BIBLIO ROCK

 

Retour sur la page BIENVENUE

Chapitre 1 : Cravate

 

Chapitre 2 : "Un individu malfaisant"

 

Chapitre 3 : Summer 69

 

Chapitre 4 : 1969, l'année du siècle

 

Chapitre 5 : Dawn of the seventies

 

Chapitre 6 : Wight 70

 

Chapitre 7 : La Ferme!

 

Chapitre 8 : fin 1970 L'explosion

 

Chapitre 9 : Déglingue du rock belge

 

Chapitre 10 : Monstres Sacrés

 

Chapitre 11: Charisme

 

Chapitre 12: Glam Rock - Le Schisme.

 

Chapitre 13: Rock 73

Genesis-Jemelle-Bilzen

 

Chapitre 14: Rock 74

Stones - Rapsat.

 

Chapitre 15: Les grands concerts de 1974

 

Chapitre 16 : Rock et Journalisme

 

Chapitre 17 : Épilogue

 

 

 

LIVRES-ARTISTES

 

Machiavel 40 ans de musique

 

La France et les Beatles (Hocquet-Krasker)

 

Beatles Jours de vie Richard Havers

 

1969 - Année Rolling Stones - Let It Bleed

(Ethan Russell)

 

Qu'en pense Keith Richards ?

(Mark Blake)

 

Cliffhistory

(Robert Morgan)

 

The Man Who Led Zeppelin

Chris Welch

 

Elvis - Last train to Memphis-Careless Love

P.Guralnik

 

Elvis en devenir Alfred Wertheimer

 

Chuck Berry - Long distance information (Fred Rothwell)

 

Jacques Dutronc

(Michel Leydier)

 

Johnny et Nous : 50 ans de rock

J.Q. Gérard

 

Johnny Sixties

(J.P. Leloir)

 

Hallyday-Derniers secrets

Przybylski

 

Rock'n'Romance Nanette Workman

 

 

LIVRES-AUTEURS ROCK

 

Autant en emporte le rock

(J.N.Coghe)

 

Amougies 24/28 octobre 1969

(J.N. Coghe)

 

Coeur de Rock

(Piero Kenroll).

 

L'école de Canterbury

(Aymeric Leroy)

 

Ancienne Belgique, salle de légende

Johan Ral

 

Golden Years

(Paul Coerten).

 

Smalls (Small Faces)

(J.N.Coghe)

 

Nos années Salut les Copains

Christophe Quillien

 

The Big Beat Scene

Royston Ellis

 

Jésus prend la mer

(James L.Burke)

 

Rock Critics

Feel like going home (P.Guralnik)

 

Antibes Juan-les-Pins-50 ans de jazz 

 

American Rock'n roll UK Tours 1956-72 (Ian Wallis)

 

Rock and Roll duo Kenroll-Guyaut

 

50s Today

Charles Chojnacki

 

 

CONCERTS

 

James Burton au Spirit 26/04/2010

 

Paul Anka Forest National 21/11/2009

 

Cliff Richard Forest National 8/11/2009

 

DVD

 

Dusty Springfield

 

Paul Anka Rock Swings - 2009

 

Cliff Richard Final Reunion - 2009

 

Marty Wilde : 50th Anniversary Concert 2007

 

FILMS

 

Vince Taylor -Chemin de la mauvaise route

 

Cliff Richard - Filmo

 

ÉMISSIONS TÉLÉS

 

Pop TV Hollande 1960-1975

 

CHRONIQUE 1960-1965 CHRONIQUE 1966-1972 CHRONIQUE 1973-1980 LES PIONNIERS DU ROCK GROUPES BELGES
BIBLIO ROCK CINÉS DU CENTRE VILLE CINÉS DE QUARTIER PROGRAMMATION TOUT BRUXELLES CINÉ DOCS
 

GRAVÉ DANS LE ROCK

Intégral inédit du second ouvrage de © Piero Kenroll

CHAPITRE DIX

MONSTRES SACRÉS

 

Peter Gabriel Memoire60-70

Peter Gabriel

En route vers l’Italie, où l’on semble l’avoir découvert aussi, Genesis fait escale le 22 avril à Arlon pour un concert qui réunit aussi quelques groupes amateurs de la région et Doctor Downtrip. Arrivé dans l’après midi, je constate avec ahurissement que le principal souci de la majorité des spectateurs présents est «  de se saouler le gueule au gros-rouge- qui-tâche ». Mais je ne suis pas au bout de mes surprises. Au cours de mes pérégrinations d’un coin à l’autre du pays pour couvrir  tout ce qui se rapporte au rock, j’ai souvent été témoin du peu de condescendance de la police vis à vis des jeunes. Bref : les flics, j’aime pas trop. Mais Arlon…Ce doit être le monde à l’envers ! Les policiers locaux de service ce jour-là sont d’une gentillesse inoubliable.

 

Genesis attendu à Zaventem voit son avion dévié sur Francfort : c’est la police qui arrange la récupération des membres du groupe en Allemagne. Les deux sympathiques agents qui s’en occupent vont même jusqu’à proposer de leur trouver un hôtel, insistent pour assister au passage du groupe, et demandent même des autographes aux musiciens de Doctor Downtrip (qui s’attendaient plutôt à ce que, comme de coutume, on leur demande leurs papiers). Genesis, excellent comme d’habitude, se produit devant un public que le vin a rendu majoritairement amorphe à l’exception de quelques cas qui ont la boisson mauvaise.

 

A nouveau ce sont ces policiers qui, en douceur, désamorcent le problème. Une fan du groupe, qui a fait le déplacement depuis Bruxelles, confie à l’un d’eux qu’elle n’a pas l’habitude de voir des agents comme ça. « Pourtant, la police c’est fait pour aider les gens» lui répond le brigadier. Dommage pour Genesis. Ce public d’ivrognes ne le  rappelle même pas. Et je dois avouer que, dans mon compte-rendu de l’ « événement », les flics Arlonais lui chipent la vedette.

   

Nous sommes les premiers à annoncer que des négociations sérieuses étaient en cours entre le manager du Led Zeppelin et une agence belge. On croit rêver : ça marche ! C’est G.E.M., la société de Paul Ambach à qui l’on doit déjà les visites de James Brown, de Buddy Miles et José Féliciano, qui signe le contrat pour un concert à Forest-National  le 28 mai.

 

C’est la première fois qu’un des groupes qui compte parmi les cinq ou six plus grosses vedettes mondiales vient en Belgique alors qu’il est au sommet de sa gloire. L’engouement est formidable. Bien que pour les concerts rock le public soit peu habitué à acheter ses places à l’avance, 2000 des 5500 disponibles sont déjà vendues un mois avant le concert.

 

Je parie un repas avec Paul Ambach que ce sera « sold out » avant le jour du concert. Il se demande ce que « sold out » veut dire. Le manager du groupe envoie un délégué inspecter la salle. On décompte les jours avant l’événement. La pression monte.

J’ai une idée : un historique dessiné du Led Zeppelin qui remonterait aux Yardbirds, aux fabuleux guitaristes qui y ont défilé et montrerait toutes les connexions avec d’autres groupes comme Renaissance, Vinegar Joe etc. Je soumets un schéma à Yves Baquet qui me le transforme en un petit chef d’œuvre (39). Nous le passons sur une pleine page.

 

Led Zeppelin Tele Moustique

 

Les deux semaines qui précèdent le concert, en première page de Hot, il n’y en a d’ailleurs plus que pour le Led Zep… Enfin : le jour de gloire arrive et Paul Ambach me doit un repas. Toutes les places sont vendues malgré le tarif élevé. Vous vous rendez compte : de 125 à 225 francs (40) pour une place  et même pas de réduction pour le Pop Hot Club !  Enfin…, pour consoler les imprévoyants Paul vendra encore, le soir même des places « debout » à 100 francs.

 

C’est donc un Forest National archi bourré qui accueille le groupe… Pour une prestation qui n’est pas à la hauteur de sa réputation.  Pour la première fois je me rends compte de l’existence  chez beaucoup de spectateurs du syndrome j’ai- payé-cher-pour-être-ici-donc-ce-doit-être-bon.  On a acheté les disques du groupe, on s’en est délecté, on a suivi son ascension vers la gloire, on y a contribué, on a rêvé de ce concert, on a épargné pour se payer une place, on y est enfin…Alors on ne peut pas concevoir que ce ne soit pas parfait.  Or on est loin du compte. D’abord à cause de l’épouvantable acoustique de Forest-National.

 

Actuellement, le seul remède pour atténuer l’infernale résonance qui la caractérise est de jouer très fort. Paradoxalement pour un groupe dont l’essentiel du répertoire est « heavy metal » le groupe y va cependant mollo. Pourtant d’énormes baffles entourent les deux côtés de la scène. C’est une autre frustration pour plusieurs centaines de spectateurs dont la vue est gênée par ces installations.

 

J’essaie d’être objectif : « Plant, Page, Jones et Bonham connaissent leur métier, ce sont de bons musiciens, ils ne ménagent pas leurs efforts (ils occupent la scène durant deux heures et demie), ils ont un sacré light-show et leur répertoire est varié. Par contre, ils ont l’air de se prendre un peu trop pour ce qu’ils sont. Arriver sur scène avec plus d’une heure de retard, vouloir à tout prix le silence pendant les morceaux acoustiques (alors que la plus grande partie des spectateurs est là pour passer un bon moment et non pas pour se faire éclabousser par la virtuosité de ces messieurs), bref, se prendre au sérieux, ils auraient pu l’éviter. 

 

A Bruxelles, le Led Zep a commencé sa prestation avec les « Aaaaaaaa » de « Immigrant Song » . Ça répondait aux  « Aaaah ! Ils sont enfin là ! » du public. La première partie du concert fut très hard avec les titres les plus accrocheurs des albums du groupe.

 

« Stairway To Heaven » fut magnifique, car c’est un morceau magnifique. Suivaient trois ou quatre trucs acoustiques à la fin desquels Monsieur Robert Plant a même autorisé les spectateurs à taper dans les mains. Retour au rock avec Jimmy Page jouant de la guitare avec un archet…Plutôt chiqué.

 

Enfin «  Whole Lotta Love » et ça commence à devenir vraiment amusant. Le morceau se transforme en jam dans laquelle viennent s’intercaler quatre classiques du rock : « Hello Mary Lou » de Ricky Nelson, « Running Bear » de Johnny Preston, »Lawdy Miss Clawdy » et « Heartbreak Hotel » d’Elvis.  Ovation. Applaudissements. Rappel. C’est « Rock And Roll ». Led Zeppelin est meilleur en disque que sur scène, ça ne fait pas un pli. Mais quand on a vu Golden Earring quelques jours avant on ne peut s’empêcher de penser qu’il n’y a pas de justice… »

 

En effet, par rapport à ce qu’il nous sert ce soir-là, la gloire acquise par le Zep semble bien exagérée. Mais elle est réelle ; et mes lecteurs ne comprendraient pas que je ne profite pas de l’occasion pour interviewer un membre du groupe.

 

Après le concert, dans les coulisses on met tout le monde dehors, mais, avec l’aide de Paul Ambach, je me retrouve en tête-à-tête avec Robert Plant.  Il est détendu, volontiers souriant, un peu enroué, mais plutôt sympa. N’empêche… Superstar ou pas, j’ai quelques questions non complaisantes à te poser mon gars…

 

Robert Plant Forest National

Interview de Robert Plant par Piero Kenroll

Erik©Machielsen

 

- Vous êtes en tournée ?

-Non. Nous sommes en vacances. Mais nous nous sommes dit qu’on pourrait jouer à Amsterdam et à Bruxelles. Après nous rentrons à la maison pour huit jours avant une tournée de trois semaines en Amérique.

 

Compris ! Ils sont venus répéter pour la tournée U.S. dans des pays de moindre importance, les salauds !

 

 

 

 

- Les « classiques » du rock que vous avez joué ce soir : les interprétez-vous comme une parodie ou aimez-vous vraiment ça ?

- J’étais un peu déçu par le bruit que faisait le public pendant nos morceaux acoustiques.Alors en fin de soirée, pour nous consoler, nous avons décidé de nous amuser avec des morceaux que nous n’avions jamais joués avant. Nous sommes vraiment fous de ces vieux airs. Ce n’est pas une parodie.

 

Robert Plant

 

- A propos du bruit fait par le public…Ne trouvez-vous pas que c’est normal après que vous l’avez fait poireauter une heure et demie et que vous ne vous en êtes même pas excusé en arrivant ? Les gens s’énervent…

- Oh ! Mais ce n’était pas ma faute. Je ne savais même pas que nous étions en retard. L’organisateur ne nous a rien dit. Vraiment je regrette. Excusez-moi. Nous avons attendu jusqu’à 21h que quelqu’un vienne nous chercher à l’hôtel. On se demandait ce qui se passait. Nous avons dû trouver la salle nous-mêmes.

 

Jimmy Page

 

Allez.. Enfin des excuses. Oui, il est sympa le mec. En plus il semble que cela a été une galère pour venir d’Amsterdam. Le conducteur qui a été cherché le groupe (Paul Ambach lui-même) s’étant perdu en chemin.

 

- C’était comment à Amsterdam ?

- Très bien. Les gens étaient beaucoup plus réceptifs qu’ici. Ils se taisaient pendant les morceaux acoustiques. C’est nécessaire parce que nous devons faire très attention et bien nous écouter les uns les autres.

 

- Mais la tendance actuelle n’est-elle pas de prendre la musique un peu moins au sérieux qu’on ne l’a fait ces dernières années ? Les nouveaux groupes visent actuellement plutôt la participation du public que la virtuosité…

 

- Mais nous avons toujours fait cela aussi. Quand un public est bon, que nous jouons et que nous nous amusons, cela peut aller très loin.

 

L’interview continue autour du prochain album du groupe, de la manière de composer, de l’organisation en tournée etc. Avec le compte rendu ça me fait trois pages. Les fans seront contents. Mais moi je reste sur un goût de trop peu…

 

 

Le Sweet fait une petite tournée en Belgique. Archétype du groupe tout à fait « pop » dans le sens que ses hits hyper-commerciaux comme « Funny Funny »  et « Co co » se succèdent au hit parade, il est plus prisé par les minettes que par les amateurs d’un rock plus poussé musicalement. Mais il en faut pour tous les goûts et c’est mon vieux pote Paul André qui accompagne Sweet à travers le pays.

 

The Sweet 1972

The Sweet

 

Le 13 mai, ils sont à Liers près de Liège. Un public majoritairement féminin accueille le groupe et c’est du délire. Au point que certaines des spectatrices des premiers rangs veulent envahir la scène… Ce n’est pas pour déplaire aux membres du groupe qui, avec leur maquillage et leurs collants font bien les grands fous, mais ne sont certainement pas de grandes folles. Au contraire. Pour aider une de leur fan à monter sur le podium, Steve Priest, le bassiste, descendu au niveau du public,  la pousse en lui mettant la main au popotin. C’en est trop pour le grand-père de la gamine : le colonel de gendarmerie locale qui se trouve être dans la salle à ce moment là. Il fait arrêter le concert. Il fait arrêter Priest. Brian Connoly, le chanteur, proteste : arrêté aussi.

 

Paul est considéré comme responsable de la venue du groupe : on l’arrête. Ainsi que, pour faire bonne mesure, une centaine de spectateurs qui ne demandent qu’à rentrer chez eux mais auxquels les gendarmes demandent de signer d’abord une déclaration comme quoi ils ont vu Priest chipoter une mineure.

 

Paul est relâché le lendemain, mais Priest et Connoly  restent au bloc jusqu’au 19. Il faut l’intervention de l’ambassade d’Angleterre, qui délègue un avocat, pour les libérer. Ils  ratent deux autres concerts en Belgique et une télé en Hollande, et on parle d’un procès. Je relate l’affaire selon le récit que m’en fait Paul.

 

Précisant que je n’y étais pas et ne peut donc avoir d’autre opinion que de trouver marrant que, si ailleurs se sont des gens réputés « engagés » comme Morrison et Zappa qui ont des ennuis avec les flics, en Belgique on se distingue en arrêtant des membres du Sweet, groupe commercial dont on se fichait plus ou moins, mais qui, du coup, fait figure de martyr.

 

 

Le plus drôle suit … En septembre, surmontant son aversion pour la Belgique, le groupe est de retour :

 

« Imaginez-vous un chapiteau tout ce qu’il y a de plus normal avec un podium tout ce qu’il y a de plus normal. Quelques flics débonnaires  et un public varié où dominent les moins de quinze ans. Quatre anciens combattants avec des drapeaux et assez de décorations pour renflouer un commerce de quincaillerie qui aurait été  attaqué par la rouille viennent prendre position de chaque côté de la scène. Y  monte un vieux bonhomme en costar qui est présenté comme le bourgmestre de Saint-Gilles.

 

The Sweet on stage 1972

The Sweet (Focus)

 

Avec une voix tremblante du à son âge respectable, il  y va d’un discours bourré de lieux communs. Il est applaudi. On diffuse une version de la Brabançonne dont l’enregistrement doit avoir été réalisé par Ambiorix…C’est ce qu’on appelle, à Saint-Gilles (41), la fête de la jeunesse !

 

Au milieu de la partie du chapiteau réservée au public, il y a une centaine de chaises dont s’est immédiatement fait éjecter n’importe quel « jeune » qui osait y déposer son fond de culotte. Elles sont réservées aux membres du conseil communal.  Comme c’est en général du centre du public que démarre une ambiance, vous imaginerez avec quelle « chaleur » est accueilli K-Joe, le groupe qui passe en première partie. Il jouerait devant un parterre de pissenlits que ce serait la même chose.

 

Heureusement, quand le Sweet lui succède,  la plupart des huiles ont battu en retraite. Ceux qui restent manquent la crise cardiaque en voyant arriver les musiciens : vêtements flamboyants, colliers géants, maquillage outrancier, tresses dans les cheveux et tout le bazar.

 

Le Sweet est amusant. Il ne se prend pas au sérieux pour un sou et mérite le succès que lui font les gosses présents. Déception toutefois : il ne se fait pas arrêter. Moi qui était venu pour ça. Est-on plus large d’esprit à Saint-Gilles que dans la région liégeoise, ou tellement bête qu’on ne comprend rien à rien ? »

 

 

 

 

 

 

Kesskis'passe ?

 

Révélation en première partie du concert annuel de Ten Years After en Belgique (à Forest-National): un «  solide petit groupe qui pratique une musique pleine de subtilités » : Supertramp.

 

A part ceux déjà cités, le printemps ‘72 voit aussi passer Pentangle (Louvain,  Hasselt) ; Flash , groupe de Peter Banks premier guitariste du Yes, Peter Banks (Tournai, Schaerbeek/140, Anvers, Hasselt) ; Leonard Cohen (Bruxelles/ Beaux Arts), Cliff Richard dans un récital gospel (Bruxelles/ Beaux Arts, Anvers), John Mayall (Anvers,Ixelles/Marni, Gand), Chicken Shack (Nederbrakel, Anvers), Rory Gallagher et Vinegar Joe dans le cadre d'un « Pop Circus  » à Liège/Sart-Tilman à l'occasion duquel nos légendaires Night Rockers (42) se reforment ; Jerry Lee Lewis (Forest), Brian Auger pour un free-show pluvieux en plein air à Schaerbeek, et James Brown (Anvers, Forest).

 

Friswa quitte le Wallace Collection quelques semaines à peine après y être entré. Lui et Freddy Nieuland n'arrivant pas à se supporter.

 

Révélé par le film Woodstock , le groupe Sha Na Na qui parodie les débuts du rock est en tournée en Angleterre et fait un malheur partout où il passe.

 

Nous continuons à publier des textes de chansons. Mais maintenant ce sont parfois des extraits d'albums et nous proposons une traduction. On va jusqu'à l'intégrale du texte de «  Thick As A Brick  » le nouvel album du Jethro Tull qui consiste en une suite, morceau unique seulement interrompu par l'obligation de retourner le disque à mi-chemin. Le texte et sa traduction occupent plus de deux pages entières.

 

 

 

Seulement voilà … Un passage du texte dit «  Your sperm is in the gutter » Traduction «  Votre sperme est dans l'évier ». Coup de téléphone de l'imprimerie à Willy (43)  : la direction n'est pas d'accord : c'est indécent…. «  Hein !? Mais on n'y peut rien. C'est le texte . » Rien à faire : notre bureau de correction supprime la traduction de la phrase. Faudrait tout de même pas oublier que les patrons font partie de la haute bourgeoisie catholique…

 

Je préviens les lecteurs : « Attention ! Il existe de faux disques pirates. Si vous observez le bord du disque et qu'il présente une rainure : c'est un yo-yo pirate ! »

 

Les hits mémorables du printemps '72 : Albums : «  Harvest  » par Neil Young , «  Now  » par Elvis , «  Machine Head  » par Deep Purple , «  Mardi Gras  » par Creedence Clearwater Revival , «  Thick As A Brick  » par Jethro Tull , «  Live In Japan  » par Shocking Blue , «  Slade Alive  ! » par Slade , «  Exile On Main Street  » par les Rolling Stones

Singles : «  Poppa Joe  » par Sweet , «  Son Of My Father  » par Chicory Tip , «  How Do You Do  » par Mouth & McNeal , «  Without You  » par Nilsson , «  Take Me Bak'ome  » par Slade

 

Mes coups de cœur qui ne se sont pas retrouvés dans les best-sellers  : l'album de C.C.S . groupe 22 musiciens mené par Alexis Korner, «  666  » de l' Aphrodite's Child, «  Lunch  » par Audience , le premier album de Doctor Hook , «  Orange  » par Al Stewart , «  In Concert With The Edmonton Symphony Orchestra  » par Procol Harum , «  Just Another Band From L.A.  » par les Mothers , «  Seven Tears  » par Golden Earring , l'album du groupe français Sandrose , «  Argus  » par Wishbone Ash, et…

 

 

« J'ai des nouvelles pour vous les gars. Je considérais « Performance » d'Humble Pie comme le meilleur album « live » à ce jour. Eh, bien, à quelques mois d'intervalle à peine voici qui le vaut largement. Peut-être même est-ce meilleur. Sais pas. Devrais juger les deux avec le même recul. Sans blague : « Slade Alive ! » est le genre de disque à vous taper l'arrière train au plafond. Ça fait des siècles que je n'ai plus entendu chanter avec une telle sauvagerie et jouer avec une telle méchanceté.

A tel point que je me demande comment est-ce humainement possible. Noddy Holder doit être un monstre ou quelque chose comme ça.

 

Il y a là des versions de « Hear Me Calling » et « Born To Be Wild » qui relèguent les originales au rang de cantiques pour veillées funèbres. Il y a une composition du doux John Sebastien, « Darling Be Home Soon » qu'il sera sans doute très surpris d'entendre. Il y a un pot-pourri rock, « Keep On Rocking » qui est à déconseillé aux personnes délicates. Il y a « Get Down With It » qui fera réfléchir deux fois plutôt qu'une l'organisateur qui osera faire venir Slade en Belgique (il pourrait y avoir de la casse), et deux compositions du groupe qui n'ont rien à envier au reste : « In Like A Shot From My Gun » et « Know Who You Are ». Les anti-Slade (il y en a encore) ne manqueront pas de relever « Quoi ? Deux compositions seulement ; sont pas très originaux ». Je vais vous l'expliquer moi, l'originalité de Slade sur ce disque. C'est la première fois qu'un groupe arrive à faire participer son public à tel point que celui-ci semble aussi être un membre du groupe. Entre Slade et ses fans la complicité est totale. Tout le monde contribue au délire collectif. C'est le rejet du « musicien-superman » qui est là pour vous écraser de sa supériorité. Slade c'est le rock du peuple ! »

Slade Forest National

Slade©Coerten

 

« Slade alive !  » est en effet, pour moi, une grande révélation. Jusque là j'avais considéré le groupe comme amusant, sans plus. L'énergie dégagée par l'album me fait revoir mon jugement. Il y a du phénomène dans l'air. Je l'ai déjà expliqué : ces dernières années beaucoup de musiciens rock avaient tendance à se prendre trop au sérieux. La tendance « head-rock », si elle séduisait une partie du public s'éloignait de plus en plus de ce qui a contribué à faire du rock and roll un ras de marée mondial : son rythme, sa fantaisie, son côté sexy, subversif, son pouvoir de communion avec son public. Le rock réagissait, entre autres, contre la musique sirupeuse et barbante, mais voilà qu'emportés par leur succès une partie non négligeable de ses exécutants remplaçaient le sirop par de la virtuosité et de la technique, oubliant le reste, et devenant aussi pelants. Slade remet les pendules à l'heure. Aucune prétention de virtuose chez ces gars, mais le rythme, la fantaisie et la communion avec le public sont là. Quand à la subversion… « Renversement de l'ordre établi  » dit le dictionnaire. On va être servi. Slade va bouleverser la scène rock au point que la plupart des groupes « punks » qui achèveront le travail à la fin des seventies se réclameront de son influence. Mais n'allons pas trop vite. On verra ça dans le tome 2.

 

 

«  Bienvenue à Jemelle ! » Le bonhomme en veston - cravate qui s'adresse au public, a une bouille ronde comme son ventre, un sourire candide et les yeux pétillants. C'est un personnage  local. Le boute-entrain du village paraît-il. Il n'a rien de l'habituel présentateur de concerts (celui-là, c'est moi, et je suis à côté de lui) mais son côté sympathique est irrésistible.

 

«  Bienvenue à Jemelle !  » vient-il répéter chaque fois que le micro est libre. C'est sincère. Ces 5 et 6 août 1972, le « petit » festival de Jemelle décroche pour moi le titre de « meilleur festival belge de tous les temps » (44). Un moment de grâce, un petit miracle, du en grande partie à cette formule magique inoubliable, « Bienvenue à Jemelle ! », tellement répétée que tous ceux qui vivent l'événement se sentent effectivement « bienvenus ».

 

Piero et le "présentateur"- Jemelle-1972

 

Et ce n'est pas souvent le cas pour les jeunes chevelus à l'époque ! Rappelez-vous mon accident de l'année passée… En plus, il fait très beau. Le chapiteau est dressé près du camping municipal, sur le gazon près d'un ruisseau. Il y a de la place pour flâner, le service d'ordre est complaisant, pas l'ombre d'un flic en vue.

 

Côté spectateurs, ce n'est pas la grande foule (il y aura environ 4000 personnes en tout et pour tout) mais la qualité compense la quantité, un public où se mélangent les jeunes de la région et les amateurs de rock venus des quatre coins du pays. Il n'y aura pas le moindre incident. Tous ont soit un bon souvenir, soit des échos favorables de l'année passée et n'aspirent qu'à ce qu'on remette ça.

 

Cette fois, il n'y a qu'une seule tête d'affiche, mais non des moindres… Slade  ! C'est, sa première véritable (45) prestation « live » en Belgique. Mais on fait aussi quelques très plaisantes découvertes. Le samedi, en guise de prologue, on découvre un nouveau groupe belge qui promet : Fetisj. Des Anversois qui semblent avoir compris l'importance de la tenue sur scène.

 

 

Et puis il y a ce petit groupe anglais déjà apprécié en première partie de Ten Years After à Forest : Supertramp.

 

Son saxophoniste, Dave Winthrop (46), a beaucoup de présence et il ne faut pas longtemps avant que le public soit captivé. Il y a plusieurs rappels. De l'aveu des musiciens ils n'avaient jamais reçu un accueil aussi chaleureux.

 

David Winthrop 1972

David Winthrop - Supertramp

 

Bienvenue à Jemelle ! Dimanche : après le légendaire Ferré Grignard , beatnick anversois folk maintenant accompagné d'un groupe qui l'étouffe un peu, d'autres découvertes… Le Pigsty Hill Light Orchestra , un quatuor de farfelus venus des clubs folk de Bristol, qui se servent d'instruments comme un mirliton, une paire de ciseaux, et une contrebasse faite d'une corde et d'une caisse pour une prestation si cocasse que, follement acclamés, ils passeront deux fois sur la journée. Kjoe des Hollandais, ex-Q65, qui suivent maintenant les traces du Golden Earring.

 

Capability Brown , un groupe de chez Charisma (la marque de disques de Genesis et Van Der Graaf Generator) extrêmement poussé sur le plan vocal. Tous sont excellents et si différents les uns des autres que l'intérêt est relancé à chaque fois. Le public nage dans le bonheur. Bienvenue à Jemelle ! Je présente le festival mais je ne bosse pas pour Télé Moustique. C'est ma période de congé, et ce sont Jean-Noël Coghe et Jean-Luc Crucifix qui assurent le reportage. Tant mieux. Pour le passage de Slade , libéré de toute obligation de réserve « professionnelle » je peux vivre ça en simple spectateur. Enfin… Presque. Parce que, venant de la scène, je peux plus facilement me glisser parmi les premiers rangs.

 

Slade in Belgium

Slade - Jemelle 1972©Erik Machielsen

 

Bienvenue à Jemelle ! Les voilà ! Noddy Holder, Dave Hill, Jimmy Lea, Don Powell. Ils ont un accoutrement incroyable : vêtements bariolés, casquettes marrantes, chaussures à grosses semelles et des gueules pas possible, mais, nom d'un chien, dès les premières notes ils y vont à fond la caisse. Le volume est tel que j'ai l'impression de recevoir un direct à l'estomac. Noddy hurle qu'il veut tout le monde debout dès le début et c'est parti… Le martèlement Slade, ce rythme irrésistible qui vous secoue la moelle épinière de bas en haut et retour. Pas moyen d'y échapper. Ici devant, nous sommes collés les uns contre les autres.

 

 

Nous formons une sorte de masse compacte qui se soulève et s'abaisse en cadence. Petit à petit on perd la notion de son propre corps et ça devient hypnotique. Tout ce qui n'est pas musique s'estompe… «  Hear Me Calling  »… «  Born To Be Wild  »… Envoûtement ? Transe ? Je ruisselle de sueur. La température est infernale. Est-ce que je touche encore le sol ? Un vertige. Je vais tourner de l'œil et être piétiné. Non. Pas possible de s'effondrer. Je suis soutenu par les autres. « Mama We're All Crazee Now  ! » Ça repart de plus belle ! WAAAAAAW ! Quel pied ! Les amis, quel pied ! C'est aussi bon qu'un orgasme. Bienvenue à Jemelle !

 

 

 

Je l'ai déjà écrit, depuis son passage à Wolu City en 1967, le retour du Who est devenu une sorte d'Arlésienne. On en parle beaucoup mais on ne voit rien venir. Des rumeurs circulent même comme quoi le groupe n'aime pas la Belgique. Mais tout à coup, à la mi-juillet, la nouvelle tombe : c'est signé : le Who sera à Forest National le 16 août. C'est Mojo , la société de Ludo De Bruyne (à qui l'on doit les fameux concerts de Londerzele) qui organise et cela devrait plus ou moins coïncider avec la sortie du premier album solo de Pete Townshend … Et en première partie il y a Golden Earring ! Emoi.

 

N'en déplaise au Led Zeppelin, le Who est toujours considéré comme le plus grand groupe de rock au monde. N'était-il pas le premier dans les cœurs des lecteurs de Hot au dernier Pop Poll ? Je suis en vacances mais la rédaction se mobilise. Jean-Luc a la chance d'interviewer Keith Moon à Knokke où ce dernier doit tourner une télé avec ses potes de Sha Na Na. Moon confirme la venue du groupe avant de se livrer à ses habituelles excentricités, de se blesser, de se retrouver à l'hôpital et de rater l'enregistrement de l'émission. Heureusement ce n'est pas grave. Il sera au rendez-vous de Forest.

 

The Who in Belgium

The Who live

Willy achète les droits de traduction et de publication d'une biographie du Who signée Gary Herman. Une analyse pas facile à lire qui occupera les pages rock à l'arrière du magazine durant huit semaines sous le titre My Generation.

 

Bref, cet été Télé Moustique est Who et l'après-midi qui précède le concert, qui se retrouve tête à tête avec Pete Townshend ?

 

Ben oui, je suis dans mes petits souliers. A part, peut-être Elvis, il n'y a personne dans le monde musical que j'admire autant que Pete Townshend. Je le considérais déjà comme un génie à l'époque où sorti « My Generation » et ce fameux concert de Wolu City en '67 est un de mes meilleurs souvenirs (47), mais depuis « Tommy » c'est devenu de l'adulation. Alors vous vous imaginez ? Nez à nez (et dans son cas ce n'est pas peu dire) avec mon idole… Va falloir assumer pourtant. Alors j'assume.

 

 

 

L'INTERVIEW (1)

 

 

Heureusement. Townshend me confirme tout le bien que je pense de lui en me faisant cadeau d'une interview dont je ne peux qu'aligner de larges extraits pour vous convaincre qu'elle a de quoi secouer ses fans …

 

« Comme la plupart des « bêtes de scènes » Pete Townshend est « dans le civil » un jeune homme calme et réservé. En fait, il fait un peu penser à un prof dans son costume qui est trop large pour lui. Il est maigre. Sa barbe qui lui mange le visage lui donne un air famélique. Il parle d'une voix calme et aiguë. Il bégaye parfois lorsque sa phrase est un peu longue. Mais toujours il donne l'impression d'une lucidité et d'une clairvoyance incroyables. « I Can See For Miles » : ce doit être vrai. La clarté profonde de son regard est là pour le confirmer…

 

- Nous venons de publier la traduction intégrale du livre de Gary Herman qui est consacré au Who. L'avez-vous lu ? Quel est votre avis à son sujet ?.

 

•  Je ne l'ai  pas particulièrement aimé. Je l'ai lu très rapidement. Je pense que ce n'était pas mal : il avait de chouettes photos. Ça ne m'a pas enthousiasmé. Il y est allé un peu fort à certains moments. Il a trop parlé de la période « mod » en Angleterre sans vraiment essayer de faire la part des choses. Il écrit, par exemple, que la veste taillée dans l'union jack était représentative de cette époque. Ce n'est pas vrai. Cette veste était juste un truc tape-à-l'œil pour la scène. La période où nous avons été mods était bien antérieure.

 

•  D'après Keith Moon, vous étiez plutôt « rockers » dans l ‘âme, non ?

•  Non, je crois que nous étions plutôt hippies.

 

•  Un peu violents pour des hippies, vous ne trouvez pas ?

•  Ce n'est pas le côté pacifique des hippies auquel je pense, mais le côté artistique. La plupart des jeunes, à nos débuts, étaient surtout concernés par la vie quotidienne et ses réalités. Les hippies furent les premiers à accorder une grande importance à la création artistique.

A l'époque, j'étais au conservatoire, et les arts en général, m'attiraient énormément. Le groupe, lui, jouait régulièrement dans des faubourgs où il n'y avait pas de mode particulière. Le jour où nous avons découvert le public mod ce fut en quelque sorte le coup de foudre. Nous avons commencé à tout faire pour lui plaire. C'est ainsi que nous sommes devenus un groupe mod. Parce que nous jouions pour les mods.

 

•  Pensez-vous qu'il existe aujourd'hui un groupe qui vive le même phénomène ? Qui se soit vraiment identifié à un groupe social et provoque le même enthousiasme que le Who en '65 ?

 

•  Le seul qui me vienne à l'esprit est Slade. Au départ ils étaient skinheads. Les skinheads d'aujourd'hui ont pris la succession des mods.

 

 

 

 

•  Quelle est votre préoccupation principale pour le moment ?

•  Nous travaillons à un nouvel opéra-rock. C'est très complexe et ça ne paraîtra probablement pas avant longtemps. Mais nous avons déjà une demi heure…

 

L'interview de Pete Townshend par Piero Kenroll

 

•  Et votre album personnel ?

•  C'est un disque que j'ai réalisé parce des tas de gens venait me questionner au sujet de l'intérêt que je porte à Meher Baba (48). J'ai pensé qu'au lieu de longs discours et de conférences télévisées sur le sujet, je ferais mieux d'enregistrer un L.P. Les gens pourront l'écouter et en retirer ce qu'ils veulent, selon leur réaction. Ce n'est pas vraiment un album en solo puisqu'il y a une chanson, par Ronnie Lane des Faces et une autre par un gars qui s'appelle Billy Nichols. Ce ne sont donc pas toutes des compositions personnelles. Ce sont des chansons que Meher Baba aimait ou directement relatives à sa vie. Je l'ai vraiment fait parce que, lorsqu'il me faut parler de Baba, j'ai difficile à expliquer ce que je ressens. Je suis un musicien, je me débrouille mieux avec la musique qu'avec les mots.

 

•  Vous ne vous débrouillez pourtant pas mal pour écrire des articles (49).

•  (Il rit) Je suis un brillant écrivain ! Oui, j'ai aussi écrit un grand article pour Rolling Stone, mais cela m'a pris beaucoup de temps. Ce n'était pas facile. Tout le monde ne lit pas les interviews, vous savez. On regarde les photos et on se fiche du reste. Pour le moment vous et moi sommes intéressés par ce que nous disons, mais beaucoup de jeunes ne le sont pas... Ce qui les intéresse, c'est un bon concert.

 

•  J'ai pourtant pas mal de lecteurs .

•  Oui, mais c'est une minorité. Je crois qu'il y a des fans-du-rock-intellectuels qui collectionnent les mots et les pages, parce qu'ils pensent ainsi approcher le musicien de plus près.

 

 

( 2 )

 

 

•  Un genre de snobisme?

•  Ce l'était, mais à présent la plupart des interviews que je lis sont des études du rock, mais ne parlent pas du rock. Les journalistes ne sont même pas rock eux-mêmes. Ils analysent ou parlent de l'Histoire du Rock.

 

Toutes les interviews que j'ai faites ces derniers temps, exceptée celle-ci, commençaient par « Le Who est ensemble depuis dix ans maintenant. Combien de temps croyez-vous que ça va encore durer et ne pensez-vous pas que ce sera difficile pour vous d'être encore musicien rock à quarante ans ? ».

 

Pour ceux qui posent ces questions, le rock, c'est déjà de l'Histoire. Ils n'ont rien compris. Sans doute parce que la plupart d'entre eux ne se sont jamais battus pour arriver au premier rang lors d'un concert. Ce n'est pas vraiment leur passion d'aller aux concerts. C'est leur boulot. Ils ont appris leur métier de reporter, de critique ou de photographe, mais le rock n'est pas leur passion. Ils posent des questions basées sur la farde de presse que le délégué de Polydor leur glisse à l'entrée. C'est pour cela que je crois que le gros du public a de fausses idées d'après ce qu'il lit dans la plupart des revues.

 

•  Alors, la chose la plus importante: c'est simplement ressentir la musique?

•  Je crois que la chose la plus importante, c'est la musique…ou le concert.

 

•  Ça fait pas mal de temps, et ce fut d'ailleurs pour une fois seulement que....

•  (Il se moque…) Ouais, nous avons eu une expérience tellement amusante ici que nous avions décidé de ne plus revenir.

 

•  En effet. Du côté des agences et des firmes de disques, j'ai entendu souvent dire « Les membres du Who détestent la Belgique, ils n'aiment pas le continent » etc. Qu'en est-il exactement?

•  Ce n'est pas seulement la Belgique. C'est à peu près partout la même chose en Europe. Le problème principal est que le Who, je parle sérieusement, est en partie un groupe de comédiens humoristiques. Alors, quand vous essayez de communiquer avec un public de langue différente de la vôtre (et dans votre cas de deux langues différentes), c'est très difficile.

 

Vous ne savez pas du tout lui parler. Tout ce que vous pouvez faire, c'est djing-djing-djing­dung... pendant une heure. Si vous jouez quelque chose qu'il connaît, ça va. Si le public ne connaît pas, ça ne marche pas. Vous devez donc avoir derrière vous une série de hits.

 

Pour nous, l'Europe est donc un sale boulot, parce que nous essayons de gagner le public avec tous les moyens possibles: musique, paroles, gags, etc... «  Tommy », par exemple, est un truc incroyablement complexe au niveau du texte. Vous devez en comprendre le sens pour l'apprécier.

 

 

C'était la même chose avec le mini-opéra (50) que nous jouions la première fois que nous sommes venus en Belgique.

 

Personne ne comprenait de quoi il était question. C'est en partie notre faute. Je veux dire que si nous venons en Belgique et que nous demandons de l'argent aux gens pour venir nous écouter, nous devrions faire l‘effort d'apprendre leur langue, mais vous savez bien que c'est pratiquement impossible.

Alors ? N'est-ce pas plus honnête de ne pas venir ? Remarquez que maintenant ça va mieux, il y a beaucoup plus de monde intéressé par le rock, il y en pas mal qui comprennent l'anglais... Alors, nous voilà.

 

•  La musique ne peut-elle être suffisante par elle-même?

•  Non ! Non, non et non. Pas dans notre cas. La musique, je pense, est la partie traditionnelle du rock, mais les paroles sont ce qui change avec l'époque. La musique reste toujours à peu près la même chose, elle se perfectionne techniquement, c'est tout. Mais les paroles suivent une évolution qui suit ou influence leur époque .

 

•  Mais la façon dont quelqu'un qui se rend à un concert réagit à ce qu'il entend , ce qu'il voit, ce qu'il ressent...

•  Oui, mais ça pourrait être n'importe qui… Chuck Berry, les Stones, les Faces, Marc Bolan, ou n'importe qui d'autre. Ils jouent tous la même chose. Mais le Who est différent parce qu'il y a plus de subtilité. Si vous faites abstraction des paroles, vous ne tenez pas compte de l'esprit, et tous les groupes se ressemblent. Vous, vous vous débrouillez en anglais, mais imaginez un peu ce que ce doit être pour l'amateur de disques moyen...

 

•  Mais.. Je me rappelle le temps où je ne comprenais pas l'anglais : la musique seule, ou même le “son”de certain mot sur certaine note, me séduisait.

•  Mwouais... Tant mieux pour vous. Mais comprenez aussi que la raison pour laquelle nous montons sur scène n'est pas seulement d'avoir des gens qui sautent de joie et qui dansent. C'est une partie, d'accord, mais l'autre c'est de nous faire comprendre. Parce que nous croyons avoir quelque chose à dire…

 

Et nous voulons nous amuser aussi ! En Amérique ou en Angleterre, il nous arrive de jouer un morceau, de faire des bonds de deux mètres une dizaine de fois en trois minutes, et quand le morceau est fini, pour souffler, de venir en raconter une bien bonne au micro. En Europe, on fait des bonds de deux mètres une dizaine de fois en trois minutes, on vient au micro à la fin du morceau et on n'a rien à dire. Le public tape des mains pour que vous continuiez à jouer, il ne réalise pas que vous êtes crevé. Cela fait partie des petites choses qui nous refroidissent à propos de l'Europe.

 

Vous savez, ce n'est pas que nous nous prenions tellement au sérieux, mais nous voulons avoir la satisfaction d'offrir un bon show, c'est tout.

 

 

Pete Townshend : « Nous sommes venus en ‘66 à Bruxelles, et c'est toujours aussi ennuyant

comme ville  ! ».

Est-ce que c'est le cas ce soir-là à Forest National ? Après une prestation réduite du Golden Earring, je constate que le Who n'est effectivement pas au niveau qu'il avait lorsque je l'ai vu à Plumpton ou à l'île de Wight. Et si un concert « moyen » du Who est toujours plus soufflant qu'un très bon concert de la plupart des autres groupes, lorsque Townshend s'adresse au public c'est pour dire « Nous sommes venus en ‘66 à Bruxelles, et c'est toujours aussi ennuyant comme ville  ! ».

 

II faut se faire une raison, si nous aimons le Who, on ne peut pas dire que, lui, nous aime bien. En tout cas, le groupe n'est pas irréprochable non plus. S'il tient tellement à se faire comprendre, sa balance sonore pourrait être plus soignée. Or, on est loin du compte. Après le concert Pete est sur les nerfs, il s'ensuit une « explication violente » (51) avec Roger Daltrey. Quelques jours plus tard, le New Musical Express titre : «  Le Who fait un bide en Belgique  ». Et le journal anglais de critiquer la prestation du groupe à Forest et le public belge, qui, selon lui, avalerait n'importe quoi sans réagir. Facile à dire quand on a autant d'occasions de voir le Who que le public anglais.

 

Nous, on est tellement content qu'il vienne chez nous, qu'on ne va tout de même pas le sortir. N'empêche… Townshend s'est peut-être dit « Ça va vraiment mal ce soir, et malgré ça, on nous fait un triomphe. Décidément, ces Belges ne comprendront jamais rien !  ».

 

Kesskis'passe ?

 

Extraits du « compte-rendu » du concert « des » Who dans le quotidien La Libre Belgique du 18 août, page 17 : « Pete Townshend a pour acolytes, aussi chevelus que fidèles, le batteur Keith Moon, grand briseur de baguettes, le chanteur vociférant John Entwistle, le guitariste Spencer Vangler… …c'est la première grande apparition publique (du groupe) sur un podium belge… Pourquoi les jeunes viennent-ils des quatre coins du pays se plonger dans un tel vacarme ?…. pour se retrouver en bande comme certains de leurs aînés dans les Oberbayern ? …  » (52)

 

 

Lors d'un concert de Leonard Cohen à Tel-Aviv, le service d'ordre est tellement brutal avec le public que ne pouvant le supporter, le chanteur et ses musiciens descendent de scène pour faire le coup de point. Oui : Leonard Cohen. Un type si calme…

 

Dave Hill de Slade rencontre Ray Davies des Kinks et veut lui dire son admiration. Mais Ray trouve que Dave a une sale bobine et lui retourne un verre de bière sur la tête . Dave en fait autant pour Ray. L'ex-Animals Chas Chandler, manager de Slade, veut s'interposer mais Davies le repousse violemment. Chas prend alors Ray à la gorge… On les sépare. Heureusement, les cordes vocales du leader des Kinks risquaient gros ; Chandler est plutôt costaud.

 

A Anvers lors d'un show baptisé  Fantasmagora  qui débute avec un fakir et des danseuses en première partie, Sha Na Na groupe qui parodie le rock ‘n' roll des pionniers fait un tabac. Le groupe a douze membres plus tordants les uns que les autres. « Il y a celui qui parodie Elvis, il y a un long-mince-qui-louche avec une incroyable voix basse, un gros saxophoniste qui chante comme les Platters, un pianiste à la Jerry Lee Lewis et un bassiste qui fait très gosse qui interprète « Why Must I Be A Teenager In Love » avec des sanglots dans la voix…  »

 

Alice Cooper est une des sensations du moment. La pochette de son nouvel album « School's Out  » reproduit un banc d'école. Lorsqu'on en ouvre le couvercle on découvre le disque emballé dans une petite culotte de fille.

 

Bilzen ‘72 n'est pas bien plus enthousiasmant que Bilzen '71. Il y a moins d'incidents, moins de mesquineries, un programme mieux respecté, mais de continuels problèmes de sono gâchent les prestations de la plupart des groupes. Quels groupes ? Entre autres Curved Air qui a une jolie chanteuse mais en remet trop côté solos ; Lindisfarne dont le passage est saboté par la sono ; comme d'ailleurs Edgar Broughton pourtant en bonne forme ; Brian Auger's Oblivion Express impeccable mais sans surprise, Wizzard le nouveau groupe de Roy Wood qui a quitté l'Electric Light Orchestra il y a peu et n'est pas encore au point, M.C.5 groupe américain réputé « engagé » mais qui ne dégage pas grand chose.

 

 

Finalement : ce sont les comiques du Pigsty Hill Light Orchestra et le Capability Brown qui se taillent les plus gros succès. Oui, ils étaient aussi à Jemelle. Ça c'était un bon festival.

Frank Zappa dissout les Mothers Of Invention et annonce qu'il va se produire accompagné par ce qu'il appelle un « orchestre symphonique électrique » qui comprendra, entre autre, ce que moi j'appelle des « anchois ». C'est à dire des musiciens qui jouent des instruments à « anche » tels la clarinette, le hautbois et « les mains sur les … » par Adamo.

 

Enfin un Beatle en Belgique ! Paul McCartney et ses Wings passent le 22 août au ciné Roma , une salle de 1600 places, à Borgerhout faubourg d'Anvers. Accueil délirant («  Paul se serait contenté de siffler dans le micro que le public lui aurait tout de même fait un triomphe  ») pour un concert en demi-teinte. C'est solide techniquement, mais par un groupe aux mines sinistres où l'on se demande à quoi sert Linda (Mme McCartney) dont on n'entend pas les claviers et qui tire une tête jusque par terre.

 

Alors que l'ex- Night Rockers Armand Massaux (guitare et chant) met au point un nouveau groupe avec les anciens Kleptomania Charly Deraedemaker (basse), Roger Wollaert (batterie) et Patrick Gijsen (orgue), ce dernier est victime d'un accident de voiture et décède dans la nuit du 21 au 22 août..

 

A part ceux déjà cités, l'été de '72 en Belgique voit aussi se pointer James Brown (à Anvers/Roma, et à Forest-National), Joe Cocker et Jucy Lucy (Forest-National), Soft Machine et Matching Mole (Anvers/Roma, Bruxelles/Madeleine, Liège/Conservatoire et Gand) et If et Supersister (Mechelen-aan-de-Maas)

 

Les hits mémorables de l'été '72 : Albums : «  Alvin Lee And Company  » par Ten Years After , «  In Concert With The Edmonton Symphony Orchestra » par Procol Harum , «  Obscured By Clouds  » par Pink Floyd , «  Seven Tears » par Golden Earring , «  Trilogy  » par Emerson, Lake & Palmer , «  The Slider  » par T.Rex , «  Slade Alive  ! » par Slade , «  Exile On Main Street  » par les Rolling Stones

Singles : «  Hello - A » par Mouth & McNeal , «  My Reason  » par Demis Roussos , «  Song Sung Blue  » par Neil Diamond, «  Rock and Roll, Part 1 et 2  » par Gary Glitter, et « Pop Corn » par Anarchic System

 

Mes coups de cœur ? Les albums «  All Together Now  » par Argent , «  Together  » par Golden Earring, «  Only Parrots, Frogs And Angels  » le solo de Barry Hay chanteur du Golden Earring, «  From Scratch » par Capability Brown, « School's Out  » par Alice Cooper,  « Ziggy Stardust  » par David Bowie, «  Son Of Schmilsson  » par Nillsson. Les singles : «  Buddy Joe  » par Golden Earring et «  Sylvia's Mother  » par Doctor Hook

 

 

 

(39) Avec le recul je me rends compte à quel point Yves baquet fut un collaborateur exceptionnel. Merci Yves

(40) de 3,11 à 5,6 €

(41) Commune bruxelloise

(42) Voir CŒUR DE ROCK

(43) Mémoire courte ? C'est mon rédac-chef.

(44) Et ça vaut jusqu'aujourd'hui !

(45) Rappelez-vous : le groupe était passé à Liège pour une télé

(46) Eh oui à part Hodgson et Davies le personnel était différent de l'équipe qui devint célèbre

(47) Voir CŒUR DE ROCK

(48) Guru qui fascinait Townshend à l'époque

(49) Nous avions publié un article signé Pete Townshend intitulé « Le rock est une musique sans passé  »

(50) «  A Quick One While He's Away  » de l'album «  A Quick One  » (1966)

(51) Je n'étais pas dans les coulisses à ce moment, je rapporte ce qu'on m'a raconté

(52) Pour les distraits, je rappelle que le Who était venu à Wolu City en '67 et qu'Entwistle joue de la basse et ne chante presque pas. Ce que fait Roger Daltrey. Quand à savoir d'où sort ce Spencer Vangler… ?????

 

 

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Mise en page : Jean Jième

 

Chapitre 9 : La déglingue

Chapitre 11 : Charisme