le public parait s'en amuser. Lorsque Brilleaux prend la guitare, il n'est pas moins ridicule.

Sans doute s'en rend-il compte puisqu'en quittant la scène, il casse tout ce qui se trouve à sa portée, micros, batterie, bouteilles, etc.

 

Le public est ravi et le rappelle.

 

 

 

La plus grande inconnue du festival, c'était l'association de Nick Lowe avec Dave Edmunds et Rockpile, et c'était un événement qu'on n'aura pas souvent l'occasion de revoir.

 

La différence avec Dr. Feelgood est sidérante. Hormis Nick à la basse et Dave à la guitare, il y a Billy Bremner à la guitare et l'excellent Terry Williams à la batterie, tous très professionnels et remplis d'humour. Nick Lowe a un contact fantastique avec le public, plaisantant sur chaque morceau.

 

Et Lowe a l'air tellement plus sain que Brilleaux ! Ils ont joué leurs plus gros hits : I Knew The Bride, Here Comes The Weekend, I Hear You Knocking, I Love The Sound Of Breaking Glass et So It Goes.

 

C'est par cette performance brillante que s'est achevé le festival de Werchter qui, contrairement aux festivals de trois jours, souvent en manque d'imagination dans la programmation, présente une solution beaucoup plus attrayante puisqu'il concentre le show en une journée.

 

À récidiver au plus vite.

Bert Bertrand.

 

Nick Lowe © M.Spinoy